L’Iran se joint aux pourparlers quadripartites de Moscou avec la Turquie et la Syrie

(De gauche à droite) Le président russe Vladimir Poutine, le président iranien Ebrahim Raïssi et le président turc Recep Tayyip Erdogan posent pour une photo avant une réunion trilatérale sur la Syrie à Téhéran le 19 juillet 2022. (AFP)
(De gauche à droite) Le président russe Vladimir Poutine, le président iranien Ebrahim Raïssi et le président turc Recep Tayyip Erdogan posent pour une photo avant une réunion trilatérale sur la Syrie à Téhéran le 19 juillet 2022. (AFP)
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu (à droite) et le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian (à gauche) lors d’une conférence de presse à la suite de leur rencontre à Ankara, le 8 mars 2023. (AFP)
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu (à droite) et le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian (à gauche) lors d’une conférence de presse à la suite de leur rencontre à Ankara, le 8 mars 2023. (AFP)
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Publié le Samedi 11 mars 2023

L’Iran se joint aux pourparlers quadripartites de Moscou avec la Turquie et la Syrie

  • Dans une déclaration conjointe à l’issue de la réunion des 25 et 26 avril 2019 à Astana, l’Iran, la Russie et la Turquie ont réaffirmé leur «ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale» de la Syrie
  • La Russie a parrainé une voie de normalisation entre les ministres de la Défense et les chefs des renseignements syriens et turcs à Moscou en décembre dans le but de faciliter le processus de rapprochement entre les deux pays

ANKARA: Les vice-ministres des Affaires étrangères de la Russie, de la Turquie, de la Syrie et de l’Iran se réuniront à Moscou la semaine prochaine pour de petits entretiens avant une réunion prévue depuis longtemps entre les ministres des Affaires étrangères des quatre pays.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré mercredi que son homologue iranien Hossein Amir-Abdollahian avait demandé si Téhéran pouvait se joindre aux pourparlers tripartites en tant que quatrième partie, ce qu’Ankara a accepté.

«Astana est de toute façon notre unique moyen pour aborder la Syrie», déclare M. Cavusoglu lors d’une conférence de presse conjointe avec M. Amir-Abdollahian.

«Une réunion entre les ministres des Affaires étrangères pourrait se tenir ultérieurement, lorsque nous jugerons ce moment approprié», déclare-t-il.

L’Iran et la Turquie ont adopté des positions opposées sur la Syrie depuis le début du conflit.

Dans une déclaration conjointe à l’issue de la réunion des 25 et 26 avril 2019 à Astana, l’Iran, la Russie et la Turquie ont réaffirmé leur «ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale» de la Syrie, ainsi qu’aux buts et principes de la Charte des Nations unies.

M. Abdollahian soutient que Téhéran est prêt à apporter son aide en vue de résoudre les désaccords entre Ankara et Damas dans le cadre de ce partenariat à quatre, en particulier pour ce qui est du retrait de l’armée turque du nord de la Syrie.

L’Iran et la Turquie ont adopté des positions opposées sur la Syrie depuis le début du conflit.

Cela survient une semaine après que l'ambassadeur de Russie en Irak, Elbrus Kutrashev, a déclaré lors du Forum d’Erbil 2023 qu’il était «grand temps» pour une réconciliation entre la Syrie et la Turquie.

La Russie a parrainé une voie de normalisation entre les ministres de la Défense et les chefs des renseignements syriens et turcs à Moscou en décembre dans le but de faciliter le processus de rapprochement entre les deux pays, marquant la première réunion de haut niveau depuis le début de la guerre en Syrie en 2011.

Mais Téhéran a fait part de son inquiétude d’être mis à l’écart de cette rencontre, soulignant l’importance d’une solution politique en Syrie.

Au cours de la réunion, les ministres de la Défense ont discuté des efforts de lutte contre le terrorisme en Syrie et ont convenu de poursuivre leurs réunions tripartites pour encourager la stabilité dans la région.

Après les tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé le sud de la Turquie et le nord-ouest de la Syrie en février, Ankara a permis l’acheminement de l’aide internationale aux victimes du séisme en Syrie. Environ 475 camions d’aide ont franchi les frontières, tandis que la Turquie a également ouvert son espace aérien aux avions transportant de l’aide vers la zone du séisme.

