Fifa: Infantino, l'homme qui rêvait de refonder le football

Le président de la FIFA Gianni Infantino fait des gestes lors d'une conférence de presse au 73e Congrès de la FIFA à Kigali, Rwanda, le 16 mars 2023. (AFP)
Le président de la FIFA Gianni Infantino fait des gestes lors d'une conférence de presse au 73e Congrès de la FIFA à Kigali, Rwanda, le 16 mars 2023. (AFP)
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Publié le Jeudi 16 mars 2023

Fifa: Infantino, l'homme qui rêvait de refonder le football

  • «Restaurer l'image de la Fifa» et «rendre le football réellement mondial»: l'ambition de l'Italo-Suisse de 52 ans tient dans ces deux phrases
  • Comme toutes les organisations sportives, la Fifa conserve une partie de ses revenus, notamment pour organiser ses compétitions et rémunérer ses 814 salariés

KIGALI: Décrié et pourtant indétrônable, Gianni Infantino a entamé jeudi un nouveau mandat à la tête de la Fifa, qu'il dirige depuis 2016, multipliant comme d'habitude les chantiers au risque d'agacer et parfois de renoncer.

"Restaurer l'image de la Fifa" et "rendre le football réellement mondial": l'ambition de l'Italo-Suisse de 52 ans tient dans ces deux phrases, martelées depuis des années et par lesquelles il se pose en garant de l'intégrité comme de l'égalité des chances dans le sport le plus populaire au monde.

Sans les scandales qui ont emporté fin 2015 son prédécesseur Sepp Blatter, puis l'ancien président de l'UEFA Michel Platini, qui semblait assuré de lui succéder, peu d'observateurs auraient misé sur ce juriste sans passé sportif pour diriger l'instance de Zurich.

Le triple Ballon d'or français se prive d'ailleurs rarement de railler le manque de "légitimité" de son ancien secrétaire général (entre 2009 et 2016), tout en l'accusant d'avoir orchestré sa chute.

Mais l'éternel N°2, élu de justesse parmi cinq candidats en 2016, a depuis assis son pouvoir sur le foot mondial, au point d'être reconduit sans opposition en 2019 comme ce jeudi.

Cet homme de l'ombre s'est très vite mué en tribun, quitte à oser toutes les outrances.

Foot: la manne croissante du Mondial, clé du système Fifa

Gagner plus pour distribuer plus, en particulier hors d'Europe où se concentre encore l'argent du football: telle est la clé du système Fifa, qui garantit aussi à son président Gianni Infantino, réélu jeudi lors du Congrès de Kigali, une assise politique extrêmement large.

Organisée tous les quatre ans depuis 1930 chez les hommes et 1991 chez les femmes, la Coupe du monde assure à l'instance de Zurich l'essentiel de ses revenus, calculés selon un cycle quadriennal, et qui continuent à progresser.

Succès qatari, malgré les polémiques 

C'est en particulier le cas pour la période 2019-2022, critique puisqu'elle a cumulé pandémie de Covid-19, qui a mis le sport mondial à l'arrêt pendant plusieurs mois, et Coupe du monde au Qatar, entachée depuis son attribution fin 2010 par de multiples polémiques.

Mais ni les menaces de boycott, ni la programmation inhabituelle du tournoi (20 novembre-18 décembre 2022, au lieu du début de l'été) n'ont empêché la Fifa de boucler son cycle par un nouveau record, avec des revenus de 7,6 milliards de dollars, en hausse de 18% par rapport à la période précédente, déjà marquée par le succès commercial du Mondial-2018 en Russie.

Quant aux réserves de l'organisation, elles ont grimpé à 3,9 milliard de dollars (+45% par rapport au cycle précédent), un trésor de guerre suffisamment confortable pour avoir pu mettre à disposition 1,5 milliard de subventions et de prêts liés au Covid pour les fédérations.

2026, probable Mondial "de tous les records" 

D'ores et déjà, l'instance s'attend à voir ses revenus grimper à 11 milliards de dollars en 2023-2026, soit 44,7% de plus qu'en 2019-2022, portés par une hausse à la fois des droits TV, des droits marketing et de la billetterie.

Irréaliste, dans une période où nombre d'organisations peinent face à un marché des droits TV toujours plus concurrentiel et craignent un désintérêt des plus jeunes pour le spectacle sportif ? Pas nécessairement puisque le Mondial 2026 devrait être "celui de tous les records", estime Raffaele Poli, économiste au CIES de Neuchâtel.

Non seulement le plus grand tournoi masculin du monde sera coorganisé entre Mexique, Canada et Etats-Unis, promettant de vastes stades bondés, mais il passera en plus de 32 à 48 équipes, alléchant les diffuseurs et tenant seize pays supplémentaires en haleine.

