Pour Jean-Pierre Sakoun, «l’islam radical est forcément politique»

«Il n’y a pas de complexité ni de débat sur la laïcité actuellement en France», insiste Jean-Pierre Sakoun, le président du Comité Laïcité République (CLR) (Photo, YouTube)
«Il n’y a pas de complexité ni de débat sur la laïcité actuellement en France», insiste Jean-Pierre Sakoun, le président du Comité Laïcité République (CLR) (Photo, YouTube)
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Pour Jean-Pierre Sakoun, «l’islam radical est forcément politique»

  • Selon Jean-Pierre Sakoun, il existe bel et bien un problème avec l’islam radical, qui «travaille les musulmans de France pour qu’ils adoptent une acception très raide de leur religion»
  • «Il est clair que depuis presque quarante ans, il s’est produit une modification assez importante dans la société française», explique le président du CLR

ATHENES: Arab News en français s’est entretenu avec Jean-Pierre Sakoun, le président du Comité Laïcité République (CLR), pour qui «la prise de conscience en France est réelle aujourd’hui»: il existe bel et bien un problème avec l’islam radical qui, selon lui, «travaille les musulmans de France pour qu’ils adoptent une acception très raide de leur religion». C’est devenu possible à présent, après «trente années d’érosion de la laïcité» et de modifications au niveau de l’école», estime M. Sakoun, qui souhaite qu’une réelle «émancipation de l’être humain devienne enfin possible, que chaque être humain puisse décider librement de sa vie, de son orientation sociale, religieuse».

Pourquoi la laïcité devient-elle de plus en plus une question complexe et épineuse en France? M. Sakoun estime que ce n’est pas le cas. «Il n’y a pas de complexité ni de débat sur la laïcité actuellement en France», insiste-t-il. Et le président du CLR rappelle que 88 à 90% de la population française est favorable à l’application de la laïcité. «La question fondamentale, c’est que la laïcité est un instrument incomparable de liberté individuelle et d’émancipation […] et qu’elle protège de toutes les pressions en général, qu’elles soient d’ordre ethnique ou religieux.» Ces pressions, la communauté à laquelle l’individu appartient va immanquablement, presque naturellement, les faire peser sur cette personne.

Or, pour le président du CLR, «il est clair que depuis presque quarante ans il s’est produit une modification assez importante dans la société française, qui a permis aux tenants de cet islam radical – entre Frères musulmans et salafistes – de “travailler” les musulmans de France pour leur faire adopter une vision très raide, radicale de leur religion et pour qu’ils s’opposent à cette ouverture et à cette capacité d’émancipation de l’individu qu’ils considèrent comme un danger pour la religion dans l’espace public».

«L’islam radical est forcément politique»

Selon la définition de la laïcité proposée par le site officiel de l’Observatoire de la laïcité, celle-ci «garantit la liberté de conscience» de laquelle découle «la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l'ordre public». Elle implique également «la neutralité de l'État et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction». Jean-Pierre Sakoun considère-t-il que l’islam radical est obligatoirement politique?

Sa réponse est positive, et sans détours. «S’il y a une différence d’approche entre les Frères musulmans et les salafistes, tous se retrouvent dans le résultat. Un nombre non négligeable d’associations viennent dans des quartiers qui, petit à petit, sont devenus tout à fait uniformes, remplacer le service public ou le pousser dehors pour lui prendre sa place», note le président du Comité Laïcité République. L’uniformité géographique est-elle en elle-même un problème? N’est-ce pas plutôt le laxisme, le laisser-faire des autorités? «Ce n’est pas binaire, l’autorité et la fermeté en démocratie sont contrôlées par les lois, la justice administrative et, d’autre part, dans une sorte d’aveuglement terrible, les gouvernements de gauche et de droite ont laissé se développer des regroupements en France qui sont absolument catastrophiques pour la République. Et ceux-ci se sont d’abord formés par facilité, à cause du laxisme des autorités, mais ils se développent maintenant de l’intérieur. Les associations font désormais tout leur possible pour conserver une unité ethnico-religieuse dans ces quartiers pour que leur emprise soit la plus forte possible. Les gouvernements français ont été catastrophiquement aveugles depuis trente-cinq ans», déplore Jean-Pierre Sakoun.

