PARIS : Semaine cruciale pour la réforme des retraites. Pendant que les débats se poursuivent lundi au Sénat, avec l'adoption d'un "CDI seniors" c'est la veillée d'armes pour les opposants au projet-phare d'Emmanuel Macron qui veulent mettre la "France à l'arrêt" mardi, voire au-delà pour une partie d'entre eux.
A la veille d'une sixième journée d'actions qui s'annonce massive contre la réforme et son report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, les Français, toujours majoritairement hostiles au projet de l'exécutif, selon les sondages, doivent se préparer à vivre 24 heures d'un pays "à l'arrêt" comme l'ont promis les syndicats.
Ceux-ci veulent faire mieux que le 31 janvier, quand la police avait recensé 1,27 million de participants et l'intersyndicale plus de 2,5 millions dans les rues de France. La CGT a recensé 265 rassemblements.
"J’appelle les salariés de ce pays, les citoyens, les retraités à venir manifester massivement", a dit lundi le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger qui demande qu'Emmanuel Macron réagisse enfin face à l'ampleur de la mobilisation.
Plus de 60% de grévistes prévus mardi dans les écoles
Le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, prévoit que "plus de 60%" des enseignants du premier degré seront grévistes et que "plusieurs milliers d'écoles" seront fermées mardi, pour la sixième journée d'actions qui s'annonce massive contre la réforme des retraites, a-t-il indiqué lundi.
"Avec d'ores et déjà plus de 60% de professeurs des écoles en grève, plusieurs milliers d'écoles fermées, les enseignantes et enseignants du 1er degré montrent une nouvelle fois que leur détermination est intacte face à l'obstination du gouvernement concernant le projet de réforme des retraites", a souligné le Snuipp dans un communiqué.
"La mobilisation doit se poursuivre et s'annonce déjà très importante mercredi 8 mars dans le cadre de la journée de lutte pour les droits des femmes", a-t-il ajouté.
"Au-delà, la bataille doit se poursuivre pour que le gouvernement entende enfin raison et renonce à son projet inacceptable", poursuit le syndicat, qui appelle les professeurs des écoles et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) "à décider en assemblée générale des suites à donner à la mobilisation, y compris la reconduction de la grève".
L'intersyndicale de l'éducation, regroupant les sept principaux syndicats enseignants, avait appelé à ce que les grèves permettent de "fermer totalement les écoles, collèges, lycées et services" le 7 mars.
Le taux de grévistes le plus élevé chez les enseignants date du 19 janvier, lors de la première journée d'action. Ce jour-là, les syndicats avaient recensé jusqu'à 70% d'enseignants grévistes dans le primaire et 65% dans les collèges et lycées. Le ministère de l'Education avait comptabilisé 42,35% de grévistes dans le primaire et 34,66% dans le secondaire.
Le 31 janvier, lors de la deuxième journée de mobilisation, les syndicats avaient comptabilisé au moins 50% de grévistes parmi les professeurs, de la maternelle au lycée. Selon le ministère, le taux d'enseignants grévistes avait été de 25,92%, dont 26,65% dans le primaire
et 25,22% dans les collèges et lycées.
Le mardi 7 février, les syndicats n'avaient pas donné de chiffres de mobilisation des enseignants, en raison des vacances scolaires déjà en cours dans huit académies. Le ministère, lui, avait comptabilisé 14,17% de professeurs grévistes.
La mobilisation suivante s'était déroulée le samedi 11 février, jour pendant lequel beaucoup d'établissements sont fermés et il n'y avait donc pas eu d'appel à la grève des enseignants.
Enfin le 16 février, pour la cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le ministère avait recensé 7,67% de grévistes en moyenne (dont 7,09% dans le premier degré et 8,23% dans le second degré), un taux calculé pour les seules académies pas encore en vacances.
"Le président de la République ne peut pas rester sourd", a exhorté le leader cédétiste. Solidaires prédit un "tsunami social".
Entre 1,1 et 1,4 million de manifestants sont attendus en France dont 60 et 90 000 à Paris avec 300 à 500 éléments radicaux et de 400 à 800 gilets jaunes, a rapporté une source policière.
Si l'exécutif regarde ce qui se prépare dans la rue en exhortant les opposants à la "responsabilité" comme le ministre du Travail Olivier Dussopt ou son homologue en charge des Comptes publics Gabriel Attal, il a aussi un œil sur le Sénat.
Au palais du Luxembourg, l'examen du texte a repris avec désormais un peu moins de 3 000 amendements au programme d'ici à dimanche minuit.
"A la veille d’une journée de mobilisation contre cette réforme massivement rejetée par la population (…) pouvons-nous continuer à débattre comme si de rien n’était ?" a interrogé lundi, Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE à majorité communiste.
