PARIS: Deux jours avant l'examen de la réforme des retraites par le Sénat, le gouvernement multiplie les gestes d'"ouverture" et les appels à "l'enrichissement" du texte, notamment sur la situation des femmes, l'une des principales revendications de LR, majoritaire à la chambre haute.
"Je souhaite que le Sénat puisse enrichir" le texte "avec ce qui lui paraît utile": samedi soir, dans les travées du Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron a semblé donner presque un blanc seing à son gouvernement pour toper avec Les Républicains lors des futurs débats de la réforme-phare de son deuxième quinquennat, une descente dans l'arène dont il s'était jusqu'alors gardé.
Dix jours après la fin des discussions à l'Assemblée nationale émaillées d'échauffements et invectives dans l'hémicycle, parfois prolongés jusque dans les couloirs du Palais-Bourbon, l'heure est à l'apaisement.
Car outre sa réputation d'assemblée calme, voire compassée, la chambre haute affiche un triple avantage pour l'exécutif: elle ne compte ni de parlementaire de La France insoumise, ni du Rassemblement national, ni d'Aurélien Pradié - le député qui s'était opposé aux instances de LR, selon lui trop bienveillantes envers la macronie.
Mieux: le patron des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, a promis que le report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans serait débattu et soumis au vote, comprendre sans "obstruction".
Mais, en appelant "le gouvernement à aborder (ce débat) avec de l'ouverture et de la volonté d'engager pour bâtir une majorité derrière ce texte", c'est avant tout aux sénateurs Les Républicains - majoritaires dans l'hémicycle - auxquels le chef de l'Etat a fait référence, en notant que la droite avait dans le passé "plusieurs fois porté des réformes qui étaient assez proches de celle d'aujourd'hui".
La main tendue présidentielle intervenait après que le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, avait indiqué dans un entretien au Parisien "souhaiter voter" la réforme "après l'avoir modifiée", en proposant notamment "soit une surcote de 5 % pour les mères de famille qui auraient atteint à la fois une carrière complète et l’âge légal, soit un départ anticipé à 63 ans".
Pas de deux
"Nous sommes d'accord et ouverts", lui a répondu Olivier Dussopt dimanche sur BFMTV, en convenant qu'"avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n'est pas très juste".
"Dans le texte, le chantier que nous avons à améliorer et à poursuivre concerne la situation des femmes qui, ayant eu des enfants, arrivent à l'âge de la retraite (...) avec des trimestres validés au titre de la maternité" qui souffriront d'un "effet de neutralisation" et seront "perdus" du fait du relèvement de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, a convenu le ministre du Travail.
Le gouvernement, a-t-il avancé, envisage par exemple de "se dire qu'à partir d'un certain âge, si vous n'avez pas atteint l'âge d'ouverture des droits (...) mais que votre carrière est déjà complète, les trimestres que vous continuez à faire donnent lieu à une surcote", sans en préciser le taux, mais à l'unisson de LR.
La position de force dans laquelle se trouve la droite la conduirait-elle à en demander toujours plus, après déjà plusieurs concessions obtenues à l'Assemblée? "Ça n'est pas de la surenchère", a juré dimanche sur France Inter l'eurodéputé François-Xavier Bellamy, qui s'en est pourtant pris avec vigueur à "la clause du grand-père", qui maintient les régimes spéciaux aux salariés déjà en poste qui en bénéficient, un sujet jusqu'alors plutôt consensuel.
Le pas de deux qui s'esquisse entre l'exécutif et LR laisse par ailleurs songeurs plusieurs pontes de la macronie. "Ça va laisser des stigmates dans la majorité", prédit une parlementaire proche d'Edouard Philippe, dont les troupes se sentent moins bien traitées que celles des Républicains.
En privé, un membre du gouvernement va plus loin: "C'est sûr que s'il y a un rapprochement (durable) avec LR, les ministres comme moi partiront, mais de leur propre chef", prévient-il.
L'étape du Sénat, si elle se révélait apaisée, ne soldera par ailleurs pas définitivement le dossier: le texte devra forcément repasser par l'Assemblée. Avec, entre temps, une inconnue de taille: la mobilisation du 7 mars, pour laquelle syndicats et gauche ont appelé à "mettre la France à l'arrêt".