Or, selon l’étude lancée par Arab news en français et effectuée en partenariat avec l’institut de sondage YouGov sur près de 1000 personnes, les Français d’origine arabe respectent clairement les valeurs françaises, comme la laïcité.  Ils pensent qu’un système laïc serait bénéfique pour leur pays d’origine, et s’affirment même prêts à défendre ce modèle dans leur pays d’origine. 54% d’entre eux prônent la laïcité qui serait, pour eux, une solution aux problèmes du monde arabe. Les personnes interrogées se montrent réticentes aux ingérences de la religion en politique et apprécient le système laïc appliqué en France. Système qu’elles défendraient même ouvertement dans leur pays d’origine.

Le débat autour de ce qu’on a un temps appelé «séparatisme» ne serait-il dès lors en réalité qu’un débat qui concerne l’ordre public? M. Sakoun estime sur ce point que les questions d’ordre public ne sont qu’une conséquence, «voire un symptôme de la laïcité». «La fermeture administrative de la mosquée de Pantin est un exemple d’ordre public bienvenu […] mais on ne résout pas simplement les problèmes par de l’administratif et de l’ordre public; il faut un débat de fond et la question cruciale, ici, c’est celle de la laïcité. […] Mais je suis globalement satisfait qu’un coup de semonce ait été envoyé à des gens qui, impunément, prônent la haine sur les réseaux.» Et d’ajouter: «Cela fait trente ans que des officines des Frères musulmans fonctionnent en marge de la légalité, c’est un mode opératoire pernicieux qui, en même temps, diffuse “l’imposture de l’islamophobie”, et c’est pourquoi le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a été dissout.» Pour le président du CLR, la rhétorique de l’islamophobie a été fabriquée de toutes pièces par «les mollahs iraniens». Et c’est depuis les attentats de 2015 que les autorités françaises ont réellement pris la mesure du problème. «On ne va pas, en quelques années, corriger quarante ans d’erreurs. Il va falloir une génération pour y arriver, mais on va y arriver, et pour le bénéfice de tous», note-t-il.

L’école, «une respiration laïque»

Revenant sur l’affaire des foulards de Creil, en 1989, Jean-Pierre Sakoun insiste pour que le mot «hidjab» soit utilisé «car c’est une volonté de faire rentrer la religion dans l’école». Lorsqu’on lui demande ce qui a changé depuis 1989, il répond sans hésiter: «Trente ans d’érosion de la laïcité, de modification de l’organisation de l’école qui font que la formation du citoyen est devenue quelque chose d’un peu secondaire par rapport à ce qu’elle était, essentielle au fonctionnement de la République». «L’affaire de Creil est l’une des erreurs politiques majeures du gouvernement de Lionel Jospin et cette erreur, nous allons la payer pendant cinquante ans», précise-t-il avec amertume. «Creil, c’est le premier test imposé par l’islam politique à la République et ce test est passé comme dans du beurre», ajoute-t-il.

Mais le port du foulard n’est-il pas en soi une liberté individuelle? Le simple port du foulard est-il de nature à imposer un dogme ou une certaine conduite à autrui? Jean-Pierre Sakoun aime à rappeler dans ce cadre la spécificité de l’école en ce qu’elle constitue «une respiration laïque», souligne-t-il en citant l’expression de Catherine Kintzler, philosophe française et fervente défenseuse de la laïcité. «À l’école, on abandonne ses préjugés, ses croyances pour ne devenir qu’élève, […] alors qu’à l’université on est déjà majeur et en train de suivre une formation professionnelle», affirme-t-il en précisant que ce qui se joue à l’école, «c’est la lutte laïque pour l’abstention de toute manifestation religieuse».

«La République se défend» 

L’école étant un havre pour l’éducation, les arrestations de mineurs – scolarisés dans une école publique d’Albertville – du 7 novembre dernier pour «signaux islamistes» sont-elles justifiées? «Compte tenu de ce qui se passe et du traumatisme absolu qu’a représenté ce qui s’est passé avec Samuel Paty [assassiné par décapitation, NDLR] […], aujourd’hui la République se défend. Celui qui a mis le feu c’est le père islamiste qui a appelé au meurtre [de Samuel Paty, NDLR] avec le soutien de la mosquée de Pantin», indique sur ce sujet M. Sakoun.