Le Sénat vote la création d'un nouveau CDI pour favoriser l'emploi des seniors
Le Sénat dominé par la droite a voté lundi, contre l'avis du gouvernement et malgré l'opposition de la gauche, la création d'un nouveau type de contrat à durée indéterminée de "fin de carrière" pour favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans.
Les sénateurs ont adopté par 202 voix contre 123 un amendement en ce sens porté par les rapporteurs LR René-Paul Savary et Elisabeth Doineau (centriste) au projet de réforme des retraites, dont l'une des mesures principales porte de 62 à 64 ans l'âge de départ.
Avec ce nouveau "CDI seniors", l'employeur serait exonéré de cotisations famille. Il pourrait mettre un terme au contrat en plaçant à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il ne serait donc pas tenu de le conserver jusqu'à ses 70 ans, ce qui représente aujourd'hui "un frein à l'embauche de seniors", selon les rapporteurs.
"Les outils actuels d'emploi des seniors ne sont pas suffisants", a affirmé René-Paul Savary.
La France est en dessous de la moyenne européenne pour l'emploi des 55-64 ans (56% contre 60,5%).
Le rapporteur a précisé que l'amendement avait été rédigé "sur proposition de nombre de partenaires sociaux", à qui il reviendrait de définir les modalités d'application, branche par branche.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt a donné un avis "défavorable" à ce nouveau CDI. Il s'est notamment interrogé sur son "ciblage".
"Je crains un effet d'aubaine qui mène notre branche famille dans le rouge", a de son côté déclaré le ministre des Comptes publics Gabriel Attal. "100.000 CDI" sont signés chaque année pour des salariés de plus de 60 ans, a-t-il exposé. Si tous étaient signés avec le nouveau contrat, le coût est estimé à "800 millions d'euros pour la branche famille". Et
pourrait même atteindre jusqu'à "2,2 milliards d'euros" en cas d'effet d'aubaine.
Le chef de file des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau a "contesté formellement" le coût avancé par le gouvernement, soulignant que cet amendement "révèle l'un des plus grands enjeux de cette réforme". "A quoi servirait-il de reculer l'âge légal de départ à la retraite si on ne fait rien sur l'emploi des seniors ?", a-t-il interrogé.
"C'est une commande directe du Medef", a dénoncé à gauche le socialiste Yan Chantrel.
"On ne comprend pas pourquoi on est toujours obligé de faire des cadeaux aux entreprises pour qu'elles recrutent des gens", a déclaré Monique Lubin (PS).
Dans le nuit de dimanche à lundi, le Sénat avait approuvé la création proposée par le gouvernement d'un "index seniors" dans les entreprises, sur la place des plus âgés, mais uniquement pour celles comptant plus de 300 salariés.
Contre l'avis du gouvernement qui craint "un effet d'aubaine", la majorité de droite a voté un amendement des rapporteurs créant un nouveau type de CDI de "fin de carrière" pour favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans. Avec ce "CDI seniors", l'employeur serait exonéré de cotisations famille.
Les débats ont progressé à pas comptés pendant le week-end avec la suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants et la création d'un "index seniors" dans les entreprises, mais limité à celles de plus de 300 salariés.
"Nous ferons tout pour que la réforme puisse être adoptée", a dit le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dont le soutien à la réforme est capital.
'On est gentils aujourd'hui'
La Première ministre Elisabeth Borne doit s'exprimer lundi soir sur France 5.
De très fortes perturbations sont prévues dans les transports urbains et ferroviaires, l'ensemble des syndicats ayant appelé à la grève reconductible à la RATP et à la SNCF, à partir de mardi. Pour le ministre des Transports, Clément Beaune, il s'agira d'"une des journées les plus difficiles qu'on ait connues".
Dans l'énergie, les syndicats ont ouvert le bal des mobilisations dès vendredi avec des baisses de production dans plusieurs centrales nucléaires. La CGT a promis "une semaine noire". Côté carburant, la CGT a également appelé à la grève reconductible dans les raffineries, avec pour objectif de "bloquer l'ensemble de l'économie".
"Quand on dit qu’on veut mettre l’économie française à genoux, ce sont des usines, ce sont des travailleurs, ce sont des Français qui travaillent", a cinglé Gabriel Attal devant les sénateurs, lundi.
Sur les routes, des barrages filtrants ont eu lieu ce lundi matin près de Lille ou Rouen.
Dans l'éducation, le Snuipp-FSU, premier syndicat dans les écoles prévoit plus de 60% de grévistes en maternelle et élémentaire. Des blocages lycéens sont également attendus même si la mobilisation peine à prendre dans la jeunesse. Organisations étudiantes et lycéennes ont donné rendez-vous le 9 pour "durcir le mouvement".
Chantiers à l'arrêt, rideaux de magasins fermés, péages ouverts et routes bloquées font également partie de la panoplie d'actions des opposants qui trouveront le lendemain l'occasion de continuer à se faire entendre pour la Journée internationale des droits des femmes.