ORNANS: "Merci de m'avoir fait revivre un peu ma vie" : l'espace de quelques heures, la jument Dounka offre aux pensionnaires d'une maison de retraite de "bonnes ondes" et du "bien-être", aux vertus thérapeutiques étonnantes.
Un cheval sur le parking de la Maison d'accueil et de résidence pour l'autonomie (Marpa) d'Ornans, au sud de Besançon : la scène intrigue un groupe de résidentes qui, avec une prudente distance, observent Emmanuelle Pfrimmer s'affairer autour de l'animal.
Brossage de l'élégante robe bai brun, nettoyage des sabots sur lesquels elle enfile des chaussons antidérapants... "On donne la dernière touche", explique Emmanuelle, qui a débuté la médiation animale en 2009 et désormais familière des interventions, notamment en maisons de retraite ou dans des établissements pour personnes en situation de handicap.
Elle y amène fréquemment chiens, chats, furets et pigeons. Et, parfois Dounka, sa jument de 9 ans, "pure race espagnole".
«Bonnes ondes»
Un peu impressionnée, Annie Dubois-Carpentier, 82 ans, ose malgré tout le contact : "J'ai confiance (...) Le fait de la voir me donne de bonnes ondes à l'intérieur de moi, qui me pacifient", confie-t-elle dans un grand sourire.
Docile, Dounka se laisse caresser. "Elle a toujours été calme", explique Mme Pfrimmer, 45 ans. Pour la médiation animale, "il faut une jument sympa, qui ne soit pas +sur l'oeil+ (sur le qui-vive, ndlr) ou émotive", explique cette éducatrice titulaire d'un certificat de zoothérapie obtenu au Québec.
Quelques morceaux de carottes grignotés au creux de la main d'Annie en guise de récompense et Dounka prend la direction des chambres.
L'accès se fait par un terrain en pente à l'arrière du bâtiment, moyennant quelques marches que la jument franchit aisément.
Dans le couloir et plus encore dans les chambres, sa présence impressionne. Pas moins de 1,57 mètre au garrot pour 475 kilos : Dounka a beau être douce, elle en impose.
Face à l'équidé, Rose Gresset, 88 ans, voit les souvenirs de son enfance à la ferme affluer. Même si, à l'époque, les animaux "n'entraient pas dans les chambres (...) ils étaient à l'écurie!", s'amuse cette élégante octogénaire, rapidement submergée par l'émotion : "ça me fait plaisir, tous ces animaux (...) c'est beaucoup de souvenirs", s'émeut-elle, les larmes aux yeux.
«Ils rayonnent»
"On aimait ces animaux (...) on vivait à la ferme avec (eux). C'était grandiose pour nous (...) Ca me touche vraiment, merci de m'avoir fait revivre un peu ma vie", glisse-t-elle à Emmanuelle Pfrimmer.
"La mémoire émotionnelle est l'une qui reste le plus longtemps", explique cette dernière. "Pour les personnes âgées qui ont eu des animaux jeunes, ça leur parle, ça leur fait du bien".
Après les chambres, le salon : une dizaine de résidentes y ont pris place, assises en demi-cercle pour un petit quizz -- naturellement sur le thème du cheval. Dounka se plante tranquillement face à elles pendant que Mme Pfrimmer invite chacune à participer, qui en posant les questions, qui en donnant les réponses.
Dounka "leur apporte du bien-être, ça les stimule beaucoup au niveau cognitif", témoigne Michel Prati, maître de maison de cette résidence nichée dans un écrin de verdure au milieu des montagnes du Jura.
Différente d'un Ehpad, où les pensionnaires sont plus dépendants, cette Marpa héberge 24 personnes, 20 femmes et quatre hommes d'une moyenne d'âge de 88 ans, auxquels elle apporte une relative autonomie.
Ils participent à ce type d'activité "avec beaucoup d'enthousiasme, c'est très positif", constate M. Prati. Pour des personnes qui sortent peu, "c'est le monde extérieur qui vient à eux. Ca leur fait du bien (...) Ils rayonnent".
Les effets de ces séances "perdurent dans le temps, sur plusieurs jours", abonde Mme Pfrimmer : "les soignants voient le bénéfice sur le sommeil, la prise de médicaments qui baisse, la gaité, la joie, le bien-être, la socialisation..."
Le quizz touche à sa fin. Dounka, elle, montre des signes de fatigue : elle lève un sabot, puis l'autre. Encore un tour dans une chambre et il sera temps pour la jument et sa maîtresse de prendre congé.
Rassemblés pour le goûter, des pensionnaires leur font au revoir à travers la baie vitrée, déjà dans l'attente d'une prochaine visite.