L’association Comité Laïcité République, que préside Jean-Pierre Sakoun, est née des conséquences de l’affaire des foulards de Creil et œuvre «aussi bien avec la droite qu’avec la gauche, mais pas avec les extrêmes, c’est-à-dire sans le Rassemblement national – qui est tout sauf laïc – et sans l’extrême gauche radicale», précise le président du CLR. «Notre objectif est de diffuser dans la société une réflexion, voire de la formation, sur les questions de laïcité, une notion qui nous a semblé tellement naturelle pendant des années», mais qui ne semble plus l’être à l’époque actuelle. Le CLR organise des colloques et remet des prix «de la laïcité». La lauréate de l’un d’eux l’année passée était Ariane Mnouchkine, metteuse en scène et animatrice du Théâtre du Soleil, la troupe qu'elle a fondée en 1964.

En outre, le CLR travaille étroitement avec les gouvernements et les assemblées. Cela a été le cas lors de la préparation du projet de loi sur les séparatismes, désormais rebaptisée «projet de loi confortant les principes républicains». Ce projet est, selon Sakoun, «un excellent signal»: «C’est important d’adapter les outils à l’époque dans laquelle nous vivons», explique-t-il. Le CLR a toutefois émis une observation importante au sujet de ce projet, exprimant le souhait de voir interdite l’exploitation par les associations culturelles des biens immobiliers. Pour le président du CLR, ce nouveau projet de loi «n’est pas une loi d’émotion». «Les lois d’émotions ne sont jamais appliquées car elles sont édictées en réaction à des événements précis. Or, la loi sur les principes républicains (ex-loi sur les séparatismes) a été pensée et préparée bien avant le meurtre de Samuel Paty.» Tout réside maintenant dans l’application, selon Jean-Pierre Sakoun, qui aime à rappeler que la République est laïque et sociale, car «la laïcité n’a de sens que dans le cadre d’une République sociale».

Toutefois, selon lui, le problème social ne saurait à lui seul expliquer le développement de l’islamisme en France car, à l’heure qu’il est, «il ne suffirait pas de résoudre la question sociale pour résoudre la question de la laïcité». Sans social, la laïcité aura certes du mal à survivre, mais le fonds du problème ne sera pas résolu une fois la question sociale résolue. «On se rend bien compte que le terrorisme islamisme a pour but d’opérer une révolution qui se veut déstabilisatrice, plus particulièrement en démocratie, dont on sait que c’est un régime qui a le plus de mal à se défendre.» L’objectif est de faire que les musulmans ne se reconnaissent plus comme Français. Le souhait de plus cher de Jean-Pierre Sakoun? Faire en sorte que l’émancipation de l’humain devienne enfin possible, «que chaque être humain puisse décider librement de sa vie, de son orientation», quelles qu’elles soient.

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Le gouvernement lance des conférences sur la «souveraineté alimentaire», sur fond de méfiance agricole

 Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...Photo de Rungis le 1er février 2024. (AFP)
Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...Photo de Rungis le 1er février 2024. (AFP)
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  • Ces conférences, promises par la loi d'orientation agricole de mars 2025, se dérouleront sur plusieurs mois, par filières de production et au niveau régional, pour des conclusions en juin
  • La ministre Annie Genevard a livré en février une vision de la souveraineté alimentaire conçue comme un "réarmement" dans un monde secoué de conflits: "la France doit produire plus pour manger mieux", avait-elle assené

PARIS: Dans une France agricole affaiblie, le gouvernement lance lundi les "conférences de la souveraineté alimentaire" destinées à définir une stratégie agricole nationale sur dix ans, un exercice que les agriculteurs, échaudés, abordent avec méfiance.

De l'élevage à la viticulture en passant par les céréales, les difficultés sont telles que la balance agricole française pourrait être déficitaire en 2025, pour la première fois en près de 50 ans. Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...

Ces conférences, promises par la loi d'orientation agricole de mars 2025, se dérouleront sur plusieurs mois, par filières de production et au niveau régional, pour des conclusions en juin.

