LEEDS, Royaume-Uni: Trois jours après les deux tremblements de terre massifs qui ont frappé le nord-ouest de la Syrie et le sud-est de la Turquie aux premières heures du 6 février, le Trésor américain a annoncé une exemption de sanctions de 180 jours pour «toutes les transactions liées aux efforts d'aide aux victimes du tremblement de terre» envoyées à la Syrie par des donateurs étrangers.
Cette décision relance le débat sur la levée par les États-Unis des sanctions imposées au régime du président Bachar el-Assad en réponse aux allégations selon lesquelles il aurait commis d'horribles crimes de guerre, afin de permettre au pays de commencer à se remettre de plus d'une décennie de destruction et de déplacements.
Le conseiller économique syrien Houmam al-Jazaeri a décrit la décision du Trésor comme un «signal audacieux adressé à la communauté internationale — pays et organisations — pour qu'elle apporte une aide et une assistance tangibles» à la suite des tremblements de terre.
«Cela est évident dans le nombre croissant de pays qui se manifestent, qui ont probablement eu des difficultés à le faire autrement», a révélé Al-Jazaeri à Arab News.
Les sanctions américaines ont été imposées à la Syrie pour la première fois en 1979, lorsque Washington l'a désignée comme un «État soutenant le terrorisme».
Les restrictions ont été renforcées pendant la guerre d'Irak en 2004 et plusieurs autres fois depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011. La loi César, introduite en 2019 pour pénaliser les soutiens financiers et politiques d'Assad à l'étranger, a entraîné les contraintes les plus sévères.
Après 12 ans de guerre civile, plus de 15 millions de personnes en Syrie avaient déjà besoin d'une aide humanitaire avant que les tremblements de terre ne surviennent.
Au 17 février, la mort d'au moins 5 800 personnes a été confirmée en Syrie à la suite de la catastrophe et des dizaines de milliers ont été blessées. L'ONU estime qu'environ 5,3 millions de Syriens se sont retrouvés sans abri.
Les pays arabes ont été parmi les premiers à envoyer des convois d'aide en Syrie et en Turquie dans les jours qui ont suivi la catastrophe, certains d'entre eux l'ayant fait avant même la levée des sanctions. L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Bahreïn, Oman, l'Irak, l'Autorité palestinienne, la Libye, la Mauritanie et l'Algérie ont rapidement apporté une aide financière et des secours humanitaires essentiels.
Après que Washington a annoncé son exemption de sanctions, l'Italie a été le premier pays de l'UE à envoyer de l'aide à la Syrie. Massimiliano D'Antuono, l'envoyé de Rome à Damas, a déclaré que la cargaison de 30 tonnes, arrivée à Beyrouth le 11 février, comprenait des ambulances et d'autres équipements médicaux destinés aux zones tenues par le régime, a rapporté Reuters.
Néanmoins, de nombreux Syriens se sont rendus sur les médias sociaux pour se plaindre du fait qu'ils se sentent abandonnés par la communauté internationale et pour condamner les sanctions. Plusieurs ont partagé des captures d'écran de l'application de suivi des vols FlightRadar24, montrant des vols de secours affluant en Turquie mais pas en Syrie.
«Ce dont nous avons besoin de toute urgence, c'est d'un accès humanitaire total afin de pouvoir répondre aussi efficacement que possible aux efforts de secours en cas de tremblement de terre», a déclaré à Arab News Nicola Banks, responsable du plaidoyer de l'organisation caritative Action for Humanity, basée au Royaume-Uni.
«Cela doit être fait en étroite coopération et coordination avec la société civile et les ONG (organisations non gouvernementales) sur le terrain dans le nord-ouest de la Syrie. Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait de toute urgence élargir l'autorisation pour l'ONU de traverser le nord-ouest de la Syrie par des passages frontaliers supplémentaires.»

Privés du niveau d'aide internationale fourni à la Turquie, les Syriens et les équipes de secours locales ont été contraints de creuser dans les montagnes de décombres à la recherche de survivants, en utilisant uniquement des machines de base et, souvent, à mains nues.
Les habitants des zones contrôlées par le régime ne sont pas les seuls à se sentir exclus. La Défense civile syrienne, mieux connue sous le nom de Casques blancs, qui a dirigé la réponse d'urgence dans les zones tenues par l'opposition, a accusé l'ONU, dans les jours qui ont suivi les tremblements de terre, de ne pas avoir fourni une aide appropriée.
«L'ONU a commis un crime contre le peuple syrien dans le nord-ouest», a déclaré Raed Saleh, chef des Casques blancs, à l'agence de presse Agence France-Presse (AFP).
Les dégâts causés aux routes et les rigueurs de l'hiver ont entravé les efforts de sauvetage. Le premier convoi d'aide des Nations unies à atteindre le nord-ouest de la Syrie est arrivé le 9 février, trois jours après la catastrophe, et a été accueilli avec déception. Les Casques blancs ont exprimé leur sentiment de frustration et de désespoir dans un fil Twitter, soulignant que l'aide était simplement «l'aide régulière et périodique qui a lieu depuis avant le tremblement de terre».
L'organisation a ajouté: «Il ne s'agit pas d'une aide et d’équipements spéciaux pour les équipes de recherche et de sauvetage et la récupération des personnes piégées sous les décombres.»
Interrogé sur le fait de savoir si les sanctions internationales imposées au régime syrien avaient entravé la réponse humanitaire aux tremblements de terre, Banks a répondu: «Lorsqu'il s'agit de secours en cas de tremblement de terre, les choses sont un peu plus compliquées.»

