Le rapport des musulmans de France avec l’enseignement de la laïcité

Des fidèles musulmans prient dans la mosquée de Caen lors de l’Aïd, le 31 juillet (Photo, Sameer Al-DOUMY/AFP).
Des fidèles musulmans prient dans la mosquée de Caen lors de l’Aïd, le 31 juillet (Photo, Sameer Al-DOUMY/AFP).
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Publié le Samedi 07 novembre 2020

Le rapport des musulmans de France avec l’enseignement de la laïcité

  • Plus de 60% des 5 à 6 millions de Français musulmans pratiquent de façon modérée, fréquentant rarement ou jamais les mosquées, selon des études Ifop et de l'Institut Montaigne
  • « L'éducation nationale doit faire un effort pour expliquer la laïcité avec des mots apaisés, dans le respect » selon Lyes Djebaili

PARIS: La majorité des musulmans de France ont une pratique distanciée et privée de leur foi, ce qui n'empêche pas certains de s'interroger sur la façon dont la laïcité est enseignée à l'école et sur le « choc » que peuvent représenter les caricatures de Mahomet.

Plus de 60% des 5 à 6 millions de Français musulmans pratiquent de façon modérée, fréquentant rarement ou jamais les mosquées, selon des études Ifop et de l'Institut Montaigne (2016).

Lyes Djebaili, un ingénieur franco-algérien d'une quarantaine d'années, qui se définit comme musulman, « laïc et républicain », adhère totalement à ce « fondement de la République » qu'est « le droit de s'exprimer librement et de critiquer certaines croyances religieuses ». 

Il a manifesté et condamne, « de toutes ses forces », « le meurtre atroce » le 16 octobre du professeur de collège Samuel Paty, pris pour cible pour avoir montré une caricature du prophète Mahomet en classe.

Pourtant, il dit « comprendre que (cette image) puisse choquer certains membres de la communauté », car « on touche au sacré », au prophète.

« La laïcité c'est une spécificité française, si vous allez en Angleterre, le souverain (la Reine, ndlr) est chef de l'Eglise anglicane, aux Etats-Unis, le président et le parlement jurent sur la Bible. Moi j'adhère parce que ma pratique religieuse est dans la sphère privée ». 

Mais il pense que « l'éducation nationale doit faire un effort pour expliquer la laïcité avec des mots apaisés, dans le respect ». Et à côté des enseignants, pour présenter cette « construction intellectuelle » qu'est la loi de 1905 sur la neutralité de l'Etat à l'égard des religions, il faudrait, selon lui, des juristes, des journalistes, peut-être des théologiens.

Comme Lyes, Hannah (nom d'emprunt), une gestionnaire de portefeuille franco-tunisienne qui se dit « enfant de l'école publique », a participé à la grande manifestation de Paris, juste après l'assassinat de Samuel Paty, et a apprécié les appels à ne pas stigmatiser les musulmans.

A son retour, cette quadragénaire a discuté avec son fils de 17 ans, plus fervent qu'elle, qui lui a confié que si un professeur lui avait montré une caricature de Mahomet en classe, il serait sorti « parce que c'était un cours sur la liberté d'expression » et qu'il aurait revendiqué comme citoyen « d'exprimer son opinion » en demandant qu'on « respecte » sa croyance.

« C'est compliqué parfois d'assumer sa religion », note Hannah, en soulignant qu'elle est toujours complimentée par ses collègues ou voisins parce qu'elle fête Noël, beaucoup moins quand elle dit qu'elle va tuer le mouton à la fin du Ramadan. 

Il y a encore des progrès à faire, selon elle, « pour expliquer ce que c'est être musulmans en France, les valeurs, la culture, ce que ça peut représenter... »

« Conflit de loyauté »

Lila Mansouri, éducatrice franco-algérienne auprès de jeunes de 12 à 25 ans, en banlieue sud de Paris, estime que la tranche d'âge pour montrer des caricatures comme celles de Charlie Hebdo pose aussi question. 

« A 13 ans, on est en pré-adolescence, on a un rapport au corps qui est déjà compliqué, la construction de soi, la recherche identitaire... », explique Lila, en soulignant que dans les familles musulmanes, le rapport à la nudité n'est pas forcément le même.

Les adolescents, « tiraillés entre la culture du pays d'accueil et celle du pays de leurs parents », peuvent aussi se retrouver en « conflit de loyauté » avec l'impression qu'on « attaque la religion de leurs parents, tout ce qui touche à l'identité originelle ». 

Au niveau du lycée, c'est déjà tout autre chose, ils sont « capables d'en rire » et de se distancier, assure-t-elle, convaincue qu'il n'y a « pas d'incompatibilité » entre les musulmans et la laïcité à la française.

Pour la professeure Isabelle Saint-Martin, spécialiste de l'enseignement des faits religieux, qui s'est penchée sur la laïcité à l'école, « on a vraiment deux questions distinctes, et c'est le jeu du terrorisme que de nous les faire associer étroitement ».

D'un côté, il y a un attentat et le dessin montré par Samuel Paty n'en a été que « l'étincelle, le prétexte, ce n'est pas la cause profonde, depuis 2015 il y avait déjà des menaces sur l'école ». Les terroristes essayent « de présenter la laïcité française comme une attaque contre les religions qui viserait à mépriser les croyants et à les inférioriser ». 

De l'autre, il y a « le débat sur comment parler de la laïcité à l'école, comment parler des caricatures, de l'islam aux élèves ».

Or, rappelle l'universitaire, « la loi de 1905 met à égalité tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances et convictions ».

Mais l'école ne peut pas « être le seul lieu où ne parlerait pas du religieux ». Donc à côté des cours d'éducation morale et civique, elle prône d'utiliser l'histoire des arts pour, par exemple, « explorer la pluralité de l'islam ».

Cela permet une mise en perspective et de constater que les réticences à la représentation du prophète peuvent être fortes dans certains endroits comme Arabie saoudite et Maghreb mais « ce n'est pas tout l'islam, ni tout l'islam à travers les siècles », indique-t-elle en rappelant « l'importance de l'enluminure dans le monde persan, indien, ottoman ».

« A l'école, on apprend la complexité, à mettre en œuvre de façon active cet esprit de savoir et de connaissance qui est celui de la laïcité », pour « introduire de la nuance » et lutter contre « le discours binaire » des fondamentalistes, souligne-t-elle.


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.