Redistribution et carte électorale 

Comme toutes les organisations sportives, la Fifa conserve une partie de ses revenus, notamment pour organiser ses compétitions et rémunérer ses 814 salariés - dont Gianni Infantino, qui perçoit jusqu'à 3,6 millions de francs suisses annuels en incluant une part variable.

Mais elle affecte le reste à des programmes de développement en subventionnant ses six confédérations et 211 fédérations nationales, sans proportionner les sommes versées à leur taille: les îles-confettis caribéennes d'Aruba ou de la Barbade peuvent ainsi recevoir autant voire plus que l'Allemagne ou le Brésil.

L'organisation souligne avoir "multiplié par sept" ses contributions de solidarité en sept ans, en particulier via son programme phare "Fifa Forward", entré en janvier dans son troisième cycle: d'ici 2026, chaque association membre touchera jusqu'à 5 millions de dollars pour couvrir ses coûts opérationnels, jusqu'à 3 millions supplémentaires pour des projets spécifiques et, pour "les plus en difficulté", 1,2 million de plus pour "les frais de déplacement et d'hébergement de leurs équipes nationales, ainsi que l'achat d'équipement".

Ces montants sont bien sûr appréciés des principales nations de football, mais ils sont bien plus essentiels - voire vitaux - pour la grande masse de fédérations plus modestes, entretenant à l'égard de la Fifa une loyauté particulière qui recoupe la carte électorale de l'instance: chaque association dispose d'une voix pour élire le président, quelle que soit son importance.

Soupçons de collusion 

Le président de l'UEFA Aleksander Ceferin, qui entretient avec Infantino des relations glaciales, avait même qualifié de "populiste" la manière dont le patron de la Fifa avait vanté son projet de Mondial biennal, assurant qu'il fallait "donner aux Africains l'espoir qu'ils n'auront pas à traverser la Méditerranée pour trouver une vie meilleure".

Mais à son crédit, l'enfant de Brigue peut porter la limitation du président à trois mandats, une réforme des transferts, l'instauration d'un congé maternité pour les joueuses ainsi qu'un envol des revenus, des réserves financières, et des subventions versées à chaque fédération.

Cette image d'intégrité, dont il souligne volontiers le contraste avec l'ère Blatter, a toutefois souffert de la procédure ouverte contre lui en juillet 2020 pour "incitation à l'abus d'autorité", à la "violation du secret de fonction" et à "l'entrave à l'action pénale".

La justice suisse lui reproche trois rencontres secrètes en 2016 et 2017 avec Michael Lauber, alors chef du parquet fédéral, nourrissant des soupçons de collusion entre l'accusation et la Fifa, partie civile dans la plupart des procédures visant d'anciens dirigeants du foot dont Blatter et Platini.

La défense d'Infantino a fait récuser un premier procureur enquêtant sur ce dossier, mais deux autres magistrats l'ont repris, classant néanmoins sans suite jeudi dernier un deuxième volet portant sur un vol en jet privé effectué en 2017 par le dirigeant.

Cliver ou rassembler? 

Pour développer le ballon rond, ce polyglotte au crâne lisse, partiellement installé à Doha avec son épouse libanaise et leurs cinq enfants, ne manque pas d'idées.

Mais dans un univers du foot aux équilibres complexes, entre ligues, fédérations riches et pauvres, clubs, confédérations, joueurs et supporters, beaucoup lui reprochent d'avancer en force.

Certes, il a réussi à faire passer le Mondial de 32 à 48 équipes -non dès 2022 comme il l'aurait souhaité, mais lors de l'édition 2026 partagée entre Etats-Unis, Mexique et Canada- et à accompagner l'essor continuel du football féminin.

En revanche, sa Coupe du monde des clubs à 24 équipes, initialement prévue pour 2021, présentée comme très lucrative et qui déplaît entre autres à l'UEFA, est longtemps restée dans les limbes. Il a finalement annoncé en décembre dernier prévoir une édition quadriennale à 32 équipes à partir de l'été 2025, mais sans même avoir consulté ligues et clubs.

Même recul sur le calendrier international, sujet épineux par excellence tant les joueurs frôlent la saturation: lancée en fanfare à l'automne 2021, l'idée d'un Mondial biennal a été enterrée au printemps suivant face à l'ampleur des oppositions.

Dans la foulée, le dirigeant s'était essayé à un ton plus consensuel, lui qui s'était posé il y a deux ans en unique rempart face au creusement des inégalités sportives dans le football: "Nous savons qu'il est important d'échanger", avait-il reconnu, promettant "un respect total" aux acteurs du football s'il décroche un nouveau mandat.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »