Grève des éboueurs: «Paris, c’est Beyrouth en 2015»

Des poubelles jonchant les trottoirs de Paris. (Photo Anne Ilcinkas)
Des poubelles jonchant les trottoirs de Paris. (Photo Anne Ilcinkas)
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Publié le Jeudi 23 mars 2023

Grève des éboueurs: «Paris, c’est Beyrouth en 2015»

  • «Le contexte est différent mais les actions sont similaires. Il y a des plaies qui sont réactivées. Ça a réveillé des choses en moi, c’est sûr», explique Dana, jeune traductrice libanaise installée à Paris depuis 2019
  • «À Paris ou à Beyrouth, c’est la même galère», précise Bassam Wehbé, humoriste libanais installé à Paris depuis 2020

PARIS: «J’ai eu un flashback de Beyrouth en 2015.» Comme Dana, nombreux sont les Libanais à avoir cette sensation en marchant ces derniers jours dans les rues de la capitale française, jonchées de poubelles, en raison de la grève des éboueurs contre la réforme des retraites. «Mais ici, ce sont des revendications précises, ça ne va pas durer éternellement. Quoique, à Beyrouth aussi, on se disait que les politiques allaient trouver une solution», se rappelle la traductrice de 35 ans, qui avait vécu en 2015 l’intégralité de la crise des déchets.  

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Les déchets à Paris. Photo Anne Ilcinkas.


À l’époque, la fermeture (maintes fois repoussée) de la plus grande décharge du pays, à Naamé, au sud de Beyrouth, avait, faute de solutions alternatives, laissé des tonnes d’ordures s’empiler dans les rues de la capitale libanaise mais aussi le long des autoroutes, des fleuves et même dans les vallées du pays du Cèdre. L’incurie de la classe politique, incapable de régler le problème, avait poussé des dizaines de milliers de Libanais dans la rue, dans une mobilisation non confessionnelle et non partisane sans précédent, illustrant le ras-le-bol contre la corruption endémique.

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Une femme de chambre philippine promène un chien devant un tas d'ordures dans un quartier huppé de Beyrouth, la capitale libanaise, le 15 septembre 2015. (Photo PATRICK BAZ / AFP)


Il y a quelques jours, Dana buvait un verre le soir avec ses amis quand elle a vu «débouler une centaine de jeunes dans la rue», qui manifestaient contre le passage en force de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale via l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. «C’était complètement imprévisible pour moi, je n’avais pas suivi les nouvelles. J’ai fait un parallèle avec Beyrouth, la crise des déchets de 2015 et les manifestations de 2019», explique avec émotion la jeune femme, installée à Paris depuis 2019. «Le contexte est différent mais les actions sont similaires. Il y a des plaies qui sont réactivées. Ça a réveillé des choses en moi, c’est sûr.»

Paris
Devant le Foyer franco-libanais à Paris. (Photo Anne Ilcinkas)


Si la jeune femme partage des photos des poubelles parisiennes sur le groupe WhatsApp familial en mentionnant que «Paris, c’est Beyrouth», Bassem, lui, a souligné la similitude en partageant une story sur Instagram, dans laquelle il filme des images de poubelles parisiennes sur la chanson Ya Beyrouth de Magida el-Roumi. «C’est juste un petit contenu pour rigoler, un clin d’œil humoristique», explique-t-il à Arab news en français.
«J’ai un peu fait ma rupture avec le pays et ça me convient», poursuit l’architecte de 31 ans, installé à Paris depuis trois ans, après avoir travaillé sept ans en Arabie saoudite. «J’ai vu la crise des déchets quand j’étais en visite dans le pays, mais je ne ressens pas de sentiments négatifs en voyant les poubelles à Paris. Concernant la grève des éboueurs, je pense qu’ils n’ont pas tort et que c’est un moyen très fort de mettre en avant une cause, mieux que la télévision, car ça touche directement les gens à n’importe quel instant et lieu. Je trouve ça plutôt efficace.»
 


Richard aussi se montre compréhensif vis-à-vis de la grève des éboueurs parisiens, qui perturbe la collecte des déchets depuis plus de deux semaines. «Bien sûr, ça me rappelle la crise des déchets de 2015, mais au lieu d’être provoquée par une classe politique corrompue, c’est le résultat d’une forme de contestation que l’on peut comprendre. Ça nous rappelle aussi l’importance de ces services publics que l’on tient pour acquis.»
Sa fille Aya, 13 ans, était trop jeune pour se souvenir des fleuves de déchets qui inondaient Beyrouth. Âgée de 6 ans à l’époque, elle n’en garde aucun souvenir, mais aujourd’hui, dans son collège parisien, «on parle plus des poubelles que de la retraite», sans réellement faire le lien entre les deux.



