Hezbollah, l’enquête interdite: le parti n’était pas au courant des investigations menées

(De droite à gauche) Naim Qassem, le chef adjoint du groupe chiite libanais Hezbollah, le ministre des Finances Ali Hassan Khalil, le religieux chiite libanais et haut responsable du Hezbollah Hashim Safi al-Din et le Grand Mufti Jaafari Ahmad Qabalan, assistent à un discours télévisé du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah dans la banlieue sud de Beyrouth, le 16 février 2023. (Photo par Anwar Amro / AFP)
(De droite à gauche) Naim Qassem, le chef adjoint du groupe chiite libanais Hezbollah, le ministre des Finances Ali Hassan Khalil, le religieux chiite libanais et haut responsable du Hezbollah Hashim Safi al-Din et le Grand Mufti Jaafari Ahmad Qabalan, assistent à un discours télévisé du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah dans la banlieue sud de Beyrouth, le 16 février 2023. (Photo par Anwar Amro / AFP)
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Publié le Mardi 28 février 2023

Hezbollah, l’enquête interdite: le parti n’était pas au courant des investigations menées

  • Jérôme Fritel, journaliste et réalisateur, a voulu tisser deux histoires pour en faire un grand récit compréhensible pour les non-spécialistes du Liban et du Moyen-Orient
  • Le documentaire intègre l’opération Cassandre à l’histoire du Hezbollah et dresse un schéma précis du trafic de la drogue, de la vente d’armes et du blanchiment d’argent

BEYROUTH: Il a fallu deux ans et demi de travail pour Jérôme Fritel, journaliste et réalisateur français, pour présenter un documentaire d’exception, méticuleux, délicat et précis sur le Hezbollah. Intitulé Hezbollah, l’enquête interdite, ce documentaire en trois parties, chacune de 55 minutes, retrace l’histoire du parti de Dieu sur fond de trafic de cocaïne sur trois continents. 

Portant également la signature de la journaliste franco-marocaine Sofia Amara, le documentaire   part de l’explosion de Beyrouth, le 4 août 2020 et remonte jusqu’à la création du Hezbollah et ses premiers attentats suicide au Liban, notamment ceux perpétrés contre l’ambassade des États-Unis, le 18 avril 1983, et contre les marines américains et les parachutistes français à Beyrouth, le 23 octobre de la même année. 

Le film, qui reste une documentation exceptionnelle de l’histoire et de l’évolution chronologique du Hezbollah, se distingue notamment par une longue interview accordée par Naïm Kassem, le numéro 2 du parti, à l’équipe de tournage.

Si tout cela pourrait paraître commun pour les Libanais ou les spécialistes du Hezbollah, il n’en demeure pas moins qu’une autre histoire vient se greffer à la trame, celle de l’opération Cassandre, menée par la brigade antistupéfiants américaine, Drug Enforcement Administration (DEA), et qui commence en l’an 2000 avec le cartel de Medellin en Colombie et s’achève en janvier 2016, à Paris, quelques mois après la signature d’un plan d’action sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran. 

Loin du sensationnalisme, le documentaire tisse des liens entre l’histoire du Hezbollah et de l’opération Cassandre, et dresse un schéma précis du trafic de la drogue, de la vente d’armes et du blanchiment d’argent qui alimente notamment les activités militaires du parti de Dieu.  

De la cocaïne pour financer les activités militaires 

Dans un entretien avec Arab News en français, Jérôme Fritel souligne que l’idée du documentaire lui est venue à la suite de l’explosion du port. «Nous avons voulu comprendre cette organisation assez récente qui, en quarante ans, a grandi pour devenir la force politique et militaire la plus importante du Liban», explique-t-il. 

Ses recherches le mènent à l’opération Cassandre, largement méconnue du grand public. «Cette enquête met la lumière sur l’une des nombreuses facettes du Hezbollah. On connaissait déjà le visage du groupe terroriste des années 80, celui de la milice résistante des années 90, celui du parti politique et de l’organisation sociale, celui de la milice armée qui se bat en Syrie, mais on ne connaissait pas l’image d’une organisation criminelle qui fonctionne comme un cartel et qui n’hésite pas à participer au trafic de drogue international pour financer ses activités militaires», souligne-t-il. 