La ministre Annie Genevard a livré en février une vision de la souveraineté alimentaire conçue comme un "réarmement" dans un monde secoué de conflits: "la France doit produire plus pour manger mieux", avait-elle assené, appelant à la "mobilisation générale".

Retour "symbolique" à Rungis 

Elle franchit une étape supplémentaire lundi en lançant son opération "grand réveil alimentaire" au marché de gros de Rungis, avec un discours qualifié de "majeur" par son entourage.

Cette entrée en matière a fait bondir le premier syndicat FNSEA, qui participera au chantier mais pas à son lancement, "s'apparentant davantage à une opération de communication".

"Cela fait 15, 20 ans qu'on dit qu'on va dans le mauvais sens. Ce qui nous intéresse maintenant, c'est ce qu'on va faire, (...) comment on assure des revenus sur les exploitations", souligne le secrétaire général de la FNSEA Hervé Lapie.

Le premier syndicat goûte assez peu ce retour "symbolique" à Rungis, où Emmanuel Macron avait en 2017 prôné une stratégie de "montée en gamme", depuis percutée par l'inflation et la concurrence accrue sur les marchés.

Huit ans plus tard, l'ambiance est morose. Après deux hivers de colère dans les campagnes, le monde agricole reste au bord de l'explosion, entre crises sanitaires dans l'élevage et prix en berne.

La mobilisation s'organise, en France contre la politique d'abattage systématique de bovins touchés par la dermatose, et à Bruxelles, où une manifestation est prévue le 18 décembre contre l'accord de libre-échange UE-Mercosur ou la taxe carbone aux frontières pour les engrais.

Pour la Coordination rurale, 2e syndicat agricole qui boude aussi le discours de Rungis, "le ministère ne répond pas aux attentes actuelles des agriculteurs" qu'on "empêche de produire" avec des contraintes trop fortes.

A rebours de cette vision anti-normes, la Confédération paysanne est aussi critique du gouvernement, estimant que la souveraineté est avant tout la capacité d'une société à choisir son agriculture et non une course pour produire et exporter plus.

Plusieurs filières soulignent que le temps n'est plus "aux nouvelles consultations" mais aux "décisions": "il y a urgence", a résumé l'interprofession de la viande mercredi.

Certaines ont établi des diagnostics précis, comme celle de la betterave sucrière, ou lancé des "plans de souveraineté" comme les fruits et légumes en 2023, ou le blé dur et la viande en 2024. Qu'espérer donc de ces conférences ?

Impliquer la transformation 

L'idée est de construire à partir "de l'évolution de la demande", en interrogeant notamment les industriels: "il s'agit bien d'élaborer un plan d'action de production et de transformation à dix ans et on fera en sorte de partir de la demande du consommateur français, européen et mondial", explique le ministère.

Des "projets structurants" seront identifiés, de même que des "trajectoires de production", assure-t-on.

Ce plan devra aussi tenir compte de la stratégie française de lutte contre le changement climatique ou de réduction des pesticides.

Ludovic Spiers, ex-directeur général du géant coopératif agricole Agrial, a été nommé "coordinateur général" du chantier. Des groupes de travail sectoriels sont prévus (cultures, viandes blanches, viticulture...), réunissant les interprofessions, l'amont (l'agriculture) et l'aval (la transformation), l'établissement public FranceAgrimer, la recherche.

Ces conférences "doivent être l'occasion d'un sursaut national. Je veux impliquer le consommateur citoyen, lui faire prendre conscience que par son acte d'achat, il a une importance capitale. Ce +grand réveil alimentaire+ s'adresse d'abord à lui", a affirmé Mme Genevard dans Les Echos dimanche.

Elles devront aussi prendre en considération des stratégies nationales nutrition et climat (Snanc, SNBC...) qui se font toujours attendre.


