TUNIS: La Tunisie n’est peut-être pas le plus mauvais élève en matière de lutte contre la corruption, mais elle fait désormais partie des moins bons. C’est l’Index de perception de la corruption de Transparency international qui le dit. D’après l’édition 2022 de ce baromètre, dévoilée mardi 31 janvier 2023 par I Watch, le représentant dans le pays de cette organisation non gouvernementale (ONG) internationale, la Tunisie se classe à la 85eplace –sur cent quatre-vingts pays – de ce baromètre. Soit son plus mauvais classement depuis 2011.
Ce n’est pas la première fois que la Tunisie connaît une telle dégringolade. «Mais elle n’a jamais reculé de quatorze places comme cette année, par rapport à 2021», souligne Talel Ferchichi, membre de l’organisation.
De 2011 à 2014, elle a chuté de la 73e à la 79e place, à raison de deux places perdues par an. Elle en a regagné trois de 2015 à 2018, avant de reculer légèrement de la 73e à la 74e place en 2019. Mais en 2020, la Tunisie accède à la 69e place, son meilleur classement depuis la chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011.
La Tunisie d’après le 25 juillet 2021
On aurait pu penser que la Tunisie d’après le 25 juillet 2021 – date à laquelle le chef de l’État tunisien a pris le contrôle total du pays, après avoir écarté le mouvement islamiste Ennahdha et ses alliés du pouvoir –, serait mieux lotie au classement de Transparency international que celle d’avant. Pour au moins deux raisons.
D’abord, parce que le thème de la lutte contre la corruption est très présent dans le discours du président, Kaïs Saïed. Ensuite, parce que le locataire du palais de Carthage est même passé à l’action au moins à deux reprises pour s’attaquer à des phénomènes assimilables à des malversations.
À la mauvaise perception de l’action des autorités dans la lutte contre la corruption par l’opinion publique fait écho l’avis tout aussi défavorable des experts.
Sa première initiative est un décret pris en mars 2022 pour lutter contre la spéculation, en réaction aux pénuries à répétition que le pays a connues au cours de l’année écoulée. La deuxième consiste en la création, huit mois plus tard, en novembre, de la Commission de conciliation pénale. Rien n’y a fait.À la mauvaise perception de l’action des autorités dans la lutte contre la corruption par l’opinion publique fait écho l’avis tout aussi défavorable des experts. I Watch avait annoncé la couleur avant même le début de la conférence de presse du 31 janvier en déployant dans la salle de l’hôtel du centre de Tunis où elle se tenait une banderole sans appel: «Saïed a combattu tout le monde sauf la corruption.»
Integrity Mall
Mais quatre jours plus tard, c’est de manière légèrement plus nuancée et moins personnalisée que I Watch pose le problème lors de l’événement inaugural d’Integrity Mall, une conférence de deux jours (4-5 février 2023) clôturant le mois de la lutte contre la corruption: «La Tunisie a-t-elle renoncé à lutter» contre ce fléau?
À cette question, Adnane Lassoued (président de l'Instance nationale d'accès à l'information), Youssef Meddeb (Afrobarometer), Mohamed Ayadi (Instance nationale de lutte contre la corruption), Mounir ben Amis A (Ordre des avocats tunisiens) et Aya Riahi (I Watch) ont tous répondu oui. Pour plusieurs raisons, dont la fermeture de l’Inlucc et «la non-protection des donneurs d’alerte», selon les propos de l’animateur de l’événement, Wael Toukabri.