Séisme en Turquie et Syrie : «L'aide humanitaire relève de l'art du possible»

Le Dr Hossam al-Charkaoui interviewé par Arab News (Capture d'écran, AN).
Le Dr Hossam al-Charkaoui interviewé par Arab News (Capture d'écran, AN).
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Publié le Dimanche 19 février 2023

Séisme en Turquie et Syrie : «L'aide humanitaire relève de l'art du possible»

  • Le Dr Hossam al-Charkaoui, directeur de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a été interviewé par Arab News
  • Al-Charkaoui insiste sur «l'impératif humanitaire» et pense que les retards dans la distribution de l'aide en Syrie sont notamment dus à l'impact de la guerre civile

DUBAÏ: Aux premières heures du 6 février, un séisme de magnitude 7,8 a frappé le sud-est de la Turquie et le nord-ouest de la Syrie, faisant plus de 25 000 morts et au moins 80 000 blessés.

Par conséquent, l'aide humanitaire afflue dans la région depuis quelques jours. Cependant, on constate que le soutien fourni n'est pas le même dans les deux pays.

Cela est dû en partie aux défis logistiques que présente une région marquée par les tensions politiques et les mauvaises infrastructures. Mais la politique représente également un facteur important.

Le Dr Houssam al-Charkaoui, directeur régional de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC), estime que de telles tensions doivent être exclues des interventions humanitaires. 

« Notre priorité est de sauver des vies et de réduire les souffrances dans la mesure du possible avec les ressources dont nous disposons – et qui sont souvent limitées – pour effectuer ce genre de travail », a indiqué al-Charkaoui à Katie Jensen, présentatrice de Frankly Speaking, l'émission hebdomadaire d'Arab News qui donne lieu à des échanges avec des décideurs politiques et des chefs d'entreprise de premier plan.

Alors que les secours ont été déployés relativement vite dans le sud-est de la Turquie frappé par le tremblement de terre, plusieurs facteurs ont contribué à des retards en Syrie, compliquant ainsi les efforts de sauvetage et les opérations d'aide humanitaire dans le nord-ouest du pays.

La Syrie est actuellement divisée en trois régions gouvernées par différentes factions, dont l'opposition et d'autres groupes militants dans le nord-ouest du pays, une administration autonome dirigée par les Kurdes dans le nord-est, et le gouvernement syrien dans le centre et le sud.

La présentatrice de Frankly Speaking, Kate Jensen (Capture d'écran, AN).

Le seul passage frontalier permettant l'acheminement de l'aide des Nations unies de la Turquie vers la Syrie, Bab al-Hawa, a été fermé en raison des dégâts causés par le séisme, ce qui a retardé de trois jours les livraisons dans le nord-ouest de la Syrie.

Lorsqu'on lui a demandé si le régime de Bachar al-Assad ou les organisations d'aide internationale étaient en partie responsables des souffrances accrues du peuple syrien, al-Charkaoui a répondu : « En tant qu'humanitaires, nous n'accusons personne. »

« Nous gérons les conséquences des échecs diplomatique et politique, ainsi que les conséquences humanitaires, en nous efforçant d'aider les personnes et les familles ordinaires qui sont affectées par la crise depuis 12 ans, et qui le sont aujourd'hui encore plus en raison des deux tremblements de terre massifs. »

Au lendemain de la catastrophe, Bassam Sabbagh, ambassadeur syrien aux Nations unies, a déclaré que le gouvernement syrien devait se charger de toutes les livraisons d'aide humanitaire, y compris celles destinées aux zones qui ne sont pas sous le contrôle de Damas.

Certains observateurs considèrent que l'appel lancé par le régime d'Assad en faveur de la levée des sanctions est une manœuvre politique opportuniste.

Selon al-Charkaoui, le personnel humanitaire fait son travail sans se préoccuper de la politique. « J'ai rencontré de nombreux professionnels syriens, des médecins, des infirmières et d'autres intervenants d'urgence qui travaillent auprès des autorités publiques et qui ne sont pas politisés. »

« Ils sont bienveillants, ils se soucient de leur peuple et veulent l'aider davantage. La Syrie n'est pas un État défaillant. Les autorités publiques continuent de subvenir aux besoins de leur population, et nous devons respecter cela. »

Des Casques blancs bénévoles sauvent un enfant des décombres, le 8 février à Jandaris en Syrie (Photo, Casques blancs/Reuters).

« Je constate depuis des années que l'aide est acheminée par d'autres canaux, via l'Irak et la Turquie. Nous travaillons donc dans ce sens. Nous ne faisons pas de commentaires à ce sujet », a poursuivi al-Charkaoui. 

« Nous faisons tout simplement ce qui est possible. Dans de telles conditions, l'aide humanitaire relève en partie de l'art du possible, mais nous commençons aussi à recevoir de bonnes nouvelles. »

Al-Charkaoui faisait effectivement référence à la décision de Washington de lever l'interdiction des transferts financiers vers la Syrie. « Cette décision est importante. Nous voyons déjà comment cette crise a eu un impact positif sur une politique qui dure depuis 12 ans et a permis de sauver des vies », a-t-il ajouté. 

« Nous espérons que d'autres sanctions seront également levées, comme par exemple l'achat de certains biens et marchandises par d'autres nations. Cela nous donne de l'espoir et nous permet de continuer à intensifier l'opération. »

Outre les problèmes d'accessibilité, al-Charkaoui a expliqué que la raison principale de l'écart observé dans la distribution de l'aide entre la Turquie et la Syrie serait l'impact que la guerre civile qui ravage la Syrie a sur les infrastructures publiques. 

« Les systèmes, les mécanismes de réponse en Syrie et les infrastructures se sont largement détériorés et ont été détruits à cause de la guerre qui dure depuis 12 ans. C'est pourquoi nous sommes face à deux situations de réponse [humanitaire] très différentes », a-t-il clarifié.

Selon l'ONU, au début de 2023, plus de 15 millions de Syriens avaient besoin d'une aide humanitaire.

Un rapport récent du Middle-East Institute, basé à Washington, a révélé que 65% des infrastructures du nord-ouest de la Syrie avaient déjà été endommagées ou détruites avant le séisme, et que la région abrite près de 3 millions de personnes déplacées dans leur propre pays.

Le président syrien Bachar al-Assad ainsi que le président turc Recep Tayyip Erdogan ont tous deux été critiqués pour leur gestion de la catastrophe dans leurs pays respectifs. Certains ont même accusé le gouvernement turc de ne pas avoir été suffisamment préparé.

Un équipe de secours indonésienne charge des paquets de produits de première nécessité destinés aux victimes du séisme, le 12 février à Jakarta (Photo, AFP).

Al-Charkaoui trouve cette évaluation injuste. « Il est très difficile d'être parfaitement préparé pour de tels événements massifs », a-t-il souligné. « Et n'oubliez pas que nous avons eu deux tremblements de terre meurtriers, de magnitude supérieure à 7, à quelques heures d'intervalle. »

Il a ensuite évoqué son expérience en matière de coordination de l'aide humanitaire à la suite du tremblement de terre et du tsunami de 2011 au Japon, qui ont fait près de 20 000 morts. 

« Même le Japon, l'un des pays les plus développés et les plus industrialisés du monde à l'époque, a eu du mal à faire face au tremblement de terre de 2011. Je comprends que la population veuille recevoir des secours immédiats, mais d'après ce que nous observons, le Croissant-Rouge turc, l'Autorité turque d'intervention d'urgence et le gouvernement font de leur mieux avec les ressources dont ils disposent », a assuré al-Charkaoui.

La gestion de la catastrophe par la Turquie a néanmoins fait apparaître des disparités ethniques et régionales. En effet, de nombreux habitants appartenant à la minorité kurde qui vit dans le sud du pays reprochent aux autorités d'être responsables du grand nombre de logements mal construits, malgré la mise en place de nouvelles normes de construction ces dernières années. 

« Les crises peuvent aggraver les tensions, mais elles peuvent aussi les réduire, si l'aide est distribuée équitablement et si nous faisons en sorte que les gens se concentrent uniquement sur la mission humanitaire : celle de sauver des vies», a dit al-Charkaoui. 

«Les gens se souviendront que vous avez sauvé leurs fils et leurs filles, ils s'en souviendront pendant très longtemps. Cela facilite parfois les relations. »

« Je ne parlerai pas de politique, mais je dirai qu'il est possible d'être plus préparés et de mieux reconstruire. Nous pouvons construire des structures antisismiques, des maisons, des hôpitaux et des écoles. Avoir des normes est une chose. Les faire respecter en est une autre. Cela constitue un défi pour de nombreux gouvernements dans le monde. »

Des secouristes envoyés par l'Arabie saoudite participent aux opérations d'aide aux victimes (Photo, SPA).

Al-Charkaoui a mentionné que l'IFRC travaillerait à l'avenir avec les autorités locales pour s'assurer que les mécanismes d'exécution sont en place pour la construction de bâtiments qui résistent aux tremblements de terre. 

« Ces constructions protégeront les gens à long terme », a-t-il déclaré. « Si un séisme de magnitude 7,5 ou 7,8 était survenu au Japon, il n'aurait pas secoué les habitants parce qu’ils ont construit des structures qui résistent à des séismes de magnitude 8 ou 9. Le projet est donc réalisable et la technologie est accessible. Nous devrons travailler à plus long terme pour rendre cela possible. »

À court terme, alors que l'IFRC et d'autres agences déploient des équipes et du matériel dans la région, la coordination entre les fournisseurs d'aide humanitaire s'avérera essentielle pour éviter la surabondance de certaines ressources et la pénurie d'autres, a expliqué al-Charkaoui. 