Budget: le Sénat approuve la suppression de 4.000 postes d'enseignants, renonce à aller plus loin

Le ministre français de l'Éducation, Edouard Geffray, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 3 décembre 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Éducation, Edouard Geffray, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 3 décembre 2025. (AFP)
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  • Le Sénat a approuvé la suppression de 4.000 postes d’enseignants en 2026 pour tenir compte de la baisse démographique prévue
  • Le budget de l’Éducation nationale augmente légèrement (+200 M€) et prévoit la création de 5.440 ETP, essentiellement des stagiaires, masquant en réalité la suppression nette de postes d’enseignants

PARIS: Le Sénat a approuvé vendredi soir la suppression de 4.000 postes d'enseignants en 2026, prévue dans le projet de budget de l'Etat, la droite renonçant à en proposer le doublement, initialement envisagé par les sénateurs.

"La coupe ministérielle est logique et mesurée" pour "tenir compte de l'évolution de la démographie", a reconnu le sénateur Les Républicains Olivier Paccaud, rapporteur du budget de l'Education nationale, examiné à la chambre haute.

Le Sénat, dominé par une alliance entre la droite et les centristes, a donc donné son aval à cette baisse des effectifs d'enseignants, en s'opposant à tous les amendements de la gauche qui proposaient la suppression - partielle ou totale - de cette mesure.

Le budget de l'Education nationale affiche une petite hausse de 200 millions d'euros sur un an dans le projet de loi de finances (PLF) 2026, à 64,5 milliards d'euros.

Il prévoit une augmentation de 5.440 emplois ETP (Equivalents temps plein), mais ce solde est dû en grande partie à la réforme de la formation initiale des enseignants, annoncée en mars, qui va conduire à un afflux de stagiaires (environ 8.000).

Ces créations de postes de stagiaires masquent en fait une suppression de 2.373 ETP d'enseignants du premier degré et de 1.645 ETP dans le second degré, soit 4.018 ETP au total.

"J'assume complètement cette dimension qui consiste à agir et à ne pas subir", a défendu le ministre de l'Education nationale Edouard Geffray, pour qui le gouvernement "ne peut pas ne pas tenir compte de la démographie".

Entre 2025 et 2029, les effectifs d’élèves diminueront de 7,4%, représentant 455.126 élèves en moins, selon le rapport budgétaire du Sénat.

Cette diminution, critiquée par les syndicats d'enseignants, a été décriée par la gauche lors des débats.

"Si vous faites le choix de supprimer des postes, vous devrez assumer demain dans vos départements respectifs, devant les élus locaux, la responsabilité de fermetures de classes douloureuses", a réagi la sénatrice socialiste Marie-Pierre Monier.

La droite sénatoriale a elle une opinion diamétralement opposée: elle avait même proposé ces derniers jours en commission des finances de doubler les postes supprimés, pour les faire passer à 8.000 en 2026, dégageant ainsi des économies supplémentaires pour l'Etat.

Mais cette proposition a divisé jusque dans ses rangs, poussant M. Paccaud à retirer sa proposition.

"N'est-il pas souhaitable d'avoir un tout petit peu moins de professeurs mieux payés pour beaucoup moins d'élèves? Il ne s'agit certainement pas de dégraisser le mammouth, mais plutôt de muscler l'éléphant de la sagesse et du savoir", s'est-il tout de même justifié.

Ces votes sont encore provisoires, car le budget de l'Etat pourra être modifié jusqu'à la deuxième partie du mois de décembre au plus tôt.


Budget de la Sécu: les députés votent sur les recettes, le gouvernement veut encore croire au compromis

 L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre les députés et le gouvernement qui croit toujours un compromis possible. (AFP)
L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre les députés et le gouvernement qui croit toujours un compromis possible. (AFP)
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  • "Je pense qu'il y a une majorité absolue de députés à l'Assemblée nationale qui souhaitent que le compromis puisse se faire", a martelé la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon sur TF1
  • L'adoption de ce volet recettes est cruciale: son rejet vaudrait rejet de tout le texte et une suite plus qu'incertaine alors que le budget de la Sécu doit être voté avant le 31 décembre

PARIS: L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre les députés et le gouvernement qui croit toujours un compromis possible.

"Je pense qu'il y a une majorité absolue de députés à l'Assemblée nationale qui souhaitent que le compromis puisse se faire", a martelé la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon sur TF1, peu avant l'ouverture de cette séance parlementaire à haut risque pour l'exécutif.

