AL-MOUKALLA: Le gouvernement internationalement reconnu du Yémen a interrompu toutes les exportations de poisson frais en réponse à la pénurie de cette denrée sur le marché local et à la flambée des prix.
Le commandant Salem Abdallah al-Soqotri, ministre de l’Agriculture, de l’Irrigation et de la Pêche, a publié une circulaire qui interdit pour une durée indéfinie toutes les exportations de poisson par voies terrestres, maritimes et aériennes du pays. Il a en outre ordonné le lancement d’un centre d’opérations au siège du ministère, à Aden, pour surveiller l’application de la décision et fournir des mises à jour quotidiennes au public sur les prix du poisson, en plus de contrôler les pêches quotidiennes et l’approvisionnement en poisson du marché local.
Les Yéménites qui avaient auparavant acheté du poisson frais pour l’exportation ont eu une semaine pour expédier leurs produits pour ne pas subir les répercussions de cette mesure. Le public yéménite a vivement protesté lorsque les prix du poisson ont atteint un niveau record, faisant de cet aliment une chimère pour de nombreuses personnes dans un pays où le riyal a perdu plus de 100% de sa valeur.
Le prix d’un kilogramme du thon connu localement sous le nom de «thamad», le type de poisson le plus célèbre au Yémen, a atteint un niveau record de 12 000 riyals, soit près de 48 dollars (1 dollar = 0,94 euro) dans les villes portuaires d’Aden et d’Al-Moukalla. Il est tombé ensuite à 7 000 riyals, contre près de 3 500 riyals il y a quelques mois. Cela a provoqué l’indignation du public et de nombreuses critiques à l’encontre du gouvernement yéménite en raison de son incapacité à contrôler les prix.
M. Al-Soqotri a déclaré lundi à la télévision AIC, basée à Aden, que l’interdiction visait à créer un équilibre entre l’approvisionnement en poisson du marché local et les exportations, principalement parce que le marché local connaît une pénurie d’approvisionnement et une hausse des prix.
Il a indiqué que les autorités locales des provinces seraient chargées de mettre en œuvre l’interdiction et d’alerter son ministère en cas d’excès de poisson sur le marché.
«Tous les acteurs de ce secteur seront impliqués dans la mise en œuvre et l’évaluation», a affirmé le ministre, qui a ajouté que la décision visait également à fournir du poisson aux conserveries yéménites.
Les critiques ont mis en doute la capacité du gouvernement à faire respecter l’interdiction, rappelant que de telles décisions avaient systématiquement été ignorées par le passé.
Le Yémen vend chaque année des milliers de tonnes de poisson aux pays voisins comme l’Arabie saoudite, mais également à l’Union européenne.
L’interdiction gouvernementale n’a pas atteint les résultats escomptés, puisque les prix du poisson sont restés pratiquement constants dans tout le pays.
Les vendeurs de poisson de la ville portuaire méridionale d’Al-Moukalla ont déclaré à Arab News que les prix restaient élevés, évoquant un manque d’approvisionnement sur le marché.
«S’il vous plaît, n’accusez pas les vendeurs de la flambée des prix. Le poisson sur le marché est rare», a expliqué Abdelkader al-Jefri, un vendeur de poisson. Il a ajouté que les pêcheurs yéménites avaient cessé de naviguer au large pour apporter des fruits de mer en raison des dépenses élevées en carburant.
«Les pêcheurs dépensent souvent 300 000 riyals à chaque sortie en mer et ils reviennent parfois les mains vides ou avec une petite prise.»
Aux côtés de M. Al-Jefri, un autre vendeur de poisson, a dénoncé l’augmentation rapide des coûts de tous les produits de base au Yémen, et pas seulement du poisson, ce qui a obligé les commerçants à vendre du poisson à des prix élevés.
«Pourquoi évoquez-vous uniquement le coût du poisson? Un poisson peut coûter plus de 1 200 riyals», a-t-il affirmé.
Les Yéménites des villes côtières comme M. Al-Jefri attribuent également la hausse des prix du poisson à la surpêche incontrôlée pratiquée par les navires de pêche commerciale au large des côtes du Yémen ainsi qu’aux exportations de poisson.
Certains Yéménites affirment que le poisson a disparu de leur assiette en raison de son prix élevé, tandis que d’autres se sont tournés vers des espèces moins coûteuses et plus petites ou n’achètent que quelques morceaux de poisson qu’ils cuisent avec des légumes.
«J’ai une grande famille et j’ai presque arrêté d’acheter du thon. Nous sommes passés de la cuisson du poisson à la cuisson des légumes», a ainsi confié Oumm Abdallah, une vendeuse de radis sur le marché des poissons et légumes d’Al-Moukalla, à Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com