Idlib, une zone fortement touchée par le tremblement de terre, est sous le contrôle du gouvernement du salut syrien — un gouvernement alternatif de facto de l'opposition syrienne dans le gouvernorat d'Idlib, formé début novembre 2017.
Banks a affirmé: «Les habitants d'Idlib comptent depuis lors sur l'aide humanitaire, notamment celle d'Action for Humanity. Le gouvernement syrien n'a jamais envoyé d'aide humanitaire dans ces régions et continue de bombarder la zone.»
Khaled Hboubati, chef du Croissant-Rouge arabe syrien, basé à Damas, a récemment souligné que son organisation était prête à acheminer de l'aide dans les zones contrôlées par l'opposition et a exhorté les États-Unis et l'Europe à lever les sanctions imposées au régime syrien afin de faciliter les opérations de secours.
EN BREF
* La Syrie fait l'objet de sanctions américaines depuis 1979, date à laquelle Washington l'a désignée comme un État soutenant le terrorisme.
* La Maison Blanche a renforcé les restrictions pendant la guerre d'Irak en 2004, puis à plusieurs reprises après le début de la guerre civile syrienne en 2011.
* En 2019, le Congrès a approuvé la loi César, pénalisant les soutiens financiers et politiques du président Bachar el-Assad à l'étranger.
Auparavant, Bassam Sabbagh, l'ambassadeur syrien auprès des Nations unies, avait déclaré que l'acheminement de toute l'aide en Syrie, notamment dans les zones échappant au contrôle du gouvernement, devait passer par Damas.
Dans un récent message posté sur Twitter, Charles Lister, directeur du programme de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme à l'Institut du Moyen-Orient, a accusé le régime Assad de profiter de la tragédie pour faire pression en faveur de la levée des sanctions.
«Les sanctions n'ont aucun effet sur l'acheminement de l'aide humanitaire dans les zones de la Syrie contrôlées par le régime d'Assad», a-t-il expliqué.

David Romano, professeur de politique du Moyen-Orient à l'université d'État du Missouri, est d'accord pour dire que «l'allègement des sanctions à l'encontre de la Syrie afin de fournir une aide humanitaire urgente n'est pas vraiment nécessaire».
Il a déclaré à Arab News: «Les règles de sanction actuelles prévoient des exceptions pour l'aide humanitaire et ne constituent pas un obstacle à cette aide d'urgence.» Cependant, «le processus de reconstruction très difficile à long terme en Syrie bénéficierait grandement d'un allègement des sanctions.»
D'autres analystes, en revanche, estiment que l'allègement des sanctions ferait toute la différence dans la réponse immédiate au tremblement de terre en Syrie.
Mohammed al-Asadi, économiste chargé de recherche pour le Centre syrien de recherche sur les politiques, basé en Allemagne, a déclaré à Arab News: «L'allègement des sanctions faciliterait absolument la réponse humanitaire au tremblement de terre, depuis les petits dons financiers pour les personnes touchées jusqu'aux grands contrats d'approvisionnement des organisations humanitaires locales.»
«L'exploitation politique de l'aide pourrait être inévitable. Cependant, la réponse humanitaire devrait être prioritaire à ce stade.»
Jusqu'au 13 février, Bab al-Hawa était le seul point de passage à la frontière entre la Turquie et la Syrie qui restait ouvert pour l'acheminement de l'aide des Nations unies vers les zones tenues par les rebelles dans le nord-ouest de la Syrie, où environ 4 millions de personnes dépendent de l'aide extérieure depuis près de dix ans. Au début de la guerre, d'autres points de passage étaient disponibles, mais ils ont été fermés à cause des discussions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies pour savoir si l'aide devait être acheminée directement vers les zones tenues par l'opposition ou par l'intermédiaire du régime de Damas.
Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a salué la décision du régime Assad de rouvrir les postes-frontières de Bab al-Salam et Bab al-Raee afin de faciliter l'acheminement d'une aide supplémentaire à la région via la Turquie.
Cette année, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité pour renouveler le mandat de l'aide transfrontalière à la Syrie pour six mois supplémentaires, gardant ainsi la seule ligne de vie vers le nord du pays. Plus de 80% de l'aide destinée à cette région a été acheminée par Bab al-Hawa.
Nicola Banks a indiqué que «jusqu'à ce que l'aide puisse accéder de manière fiable aux zones touchées pour soutenir les efforts du tremblement de terre, les organisations locales sont les seuls acteurs à répondre.»

Banks a exhorté la communauté internationale à «veiller à ce que les ressources et les financements parviennent aux acteurs locaux sous une forme suffisamment souple.»
Pour l'instant, cependant, la petite fenêtre d'allègement des sanctions offerte par le Trésor américain offre au régime syrien un certain répit dans son isolement paralysant.
Longtemps dépendant de la Russie et de l'Iran pour consolider son économie, son armée et sa position diplomatique, Damas n'a que récemment commencé à faire des progrès vers le rétablissement officiel de ses relations avec la Turquie et la région arabe au sens large.
Selon Al-Jazaeri, les souffrances de la population ne peuvent être soulagées que par «une levée plus large et plus prononcée des sanctions» liée à une solution globale du conflit et à l'isolement mondial de la Syrie.
«Cela pourrait probablement être fondé sur un dialogue renouvelé de toutes les parties afin de faire une percée dans l'ensemble du ‘problème’ de la Syrie», a-t-il ajouté.
Il a soutenu: «Sinon, en l'absence d'une telle démarche, une détérioration plus drastique des moyens de subsistance de l'ensemble de la population et des régions en Syrie serait inévitable.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com