BRUXELLES: Une quinzaine d'avocats représentant des individus ou entités russes visés par des sanctions de l'UE dans le contexte de la guerre en Ukraine ont écrit à des responsables européens pour protester contre un processus qu'ils jugent entaché "d'erreurs" et "d'irrégularités".
Cette lettre, adressée notamment à des responsables de la Commission européenne et du Conseil, intervient alors que ces sanctions font l'objet d'une révision régulière, dont la prochaine doit intervenir le 15 mars.
"Depuis les premières inscriptions (sur la liste des sanctions), les décisions ont été entachées d'erreurs matérielles et d'irrégularités", écrivent ces avocats, parmi lesquels Me Aaron Bass, qui représente les oligarques russes Petr Aven, Mikhaïl Fridman et German Khan, ou encore Me William Julié, qui représente Farkhad Akhmedov.
"De nombreux individus ont été inscrits uniquement sur la base de sources publiquement accessibles, obtenues à partir d'une simple recherche sur Google, notamment d'articles douteux de tabloïds en ligne ou de blogs anonymes", dénoncent les 16 avocats signataires.
Au total, et depuis l'annexion de la Crimée en 2014, 1.473 personnes et 205 entités font l'objet d'un gel des avoirs (yachts, villas, comptes...) et/ou d'une interdiction d'entrer sur le territoire de l'UE.
Parmi eux, des responsables politiques et militaires russes, ainsi que des oligarques et des membres de leurs familles.
Les avocats, qui expliquent envoyer des demandes régulières au Conseil pour un retrait de leurs clients de la liste et ont par ailleurs introduit des recours devant la justice de l'UE, estiment que la révision périodique de la liste, au lieu d'être l'occasion de vérifier si les motifs d'inscription sont toujours d'actualité, se résume à des "ajustements mineurs".
Ils jugent "particulièrement révélateur" que depuis le printemps 2022, "seuls trois individus" aient été retirés de la liste noire, dont un pour cause de décès. Une autre est Olga Ayziman, ex-épouse de Mikhaïl Fridman, dont elle était divorcée depuis 2005, a indiqué son avocat, Aaron Bass.
A propos des inscriptions sur la liste noire, Me Julié a regretté "un travail fait dans une précipitation qui n'est pas acceptable dans une communauté d'Etat de droit", dénonçant dans le cas de celle de son client "des erreurs grossières".
Il souligne que de récentes décisions de justice pourraient toutefois changer la donne.
Le Tribunal de l'UE a annulé mercredi les sanctions à l'encontre de la mère du chef du groupe paramilitaire Wagner, en soulignant qu'elle n'était plus propriétaire depuis 2017 d'une entreprise liée à son fils, et que le Conseil n'apportait pas la preuve qu'elle en possédait d'autres. Ce qui ne permettait donc pas de la sanctionner, le lien de parenté ne suffisant pas à justifier son inscription sur la liste.
En octobre, le Tribunal a par ailleurs annulé les mesures visant l'ancien gouverneur pro-russe de Sébastopol (Crimée) Dmitry Vladimirovich Ovsyannikov.
Interrogé sur la lettre des avocats, Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, n'a pas souhaité en confirmer la réception.
"En ce qui concerne les sanctions, toutes les décisions d'imposer de nouvelles sanctions sont prises par les États membres au sein du Conseil à l'unanimité, sur la base d'un cadre juridique transparent et les discussions sont confidentielles", a-t-il indiqué.