L’Iran a également mis en place un hôpital de campagne et des tentes à Adiyaman, une ville frappée par le tremblement de terre. Le pays a également envoyé une équipe de recherche et de sauvetage formée de 150 personnes.

Le président iranien Ebrahim Raïssi devrait également se rendre en Turquie pour rencontrer le président Recep Tayyip Erdogan.

Gulriz Sen, experte des relations turco-iraniennes de l’Université d’économie et de technologie Tobb à Ankara, déclare que les lignes rouges de Téhéran dans la guerre civile syrienne demeurent inchangées. L’accent est mis sur la survie du régime d’Al-Assad et l’intégrité territoriale de la Syrie.

«L’Iran est strictement opposé à la présence militaire des États-Unis et de la Turquie en Syrie et appelle au retrait de ces forces pour garantir que le régime d’Al-Assad puisse contrôler chaque centimètre du pays», déclare-t-elle à Arab News.

Elle ajoute que l’Iran veut une influence permanente en Syrie, son seul allié arabe, à travers des liens stratégiques et économiques étroits.

«C’est pour cela qu’il cherche à être un courtier de pouvoir dans ce nouveau dialogue diplomatique qui coordonnera le rapprochement entre la Turquie et la Syrie. La toute première implication directe de Téhéran l’aidera à suivre de près et à façonner le processus sans se sentir exclu et sans attendre d’être tenu au courant par d’autres parties lors des réunions de suivi», rapporte-t-elle.

Selon l’experte, l’inclusion de l’Iran dans les pourparlers ne changera pas le rôle décisif de la Russie, mais renforcera probablement la position de la Syrie sur le retrait rapide des forces armées turques du nord-ouest de la Syrie, le retour d’Idlib sous le contrôle d’Al-Assad et l’élimination des groupes djihadistes considérés par l’Iran comme des «terroristes takfiris», avec une approche plus concertée de Téhéran et de Damas.

«Dans tous les cas, les pourparlers n’aboutiront pas avant les prochaines élections présidentielles et législatives turques en mai, mais le format d’Astana intègrera désormais la Syrie dans cet ultime effort vers un règlement diplomatique», note-t-elle.

Francesco Siccardi, responsable de projet et analyste principal chez Carnegie Europe, est d’accord.

«Nous devrions tempérer les attentes de cette réunion, qui devait avoir lieu plus tôt dans l’année, mais a été retardée par des hésitations du côté turc puis, bien sûr, par les tremblements de terre du 6 février», dit-il à Arab News.

M. Siccardi s’attend à des progrès modérés après la réunion, à savoir une poursuite du rapprochement progressif en cours depuis 2022.

«Mais le rythme et la profondeur de l’implication de la Turquie seront dictés par les intérêts électoraux du président Erdogan», ajoute-t-il.

Selon M. Siccardi, le tremblement de terre a partiellement modifié les calculs du président Erdogan concernant la Syrie. Cela exige que les frontières de la Syrie restent fermées aux réfugiés qui tentent de passer en Turquie depuis Idlib et rend les propos incendiaires sur la question kurde moins attrayante pour un électorat toujours sous le choc de la destruction engendrée par le tremblement de terre.

«La question du retour des réfugiés syriens reste importante, puisque l’augmentation des discours anti-syriens sont très présents dans les régions de Turquie les plus touchées par le tremblement de terre», insiste-t-il.

On ne sait pas si Ankara changera complètement sa politique syrienne avant que les résultats des élections ne soient connus.

Mais la question des réfugiés reste une question centrale avant les élections compte tenu de la montée en flèche du sentiment anti-immigrés dans le pays et de la détérioration des conditions de vie en raison des taux d’inflation élevés et du chômage.

Le principal chef de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu, qui défiera le président Erdogan lors du scrutin du 14 mai, devrait accélérer le processus de normalisation avec le régime d’Al-Assad et rechercher des moyens pour le retour volontaire de près de quatre millions de réfugiés syriens dans leur patrie.

Cependant, de nombreux Syriens en Turquie ne veulent toujours pas rentrer par crainte d’être persécutés tant qu’Al-Assad reste au pouvoir.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com