TEHERAN: Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Rafael Grossi, devrait rencontrer samedi à Téhéran le président iranien Ebrahim Raïssi sur fond d'inquiétude concernant la découverte en Iran de particules d'uranium enrichi proches du niveau pour fabriquer une bombe atomique.
Arrivé vendredi pour une visite de deux jours, M. Grossi espère créer les conditions d'une coopération entre l'Iran et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur le dossier du nucléaire iranien.
Une source diplomatique a affirmé à l'AFP à Vienne que le patron de l'AIEA rencontrerait M. Raïssi pour "relancer le dialogue" sur le dossier nucléaire iranien et "relancer la relation au plus haut niveau" entre l'Agence et la République islamique.
Une conférence de presse entre le patron de l'AIEA et Mohammad Eslami, directeur de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), doit aussi se tenir samedi en journée.
Selon un rapport confidentiel de l'AIEA consulté mardi par l'AFP, des particules d'uranium enrichies à 83,7%, soit un peu moins des 90% nécessaires pour produire une bombe atomique, ont été détectées dans l'usine souterraine de Fordo, à une centaine de kilomètres au sud de la capitale Téhéran.
L'Iran, qui nie vouloir se doter de l'arme nucléaire, s'est justifié en faisant état "de fluctuations involontaires" au cours du processus d'enrichissement et en assurant "n'avoir pas fait de tentative pour enrichir au-delà de 60%".
La France a jugé jeudi qu'il s'agissait d'"un développement sans précédent et extrêmement grave".
M. Grossi tentera d'obtenir "un accès renforcé au site (de Fordo) et d'augmenter le nombre d'inspections" de l'AIEA permises par le gouvernement iranien, a précisé la source diplomatique.
La visite de M. Grossi est destinée à permettre des "rencontres de haut niveau sur invitation du gouvernement iranien", avait indiqué jeudi l'AIEA sur Twitter.
«Fenêtre de tir»
Un accord, connu sous l'acronyme de JCPOA et conclu en 2015 à Vienne entre Téhéran et les grandes puissances, devait limiter les activités nucléaires de l'Iran en échange d'une levée des sanctions internationales contre le pays.
Mais ce texte est moribond depuis le retrait des Etats-Unis décidé en 2018 par le président Donald Trump et la République islamique s'est dans la foulée progressivement affranchie de ses engagements, avec des négociations pour le relancer au point mort.
Récemment, les inquiétudes n'ont cessé de se renforcer aux Etats-Unis, en Europe et dans certains pays du Moyen-Orient comme Israël, sur les avancées de l'Iran vers la maîtrise de l'arme atomique.
Ainsi, son stock total d'uranium enrichi s'élevait à 3.760,8 kg à la date du 12 février (contre 3.673,7 kg en octobre), soit plus de 18 fois la limite autorisée par le JCPOA, selon les estimations de l'AIEA.
Surtout, l'Iran enrichit toujours plus à des niveaux élevés, loin de la limite fixée par l'accord à 3,67%: il dispose ainsi de 434,7 kg d'uranium à 20% (contre 386,4 kg auparavant) et de 87,5 kg à 60% (contre 62,3 kg).
"La fenêtre de tir pour un accord (...) existe encore mais cette fenêtre ne sera pas là pour toujours", a prévenu mercredi sur CNN le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian.
"Il existe l'espoir que cette visite sera la base pour une plus grande coopération et un horizon plus clair entre l'Iran et l'AIEA", a estimé le porte-parole de l'OIEA Behrouz Kamalvandi, peu avant d'accueillir vendredi M. Grossi à l'aéroport de Téhéran.
La visite de M. Grossi intervient près d'un an après le dernier déplacement en date du diplomate argentin à Téhéran, en mars 2022, à un moment où un accord semblait possible pour une reprise des interminables négociations entre les grandes puissances et l'Iran sur le dossier nucléaire.
Selon les avancées permises par cette visite, Washington, Londres, Berlin et Paris décideront de soumettre ou non une proposition de résolution blâmant Téhéran lors du Conseil des Gouverneurs de l'AIEA, qui doit se tenir la semaine prochaine à Vienne.