"Je crois que c'est possible" d'obtenir un vote favorable vendredi, a abondé sur franceinfo le ministre délégué aux Relations avec le Parlement Laurent Panifous.

L'adoption de ce volet recettes est cruciale: son rejet vaudrait rejet de tout le texte et une suite plus qu'incertaine alors que le budget de la Sécu doit être voté avant le 31 décembre.

C'est pourquoi le gouvernement a multiplié les signes d'ouverture, que ce soit sur la contribution sociale généralisée (CSG) sur le capital, les franchises médicales ou le niveau des dépenses de l'Assurance maladie, avec un Sébastien Lecornu très présent jeudi au banc.

La hausse de la CSG visant spécifiquement les revenus du capital, supprimée au Sénat après avoir été approuvée en première lecture à l'Assemblée, était particulièrement attendue par la gauche, mais désapprouvée par la droite.

Pour arracher un compromis, le gouvernement a déposé un amendement cherchant à la fois à "sécuriser des recettes" et "assurer que les classes moyennes ne soient pas impactées", avec un rendement attendu de 1,5 milliard d'euros, au lieu de 2,8 dans la version initiale.

Moment "potentiellement critique" 

Autre signe de la volonté d'ouverture du gouvernement, sa porte-parole Maud Bregeon a confirmé vendredi qu'il n'y aurait aucune augmentation - ni dans le budget ni par décret - des franchises médicales, le reste à charge payé par les patients par exemple sur les médicaments.

Le gouvernement envisage aussi de lâcher du lest sur l'objectif des dépenses de l'assurance maladie (l'Ondam) et de les augmenter "jusqu'à +2,5%", contre une hausse d'environ 2% prévue jusqu'ici.

La ministre du Budget Amélie de Montchalin s'est aussi engagée à "accompagner un compromis" sur "l'année blanche" concernant les retraites et les minima sociaux, c'est-à-dire leur non-indexation sur l'inflation.

Jeudi, le Premier ministre a fait monter la pression dans l'hémicycle, répétant que l'absence de texte conduirait à "29 ou 30 milliards" d'euros de déficit pour la Sécu l'an prochain. Le gouvernement souhaite le contenir autour de 20 milliards.

Une note du ministère de la Santé a été distribuée aux députés, faisant état d'un "risque très élevé sur le financement du système de protection sociale", faute de budget. Elle a suscité des réactions houleuses du côté de LFI ou du RN accusant le gouvernement de jouer sur les "peurs".

Pressé par ailleurs par plusieurs ténors de son camp, chez Horizons ou Les Républicains, d'activer l'article 49.3 de la Constitution, M. Lecornu l'a de nouveau exclu. "Vous avez critiqué le 49.3 pendant des années et, au moment où nous le laissons tomber, vous continuez de critiquer", a-t-il tancé.

Camp gouvernemental divisé 

Le scrutin sur l'ensemble du projet de loi n'est prévu que mardi. Son rejet hypothèquerait grandement l'adoption du budget de la Sécu au Parlement avant le 31 décembre.

Le texte est réécrit par les députés depuis mardi dans l'hémicycle en nouvelle lecture, après que le Sénat a supprimé plusieurs concessions du gouvernement au PS, dont l'emblématique suspension de la réforme des retraites.

Des concessions que désapprouvent Horizons et Les Républicains.

A ce stade, "on ne peut pas voter pour" ce budget, a asséné Édouard Philippe, chef des députés Horizons qui oscillent entre abstention et vote contre.

L'ex-Premier ministre Michel Barnier (LR) a aussi affirmé vendredi dans Les Echos qu'il ne le votera pas "en l'état".

De quoi faire peser une sérieuse menace sur l'adoption du texte. Car face au rejet attendu du RN, de son allié l'UDR et de LFI, l'absence de soutien des deux groupes à la droite du camp gouvernemental pourrait concourir à faire tomber le texte, même avec des votes "pour" du PS.

Marque de son ouverture, celui-ci a approuvé une taxe sur les mutuelles censée rapporter un milliard d'euros, qu'il avait rejetée en première lecture.

"Il y a un compromis qui s'esquisse", a assuré sur RTL vendredi Raphaël Glucksmann, le leader de Place publique.