PARIS: Le « Goncourt » est le plus ancien et le plus prestigieux des prix littéraires en France, promis à des tirages exceptionnels. Voici cinq choses à savoir sur son histoire centenaire, émaillée de polémiques, de ratés et de surprises.
Le testament d'Edmond de Goncourt
C'est dans son testament rédigé en 1884 que l'écrivain Edmond de Goncourt confie à Alphonse Daudet la charge de « constituer à perpétuité une société littéraire dont la fondation a été tout le temps de notre vie d'hommes de lettres, la pensée de mon frère et la mienne ».
Le prix récompense depuis 1903 « le meilleur ouvrage d'imagination en prose, paru dans l'année » et écrit par un auteur d'expression française.
Le premier lauréat a été John-Antoine Nau pour "Force ennemie". Parmi les monstres sacrés récompensés depuis figurent notamment Proust (« Les jeunes filles en fleurs », 1919), Malraux (« La condition humaine », 1933), Modiano (« Rue des boutiques obscures », 1978) ou encore Duras (« L'Amant », 1984).
Le gagnant reçoit un chèque de 10 euros, un montant symbolique comparé aux ventes suscitées par le prix. Il est plutôt mal vu de l'encaisser.
Les dix couverts
Selon la volonté d'Edmond de Goncourt, cette société littéraire se compose de dix membres, nécessairement des « hommes de lettres ». Depuis 1914, les « Dix » se réunissent au restaurant le Drouant, non loin de l'Opéra à Paris. Le premier mardi de chaque mois, sauf en été, ils déjeunent dans le salon Goncourt du premier étage.
En 1961, pour faire pendant aux fauteuils de l'Académie française, on suggère l'idée de graver dix couverts au nom des titulaires. Cette année, Camille Laurens et Pascal Bruckner font leur entrée respectivement comme Septième et Premier couverts.
Le prix est attribué début novembre au Drouant. Le vote est oral : avant chaque tour de scrutin, un juré est tiré au sort pour exprimer son choix. Et ainsi de suite. Au cours des dix premiers tours, le prix ne peut être attribué qu'à la majorité absolue. Du onzième au treizième tour, la majorité relative suffit. En cas d'égalité, c'est la voix du président qui départage.
Seul Michel Tournier en 1970 a obtenu le Prix à l'unanimité pour « Le roi des Aulnes ».
Les plus grands ratés
Le Goncourt 1913 ignore Marcel Proust (« Du côté de chez Swann »), Alain Fournier (« Le Grand Meaulnes ») et Valery Larbaud (« A.O. Barnabooth ») pour récompenser Marc Elder et son « Peuple de la mer ». Alain Fournier est furieux. « Nous savons désormais que le jugement des Dix est un scandale annuel », s'insurge le journal l'Eclair.
Même s'il y en eut d'autres comme Yourcenar, Apollinaire ou Colette, « Le Voyage au bout de la nuit » est l'autre grand loupé de l'Académie Goncourt. Guy Mazeline, auteur du roman « Les Loups » et lauréat 1932, n'est resté dans la postérité que pour avoir gagné face à Louis-Ferdinand Céline. L'écrivain claque la porte du Drouant et est couronné le jour même par le prix Renaudot.
La supercherie Gary
Le prix ne peut être décerné qu'une seule fois à un même écrivain. A une exception près : Romain Gary qui le reçut en 1946 pour « Les racines du ciel », puis en 1975, sous le pseudonyme d'Emile Ajar, pour « La vie devant soi ».
Camouflet pour l'institution Goncourt, la supercherie n'est dévoilée qu'en 1980, après la mort de l'écrivain.
Houellebecq, trois tentatives
Favori pourtant évincé en 1998 pour « Les particules élémentaires », Michel Houellebecq rate deux nouvelles fois la marche du Goncourt (en 2001 pour « Plateforme », en 2005 pour « La possibilité d'une île »), avant d'être primé en 2010 pour « La carte et le territoire ».
Les jurés le couronnent en moins de deux minutes par sept voix contre deux. Accueilli comme une rock star par des journalistes déchaînés, l'écrivain jusqu'alors mauvais perdant se dit « profondément heureux ».