Bassam Wehbé n’a pas hésité à en parler dans une vidéo humoristique tournée dimanche près du jardin du Luxembourg à Paris et diffusée sur ses comptes Tiktok et Instagram. Assi sur une poubelle, mangeant nonchalamment des graines de courges, il interpelle «Beyrouth, tu n’es pas seule» (ndlr: Paris est avec toi).


«À Paris ou à Beyrouth, c’est la même galère», précise-t-il à Arab news en français. Ici à Paris, on est en train de voir les mêmes problèmes qu’au Liban, avec les grèves, les coupures d’électricité, l’inflation galopante, la baisse de l’euro face au dollar… Où qu’il aille, le Libanais prend ses problèmes avec lui. Mais le Libanais est résilient, il s’adapte aux problèmes et continue à vivre», estime encore le comédien – installé à Paris depuis 2020 – et auteur d’une trentaine de vidéos humoristiques sur l’intégration des Libanais en France, avec les coutumes et traditions qui diffèrent. «Au Liban, ça a duré quelques mois; ici à Paris, ça ne fait que deux semaines, c’est tout», relativise-t-il encore.
«C’est drôle, certes, car ça m’a rappelé le Liban en 2015, mais je suis triste de voir Paris comme ça», estime de son côté Hoda, jeune Libanaise en visite à Paris. «J’ai vu des rats manger dans les poubelles, ça m’a choquée.»
Mercredi, 9 500 tonnes de poubelles jonchaient les trottoirs de la capitale, selon la mairie de Paris, et la grève était reconduite jusqu’à lundi prochain.

 


Ineligibilité: Le Pen empêchée, les idées d’extrême droite persistent

La décision, prononcée en l’absence de Marine Le Pen, qui avait choisi de quitter la salle d’audience, la condamne également à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, et à une inéligibilité provisoire.  Outre Le Pen, huit eurodéputés du RN ont été reconnus coupables de détournement de fonds publics dans cette affaire liée à des soupçons d’emplois fictifs concernant les assistants parlementaires des députés européens du parti. (AFP)
La décision, prononcée en l’absence de Marine Le Pen, qui avait choisi de quitter la salle d’audience, la condamne également à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, et à une inéligibilité provisoire. Outre Le Pen, huit eurodéputés du RN ont été reconnus coupables de détournement de fonds publics dans cette affaire liée à des soupçons d’emplois fictifs concernant les assistants parlementaires des députés européens du parti. (AFP)
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  • Par ce verdict, le tribunal porte un coup d’arrêt à la carrière politique de Le Pen, rendant impossible sa candidature à l’élection présidentielle de 2027
  • L’affaire a débuté en 2014, lorsque des accusations ont été lancées contre le RN, accusé d’avoir rémunéré, sur fonds européens, des assistants travaillant en réalité pour le parti

PARIS:  Inéligible pour une durée de cinq ans : une décision qui tombe ce lundi 31 mars, comme un couperet, pour la cheffe de file du Rassemblement National (RN), parti d’extrême droite, Marine Le Pen.

Par ce verdict, le tribunal porte un coup d’arrêt à la carrière politique de Le Pen, rendant impossible sa candidature à l’élection présidentielle de 2027.

La décision, prononcée en l’absence de Marine Le Pen, qui avait choisi de quitter la salle d’audience, la condamne également à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, et à une inéligibilité provisoire.

Outre Le Pen, huit eurodéputés du RN ont été reconnus coupables de détournement de fonds publics dans cette affaire liée à des soupçons d’emplois fictifs concernant les assistants parlementaires des députés européens du parti.

L’affaire a débuté en 2014, lorsque des accusations ont été lancées contre le RN, accusé d’avoir rémunéré, sur fonds européens, des assistants travaillant en réalité pour le parti.

L’enquête a révélé par la suite qu’un système bien rodé d’emplois fictifs avait causé un préjudice estimé à 4,6 millions d’euros sur une période de dix ans.

Le jugement met fin à un suspense qui durait depuis novembre dernier, lorsque les procureurs avaient requis l’inéligibilité de Le Pen dans le cadre de cette affaire.

L’impact de ce verdict est pris très au sérieux par le chef du gouvernement français, François Bayrou, qui a ordonné à ses ministres de ne pas commenter la décision de justice.