Jérome Fritel a voulu présenter le Hezbollah à un public occidental, français, qui ne connaît pas ou qui connaît vaguement le Hezbollah, et qui n’est pas familier avec la situation complexe du Liban.

«J’ai trouvé que c’était intéressant d’utiliser cette enquête de la DEA pour entrer dans les quarante ans d’histoire du Hezbollah. J’ai tissé ensemble ces deux histoires pour en faire un grand récit compréhensible pour les non-spécialistes», explique-t-il. 

Le travail prendra deux ans et demi pour être achevé. Il a fallu six mois de recherche, un an de tournage et un an de montage pour arriver au documentaire en trois parties, diffusées sur France 5. Entamé en septembre 2020, le travail se termine en janvier 2023. 

«Ça a été très long. Et c’est la narration qui constituait tâche la plus importante. Nous sommes restés un an en salle de montage pour donner un produit compréhensible et simple destiné à un public français», précise-t-il. 

Jérôme Fritel, qui a découvert le Liban et ses conflits en 1989 alors qu’il était jeune journaliste, et Sofia Amara, qui a effectué de longs séjours au pays du Cèdre, avaient déjà des contacts avec le Hezbollah.

«J’avais déjà rencontré pour mon film précédent le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem. Comme il fallait présenter le parti en profondeur, nous avions besoin de passer du temps dans leur zone, que ce soit dans la banlieue sud de Beyrouth ou au Liban-Sud. Il fallait donc attendre les autorisations de tournage», note Jérôme Fritel. 

Difficultés du côté du Hezbollah et de celui de la DEA

La tâche n’était pas facile non plus pour avoir accès à la DEA. «L’agence américaine nous a interdit de rencontrer ses agents toujours en service. Elle nous a aussi interdit l’accès à ses archives et ses locaux. Elle a refusé toutes nos demandes. Nous avons interviewé des agents à la retraite qui sont les principaux responsables de cette enquête et qui ont récupéré leur liberté de parole sans pour autant pouvoir donner des informations confidentielles. De plus, ils sont extrêmement frustrés parce qu’ils estiment qu’ils ont fait leur métier; ils ont été très déçus quand on leur a demandé d’arrêter l’enquête», explique-t-il.   

Répondant à la question que tous les Libanais se sont posée quand ils ont vu le documentaire et qui est celle de savoir si le Hezbollah et son secrétaire général adjoint étaient au courant du contexte exact du film, Jérôme Fritel précise: «Comme toujours, lorsqu’on travaille une enquête, on cloisonne. Au Liban, avec toutes les personnes rencontrées, nous n’avons pas parlé du travail que nous étions en train d’effectuer parallèlement. Cela s’est appliqué également aux agents de la DEA. C’est le principe élémentaire d’une enquête.» «Nous avons dit aux personnes que nous avons rencontrées au Liban que nous étions en train d’effectuer une enquête sur l’histoire du Hezbollah. Cela dit, dans notre interview de Naïm Kassem, nous avons posé un tas de questions et qui sont toutes soulevées dans le documentaire, notamment en ce qui concerne les accusations américaines de blanchiment d’argent et de trafic de drogue, et cela pour lui permettre de répondre et pour que chaque personne qui regarde le documentaire puisse se faire une opinion. Nous avons donné la parole à tout le monde et chacun a exprimé son point de vue», ajoute-t-il. 

Hezbollah, l’enquête interdite, qui commence par les images de l’explosion du port de Beyrouth, ne présente pas de réponse à cet événement et ne fait que survoler le sujet. Jérôme Fritel note à cet égard qu’il est conscient que «les Libanais s’attendaient à un documentaire exclusif sur l’enquête du port, mais cela n’a jamais été notre ambition. On ne peut pas tout mélanger, il fallait faire des choix, et le choix du départ était celui de l’opération Cassandre. L’explosion du port mérite un travail entier à lui seul.»​​​​​​​


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com