MADRID: Comme à Madrid, où une marée violette a déferlé dans la ville, les femmes du monde entier manifestent mercredi pour défendre leurs droits, bafoués en divers endroits de la planète.
"Pour moi, c'est très important (d'être là) car mes grands-mères se sont battues pour que nous ayons certaines libertés", a confié à l'AFP, dans le cortège madrilène, Mariam Ferradas, cuisinière de 52 ans.
Au moins 27 000 femmes, presque toutes vêtues de violet, la couleur du féminisme, ont défilé dans la capitale espagnole, selon les chiffres des autorités, aux cris de "Mon corps, ma vie!" ou "La rue et la nuit sont aussi à nous!"
"Nous avons toujours à l'esprit nos camarades d'Iran ou les femmes ukrainiennes", a ajouté Mariam.
Talibans au pouvoir en Afghanistan, répression de la contestation provoquée en Iran par la mort de Mahsa Amini, remise en cause du droit à l'avortement ou féminicides: les motifs de mobilisation pour les droits des femmes sont nombreux à travers le monde.
Ailleurs en Europe et en Asie, des milliers de femmes se sont rassemblées, défiant parfois les autorités, comme à Istanbul où elles ont célébré une "marche de nuit féministe", sifflant et chantant sous l'œil attentif de la police qui avait interdit toute manifestation sur la place Taksim.
En France, la contestation avait été placée sous le signe de la lutte contre la réforme des retraites, accusée d'être injuste envers les femmes. "Retraites, salaires, les femmes sont en colère!", a notamment scandé le cortège parisien.
«C'est notre jour»
Au Pakistan, pays très conservateur et patriarcal, les femmes sont aussi descendues dans les rues par milliers malgré les tentatives des autorités d'empêcher certaines de leurs marches, où sont évoqués des sujets souvent tabous comme le divorce, le harcèlement sexuel ou les menstruations.
"Nous n'allons plus nous asseoir en silence. C'est notre jour, c'est notre heure", a résumé Rabail Akhtar, une enseignante à Lahore. "Pourquoi ont-ils tellement peur que les femmes défendent leurs droits ?", a surenchéri Soheila Afzal, une graphiste.
En Afghanistan, "pays le plus répressif au monde en ce qui concerne les droits des femmes", selon Rosa Otounbaïeva, cheffe de la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua), elles étaient une vingtaine à manifester à Kaboul, a constaté l'AFP.
Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, "les femmes et les filles ont été effacées de la vie publique" dans ce pays, a déploré lundi le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres qui, plus généralement, s'est inquiété du fait que "l'égalité entre les sexes s'éloigne de plus en plus" dans le monde.
"Au rythme actuel, (l'organisation) ONU Femmes la fixe à dans 300 ans", a-t-il affirmé.
En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a tenu pour sa part à rendre hommage aux femmes "qui ont sacrifié leur vie" depuis le début de l'invasion russe il y a un an. Son homologue russe Vladimir Poutine a, lui, célébré les femmes qui "accomplissent leur devoir" notamment militaire.
Démarche symbolique et inédite, l'Union européenne a adopté mardi des sanctions contre des individus responsables de violations des droits des femmes dans six pays, dont le ministre taliban de l'Enseignement supérieur Neda Mohammad Nadeem alors que les Afghanes n'ont plus le droit d'aller à l'université ou dans l'enseignement secondaire.
Elle a été imitée mercredi par le Royaume-Uni qui a gelé les actifs et interdit de séjour plusieurs individus et entités responsables de violences envers les femmes en Iran, en Syrie, au Soudan du Sud et en République centrafricaine.
Le chef de l'ONU veut faire d'internet un monde «sûr» et non «toxique» pour les femmes
"La violence en meute et en ligne est une attaque directe contre la démocratie qui censure de fait les femmes, les harcèle et émousse l'ambition des filles à devenir des dirigeantes", a écrit Antonio Guterres dans un discours lu devant des milliers de déléguées réunies plusieurs jours au siège de l'ONU à New York pour la Commission sur la condition de la femme (CSW).
"Nous devons faire en sorte que le monde en ligne soit sûr pour les femmes et les filles", a-t-il exhorté, son organisation internationale se voulant à la pointe de la lutte contre les violences faites aux femmes, partout sur la planète.
"Des pans entiers d'internet deviennent des amplificateurs toxiques de haine, d'agression et de harcèlement et les premières cibles en sont les femmes et les filles", a encore tonné le diplomate.
M. Guterres a fustigé les "technologies numériques qui fournissent de nouveaux outils pour contrôler, faire du mal, réduire au silence et discréditer les femmes, y compris celles qui ont une vie publique".
Il a appelé les gouvernements, les régulateurs et les entreprises technologiques à mettre en place des mesures de protection "pour créer un environnement numérique sûr et demander des comptes aux harceleurs, aux agresseurs".
Selon l'ONU, les femmes et les filles sont 27 fois plus susceptibles que les hommes d'être harcelées en ligne ou soumises à des messages haineux.
Violences «intolérables»
En Amérique latine, la mobilisation du nord au sud a été placée sous le signe de la lutte contre les féminicides.
Un fléau au Brésil notamment, où plus de 1 400 ont été recensés l'an dernier, soit un toutes les six heures, un record amenant mercredi le président Lula à annoncer des mesures pour lutter contre ces violences "intolérables".
Même mot d'ordre au Mexique, où 969 féminicides ont été enregistrés l'année dernière, dans un défilé d'ampleur sur le Zocalo, la place principale de Mexico, sous le slogan "Plus une seule femme assassinée !". En Colombie, le nombre de féminicides est passé de 182 en 2020 à 614 l'année dernière.
Au Venezuela, la manifestation de femmes à Caracas s'est concentrée sur la demande "d'un salaire décent" dans un contexte d'inflation accélérée.
Au Pérou, englué dans une crise politique, les slogans étaient dirigés contre la première femme présidente du pays, Dina Boluarte, accusée par les manifestantes indigènes d'être responsable de la mort de dizaines de civils: "on n'a rien à célébrer en ce jour car nous pleurons la perte de tant de jeunes gens", a déclaré Ana Isabel Aguilar, une Aymara de la région de Puno (sud).
A Cuba, faute de pouvoir défiler librement, les organisations féministes indépendantes ont appelé à une "manifestation virtuelle" sur les réseaux sociaux.