Marine Le Pen a immédiatement annoncé son intention de faire appel de la décision, mais l’exécution provisoire de son inéligibilité s’applique immédiatement, même en cas de recours.

Cette décision pourrait provoquer de vives réactions, tant au sein de la classe politique que de l’opinion publique française.

L’impact de ce verdict est pris très au sérieux par le chef du gouvernement français, François Bayrou, qui a ordonné à ses ministres de ne pas commenter la décision de justice.

Cependant, cette consigne n’empêchera probablement pas les divisions de se manifester.

Nombreux sont ceux qui se réjouissent de ce verdict, qui stoppe net la progression de Le Pen vers l’Élysée, où elle s’est déjà présentée à deux reprises, parvenant à atteindre le second tour et à accroître le nombre de voix en sa faveur.

D’autres, en revanche, y voient un complot politico-judiciaire visant à entraver la progression de Le Pen vers la fonction suprême et à briser un élan populaire de plus en plus marqué.

La dynamique populaire de Le Pen

Il suffit de se rappeler les élections européennes de 2024, où le RN est arrivé en tête des forces politiques françaises, reléguant au second plan le parti « Renaissance », soutien du président Emmanuel Macron.

Les élections législatives anticipées, convoquées à la suite des européennes, n’ont pas inversé la tendance.

Au contraire, elles ont permis à Le Pen de diriger un groupe parlementaire conséquent de 142 députés, soudé et influent lors des discussions et des votes à l’Assemblée nationale, contrairement aux autres blocs.

Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes de cette désaffection, les partis traditionnels ont préféré fermer les yeux, s’étonnant ensuite de voir les extrêmes gagner du terrain.

Ces résultats illustrent la dynamique populaire derrière Marine Le Pen, alimentée par un désamour croissant entre les Français et leur classe politique traditionnelle.

Ce phénomène s’explique également par le sentiment d’abandon face aux inégalités sociales, à l’insécurité et à un fossé toujours plus grand entre le peuple et des dirigeants perçus comme déconnectés des réalités quotidiennes.

Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes de cette désaffection, les partis traditionnels ont préféré fermer les yeux, s’étonnant ensuite de voir les extrêmes gagner du terrain.

De nombreux observateurs estiment que ceux qui se réjouissent de la chute de Le Pen se méprennent : la décision de justice freine peut-être son ascension à l’Élysée, mais pas la progression des idées d’extrême droite dans l’opinion publique.

Bien au contraire, ces idées, nourries par la frustration et le sentiment d’injustice ressentis par une partie des Français, se renforceront probablement grâce à la posture de victime que Le Pen ne manquera pas d’exploiter.

D’ailleurs, ce procédé est déjà enclenché.

Commentant le verdict du tribunal sur X, le prėsident du RN, Jordan Bardella a indiqué « aujourd’hui, ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c’est la démocratie française qui est exécutée ».

 


Macron fixe une série d'objectifs pour la conférence de l'ONU sur les océans en juin à Nice

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors d'un événement international de deux jours « SOS Océan ! », en amont de la troisième Conférence des Nations unies sur les océans (UNOC-3), prévue en juin 2025, à Paris, le 31 mars 2025. (Photo par Michel Euler / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors d'un événement international de deux jours « SOS Océan ! », en amont de la troisième Conférence des Nations unies sur les océans (UNOC-3), prévue en juin 2025, à Paris, le 31 mars 2025. (Photo par Michel Euler / POOL / AFP)
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  • Emmanuel Macron a fixé  lundi huit objectifs à la prochaine Conférence des Nations unies pour l'Océan qui se tiendra en juin à Nice.
  • L'accord trouvé à l'ONU en mars 2023 pour « la conservation et l'utilisation durable » de la haute mer a été signé par 110 États, mais n'est à cette heure ratifié que par 21 d'entre eux.

PARIS : Emmanuel Macron a fixé  lundi huit objectifs à la prochaine Conférence des Nations unies pour l'Océan qui se tiendra en juin à Nice, dont l'entrée en vigueur de l'accord sur la gouvernance de la haute mer, l'arrêt de la surpêche mondiale et la défense de la science à l'heure de sa remise en cause aux États-Unis.

L'accord trouvé à l'ONU en mars 2023 pour « la conservation et l'utilisation durable » de la haute mer a été signé par 110 États, mais n'est à cette heure ratifié que par 21 d'entre eux.

