PARIS: Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président Emmanuel Macron a pris l’habitude de se rendre en Afrique tous les six mois. Durant la première semaine de mars, la tournée englobait le Cameroun, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo.
Cette visite revêtait une importance particulière à la suite des revers subis par la France au Sahel (Mali et Burkina Faso). Alors que la compétition internationale s’accroît autour du continent noir et que l’influence française est contestée, M. Macron développe une nouvelle stratégie diplomatique et militaire, en décrétant la fin du système de la Françafrique. Mais la réduction de la présence militaire française et l’instauration de nouveaux mécanismes de coopération seront-elles suffisantes pour redorer le blason de l’ancienne puissance coloniale qu’est la France ? La nouvelle stratégie française risque sans doute d’être mise à rude épreuve dans un continent bouillonnant et un monde plus divisé que jamais.
Les revers français au Sahel et en Afrique de l’Ouest
Les pays du Sahel constituaient le pré carré de la France post-coloniale. Le bilan de la présence française durant cette dernière décennie y est globalement négatif, malgré des contributions dans la lutte antidjihadiste (perte de cinquante-neuf soldats), la formation de forces locales et des «actions civilo-militaires au profit des populations». L’échec dans le contrôle de la situation au Mali, le manque de solidarité européenne et l’insuffisance de l’action du G5 Sahel ont en effet conduit à une quasi-impasse, accentuée par le coup d’État militaire à Bamako en 2021. Cela a coïncidé avec l’activisme du groupe russe Wagner, déjà présent depuis 2018 en République centrafricaine.
À l’instar de sa fonction de protection du régime de Bangui, et sous prétexte de lutte contre le terrorisme, la société privée de mercenaires s’engage aussi dans la protection de la junte militaire malienne – dans les deux cas, les richesses minières en constituent le prix à payer. Cette entrée russe par la petite porte s’est accompagnée d’une grande campagne antifrançaise à travers les réseaux sociaux et divers médias. L’héritage de la colonisation française et les actions de la Françafrique fournissaient certes un terrain favorable à une telle propagande.
Ces revers français au Sahel et en Afrique de l’Ouest ne découragent pas Paris, qui demeure présent dans les autres pays de la zone (notamment le Niger et le Tchad) et révise l’ensemble de sa politique pour l’adapter au nouveau contexte.
Le retrait français du Mali, effectué à la demande du pouvoir militaire, a apparemment encouragé les colonels du Burkina Faso à imiter leurs homologues maliens. Ainsi, à Ouagadougou, la France a également été prise à partie et contestée, ce qui a conduit, là aussi, au retrait de son armée à la fin du mois de février dernier. Ces revers français au Sahel et en Afrique de l’Ouest ne découragent néanmoins pas Paris, qui demeure présent dans les autres pays de la zone (notamment le Niger et le Tchad) et révise l’ensemble de sa politique pour l’adapter au nouveau contexte.
La nouvelle stratégie africaine de la France
Le tournant du Sahel incite le «maître des horloges» à l’Élysée à proposer une nouvelle stratégie afin de contenir la contestation de la présence tricolore. À la place de l’interventionnisme habituel, M. Macron prône «une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable» avec les pays du continent africain. Dans ce sens, Paris compte faire évoluer sa «posture vers plus d'écoute et d'humilité». Le discours de l’Élysée du 27 février a fait écho à celui de Ouagadougou, en 2017, dans lequel le président français, dirigeant d’une nouvelle génération, avait tendu la main à une jeunesse africaine de plus en plus méfiante vis-à-vis de la France.
Avec la réduction significative de la présence militaire sur le continent africain, M. Macron adopte l’équation: «Moins de politique sécuritaire, plus de business». Par réalisme et pragmatisme, il fait son autocritique et tente de sauver les meubles. Il affirme que «la France doit reconnaître qu'elle a des intérêts en Afrique» et ajoute que ceux-ci doivent être défendus, «en faisant preuve d'un maximum de respect» pour les partenaires.
Lors de sa tournée de mars, le chef de l’État français compte paradoxalement développer une nouvelle politique en s’appuyant sur des liens solides et anciens en Afrique centrale, mais les risques sont également nombreux. La stratégie de M. Macron sera aussi jugée en fonction de sa réussite à restaurer le soft power français. In fine, la France ne quittera pas l'Afrique à un moment où les forces de la guerre froide et les puissances actives sur le continent, comme la Russie, la Chine, l'Inde, et la Turquie, s'y déploient de manière inédite.
Ainsi, face à la baisse d’influence, Paris opte pour des partenariats responsables et équilibrés avec les pays africains. L’étape angolaise de la dernière tournée présidentielle française confirme une nouvelle stratégie valable pour tout le continent. L’enjeu sera la concrétisation de la promesse d’Emmanuel Macron de considérer l’Afrique comme une priorité de son second mandat.