PARIS: La France va relocaliser la production de poudre propulsive pour les obus d'artillerie, conséquence des besoins accrus générés par le conflit en Ukraine et de la nécessité de reconstituer une filière souveraine sur le sujet.
"Nous avons décidé de relocaliser une capacité de production de poudre de gros calibre à Bergerac (sud-ouest) sur un horizon assez court (...) avec un objectif de 1 200 tonnes de poudre par an", a déclaré le ministre des Armées Sébastien Lecornu lors d'une conférence de presse.
De nombreux pays fournissent des obus de 155 mm à l'Ukraine, vidant leurs stocks déjà souvent étiques.
En France, le président Emmanuel Macron a appelé à entrer en "économie de guerre", poussant les industriels à produire davantage et plus vite, notamment les très demandés canons Caesar.
"Il n'y a pas de scénario dans lequel on ne doit pas accélérer et sécuriser la production de munitions. C'est vrai parce que l'Ukraine va connaître des besoins importants dans les semaines et mois à venir ou pour recompléter les stocks des armées", a estimé M. Lecornu.
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg s'est lui-même inquiété la semaine dernière que l'Ukraine consomme des munitions à un rythme supérieur à la capacité de production des pays de l'alliance.
L'entreprise publique française Eurenco va investir 60 millions d'euros sur son site de Bergerac.
L'industriel produit aujourd'hui cette poudre en Suède, et en achète auprès de fournisseurs italiens, allemands et suisses.
Si l'entreprise y réfléchissait depuis la pandémie, "l'élément déclencheur de l'investissement a été la consommation des stocks, pas seulement en France mais partout en Europe", selon le PDG d'Eurenco, Thierry Francou.
La nouvelle usine devrait ouvrir au premier semestre 2025. Les 1 200 tonnes de poudre propulsive permettront à Eurenco de fabriquer 500 000 charges modulaires, soit 95 000 "coups complets", a-t-il détaillé.
Un "coup complet" est constitué d'un obus, fabriqué en France par Nexter, et de charges modulaires propulsives produites par Eurenco. En fonction de la distance à atteindre – 40 kilomètres pour un canon Caesar –, il faut jusqu'à six charges modulaires par obus tiré.
Le ministère des Armées de son côté va "enclencher des perspectives d'achat sur une base moyenne de 15 000 coups complets par an pour l'armée de Terre française" dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire (2024-2030), selon M. Lecornu.
En 2023, la France doit recevoir 10 000 obus de 155 mm, un volume à des années-lumière des consommations observées en Ukraine: les Russes tiraient jusqu'à 50 000 obus par jour en juillet, les Ukrainiens jusqu'à 6 000, selon une source militaire française.