« L'objectif pour Nice, c'est d'avoir au moins les 60 ratifications qui lui permettront d’entrer en vigueur. Nous n'y sommes pas encore (...). Il y a encore un très gros travail à faire », a concédé le président français à l'occasion d'un sommet « SOS Océan » qui était organisé à Paris.

« Il faut rendre possible un espace de gestion durable de la haute mer et de ses ressources », avec la création d'aires marines protégées et des études d’impact environnemental, a-t-il insisté.

Emmanuel Macron a aussi appelé à continuer la lutte contre la « pêche illégale, illicite et non déclarée », qui représente encore entre 10 et 20 % de la production selon lui.

Le chef de l'État espère par ailleurs des « résultats tangibles » en matière de décarbonation du transport maritime, avec un objectif de neutralité totale à l'horizon 2050. Cela devra passer par des « investissements massifs » dans la transition vers les carburants durables.

Il a aussi insisté sur la « mobilisation de nouveaux financements » dans l'électrification des ports, la recherche ou l'innovation.

« Nous vivons une période où beaucoup de grandes puissances stoppent leurs financements vers les organismes de recherche publique, contestent la véracité des résultats établis scientifiquement », a-t-il relevé dans une allusion au président américain Donald Trump.

La France plaide ainsi pour un moratoire sur l'exploitation des grands fonds marins faute de connaissances scientifiques suffisantes. « Il ne doit pas y avoir d'action concernant l'océan qui ne soit éclairée par la science », a martelé le président français.


Réunion de crise au siège du RN après la condamnation de Le Pen

Le vice-président du RN et maire de Perpignan, Louis Aliot (C), s'adresse à la presse à son arrivée au siège du parti d'extrême droite français à Paris, le 31 mars 2025.(Photo by Thomas SAMSON / AFP)
Le vice-président du RN et maire de Perpignan, Louis Aliot (C), s'adresse à la presse à son arrivée au siège du parti d'extrême droite français à Paris, le 31 mars 2025.(Photo by Thomas SAMSON / AFP)
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  • Marine Le Pen et l'état-major du Rassemblement national étaient réunis lundi après-midi au siège du parti à Paris.
  • Cette réunion au sommet devait acter la riposte face à une décision judiciaire qui pourrait empêcher une quatrième tentative de conquête du pouvoir et forcer le parti à se trouver un nouveau champion.

PARIS : Marine Le Pen et l'état-major du Rassemblement national étaient réunis lundi après-midi au siège du parti à Paris, dans la foulée de la condamnation de leur cheffe de file à une peine d’inéligibilité immédiate qui hypothèque sa candidature à la présidentielle de 2027.

Partie sans un mot du tribunal de Paris à la mi-journée, juste avant l'énoncé de sa sentence, Marine Le Pen s'est aussitôt engouffrée dans une voiture qui l'a conduite vingt minutes plus tard au siège du parti d'extrême droite, dans le cossu 16ᵉ arrondissement de la capitale.

Plusieurs de ses proches ont suivi dans son sillage, dont l'eurodéputée Catherine Griset -elle aussi condamnée en tant qu'ex-assistante parlementaire de Mme Le Pen à Bruxelles- ainsi que le député du Pas-de-Calais Bruno Bilde.

Une partie de la garde rapprochée de la patronne du RN a accompagné le cortège : son directeur de cabinet Ambroise de Rancourt, son conseiller presse Victor Chabert et le secrétaire général du groupe à l'Assemblée Renaud Labaye.

D'autres les ont rejoints sur place, à commencer par le président du RN Jordan Bardella, puis le maire de Perpignan Louis Aliot (condamné dans la même affaire mais sans exécution immédiate de sa peine), le député Laurent Jacobelli et Marine Le Pen, sœur de la triple candidate malheureuse à l'élection présidentielle.

Cette réunion au sommet devait acter la riposte face à une décision judiciaire qui pourrait empêcher une quatrième tentative de conquête du pouvoir et forcer le parti à se trouver un nouveau champion.

Le premier élément de réponse est venu de l'avocat de Mme Le Pen, Rodolphe Bosselut, qui a affirmé en arrivant à son tour au siège du parti que sa cliente allait « faire appel », devant de nombreux micros et caméras de journalistes.

Elle reste « combative », a assuré quelques minutes plus tôt M. Jacobelli devant les journalistes. « Ceux qui croient que cette exécution politique l’a mise à genoux se trompent lourdement », a également assuré sur LCI l'eurodéputé Matthieu Valet, autre porte-parole du parti.

L'intéressée aura l'occasion d'en faire la démonstration devant un large public lundi soir, lors du 20 heures de TF1.