PARIS: Aussitôt le 49.3 dégainé par la Première ministre Elisabeth Borne jeudi, la coalition de gauche Nupes a prévenu qu'elle utiliserait "tous les moyens à sa disposition" pour faire échouer la réforme contestée des retraites, du soutien au mouvement social à un référendum d'initiative partagée.
Motion de censure
Jean-Luc Mélenchon a annoncé vendredi que le groupe LFI, et probablement toute la coalition de gauche Nupes, allait soutenir la motion que déposerait le groupe des indépendants Liot à l'Assemblée nationale.
Il a reconnu que cela "donnait les plus grandes chances possibles à la censure", par rapport à une motion Nupes, que rechigneraient à voter ceux des députés de droite défavorables à la réforme.
La barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît toutefois difficile à atteindre. Une certitude: aucun membre de la Nupes ne signera une motion de censure du RN, ont assuré plusieurs membres.
LFI va soutenir la motion de censure du groupe des indépendants à l'Assemblée
Jean-Luc Mélenchon a annoncé vendredi que le groupe la France insoumise (LFI) allait soutenir la motion de censure du groupe des indépendants (Liot) à l'Assemblée nationale afin de "donner les plus grandes chances possibles à la censure" du gouvernement d'Elisabeth Borne après l'utilisation du 49.3.
La coalition de gauche Nupes, incluant LFI, envisageait de déposer une motion de censure mais ses dirigeants expliquaient ces derniers jours qu'une motion de Liot aurait davantage de chances d'être votée par ceux des députés de droite qui sont défavorables à la réforme des retraites.
"Nous avons décidé de donner les plus grandes chances possibles à la censure, et donc de retirer notre motion de censure au profit de celle de Liot", a expliqué Jean-Luc Mélenchon sur France inter.
Voter la motion de censure "ne signifie rien d'autre que le refus de la réforme des retraites", "ceux qui ne votent pas la motion de censure sont pour la réforme", a-t-il prévenu.
Le groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot) compte 20 députés de diverses tendances politiques mais revendiquant un fort ancrage territorial.
L'ancien candidat à la présidentielle a par ailleurs "encouragé" les "mobilisations spontanées dans tout le pays" car "c'est là que ça se passe", tout en appelant à manifester aussi à l'appel de l'intersyndicale pendant le week-end et jeudi prochain.
Avec le 49.3, "nous avons atteint notre objectif, ce texte n'a aucune légitimité, on a raison de se révolter", a-t-il ajouté.
"La lutte il n'y a que ça qui compte, qui est important", a assuré Jean-Luc Mélenchon.
Interrogé sur les violences qui ont émaillé certains rassemblements jeudi soir, donnant lieu à 310 interpellations, l'Insoumis a appelé au calme: "Notre force principale c'est pas quatre poubelles qui brûlent, c'est la force du nombre".
Manifester
La gauche veut faire grossir les rangs de la contestation en profitant du signal "autoritaire", à ses yeux, lancé par le gouvernement avec l'article 49.3.
Et pas simplement dans le sillage de l'intersyndicale, puisque Jean-Luc Mélenchon a dit "encourager" les "mobilisations spontanées dans tout le pays", comme celles qui se sont déroulées jeudi, car "c'est là que ça se passe". Il a aussi appelé à manifester à l'appel de l'intersyndicale pendant le weekend et jeudi prochain.
La cheffe des Verts Marine Tondelier répète à l'envi que le "49.3 n'existe pas dans la rue".
Les dirigeants de gauche vont aussi continuer à tenir ensemble des meetings tous azimuts. Plusieurs sont déjà programmés, notamment dimanche à Paris avec l'insoumise Danièle Obono, le socialiste David Assouline et l'anticapitaliste Olivier Besancenot.
Référendum d'initiative partagée
Les membres de la Nupes évoquent cette option depuis plusieurs jours. Cette procédure, complexe, "permet de bloquer pendant neuf mois la mise en oeuvre de cette réforme", a souligné la députée socialiste Valérie Rabault, qui "y croit".
Le référendum d'initiative partagée (RIP) prévoit la possibilité d'organiser une consultation populaire sur une proposition de loi "à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement", soit au moins 185 des 925 parlementaires (577 députés, 348 sénateurs). Elle doit aussi être "soutenue par un dixième des électeurs", soit 4,87 millions de personnes, dont les signatures doivent être recueillies dans un délai de neuf mois.
Mais "si un RIP est déclenché sur les retraites, il faut qu’il le soit avant la promulgation de la loi retraite", a précisé Mme Rabault.
Le député PCF Stéphane Peu a assuré dès mardi avoir les 185 parlementaires nécessaires. Sa proposition de loi proposera que "l'âge de départ à la retraite ne puisse pas excéder 62 ans", a-t-il précisé.
Les Insoumis s'y joindront, mais sont moins persuadés qu'un RIP soit la solution, car ils visent un "retrait de la réforme à court terme", explique leur coordinateur Manuel Bompard.
Conseil constitutionnel
La cheffe des députés LFI Mathilde Panot a promis que la gauche saisirait le Conseil constitutionnel. La coalition va faire valoir que la réforme, insérée dans un projet rectificatif du budget de la Sécurité sociale, tient du cavalier législatif, puisque les finances ne sont pas le seul aspect abordé dans le texte.
Dissolution
S'il est plus discret sur ce thème, Jean-Luc Mélenchon pensait une dissolution inéluctable encore récemment. Quand le président Emmanuel Macron a fait planer la menace au début de la bataille des retraites, Manuel Bompard, proche du tribun, a répliqué "chiche".
Trois fois candidat à la présidentielle mais assurant qu'il ne le serait pas une quatrième fois, Jean-Luc Mélenchon a très envie de retourner aux urnes. Il a eu beau jeu vendredi de renvoyer au président: "C'est lui qui a rajouté la dissolution (dans le débat, NDLR) mais ce n'est pas dans la Constitution" pour le cas d'une motion de censure adoptée.
En cas de dissolution, l'insoumis entend mener à nouveau la campagne "Mélenchon Premier ministre". Reste à savoir ce qu'en pensent ses partenaires, alors que les tensions internes à la Nupes se sont multipliées ces derniers mois.