« Nous essayons de travailler en coordination. Nous nous assurons, par exemple, que tout le monde ne donne pas uniquement des couvertures et des matelas, alors que les personnes sinistrées peuvent aussi avoir besoin d'eau, de nourriture et de médicaments. Il est essentiel que nous répondions à tous les besoins prioritaires en même temps et que nous n'ayons pas de surplus ni de déficit. »

De nombreux pays, dont les Émirats arabes unis, l'Égypte, la Jordanie, l'Irak, la Chine et le Venezuela, ont fourni une aide immédiate comprenant de la nourriture, des couvertures, des tentes, des générateurs, du carburant et des équipements médicaux.

Al-Charkaoui a insisté sur l'importance de la contribution de l'Arabie saoudite aux efforts de sauvetage et à l'aide en cours. 

« L'aide saoudienne est vitale », a-t-il indiqué. « On nous a demandé de dresser une liste de priorités pour que l'aide soit personnalisée et que les avions soient convenablement chargés. Cette aide répond donc à des besoins réels et est extrêmement appréciée. Elle permet de sauver des vies. »

La campagne de collecte de fonds « Sahem », lancée par le Centre d'aide humanitaire et de secours du roi Salmane d'Arabie saoudite (KSrelief), deux jours après le séisme, a permis de récolter plus de 53 millions de dollars pour les victimes et les survivants de la catastrophe en 48 heures.

Le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane ont également chargé KSrelief de mettre en place un « pont aérien » pour acheminer immédiatement l'aide aux régions touchées par le tremblement de terre. 

« Cela se passe en ce moment même et nous continuerons à affiner le contenu de ces ponts aériens », a affirmé al-Charkaoui, tout en ajoutant que le mauvais temps et l'épidémie de choléra en Syrie exigent une aide personnalisée.

Bien que les conflits soient innombrables, plusieurs pays ont mis la politique de côté pour participer aux efforts d'aide. 

« C'est ce que nous appelons chacun à faire : se concentrer sur l'impératif humanitaire et mettre de côté la politique pour quelques semaines, voire quelques mois », a dit al-Charkaoui, tout en précisant que la distribution de l'aide pourrait nécessiter un engagement encore plus long.

L'IFRC a sollicité une aide de 200 millions de dollars pour la Syrie et la Turquie. 

« Il s'agit d'un programme d'aide massif qui ne couvrira pas seulement quelques jours et quelques semaines. Nous envisageons un programme de deux à trois ans, au vu de ces tremblements de terre et catastrophes de grande ampleur. » 

« Nous espérons que les pays internationaux et régionaux seront généreux dans leurs dons et contributions. »

Al-Charkaoui a enfin annoncé que l'IFRC était en contact avec des pays qui souhaitent aider la Syrie malgré les sanctions imposées. « C'est de la diplomatie discrète, et c'est la lueur d'espoir dont je parle», a-t-il conclu.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
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  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les Émirats arabes unis saluent les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la stabilité au Yémen

Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
Les Émirats arabes unis ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen. (WAM)
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  • Les Émirats arabes unis ont salué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite

DUBAÏ : Les Émirats arabes unis ont salué vendredi les efforts de l’Arabie saoudite pour soutenir la sécurité et la stabilité au Yémen, a rapporté l’agence de presse officielle WAM.

Dans un communiqué, les Émirats ont loué le rôle constructif du Royaume dans la promotion des intérêts du peuple yéménite et dans le soutien de leurs aspirations légitimes à la stabilité et à la prospérité.

Les Émirats ont également réaffirmé leur engagement à soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la stabilité et le développement au Yémen, en soulignant leur appui aux efforts contribuant à la sécurité et à la prospérité régionales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Liban adopte le projet de loi sur le gap financier malgré l’opposition du Hezbollah et des Forces libanaises

Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam s'exprimant lors d'une conférence de presse après une réunion du Conseil des ministres à Beyrouth, le 26 décembre 2025. (AFP)
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  • Le texte vise à trancher le sort de milliards de dollars de dépôts bloqués et devenus inaccessibles pour les citoyens libanais depuis l’effondrement financier du pays

BEYROUTH : Le Conseil des ministres libanais a approuvé vendredi un projet de loi controversé visant à encadrer la relance financière et à restituer les dépôts bancaires gelés aux citoyens. Cette décision est perçue comme une étape clé dans les réformes économiques longtemps retardées et exigées par le Fonds monétaire international (FMI).

Le texte a été adopté par 13 voix pour et neuf contre, à l’issue de discussions marathon autour du projet de loi dit du « gap financier » ou de récupération des dépôts, bloqué depuis des années après l’éclatement de la crise bancaire en 2019. Les ministres de la Culture et des Affaires étrangères étaient absents de la séance.

La législation vise à déterminer le sort de milliards de dollars de dépôts devenus inaccessibles pour les Libanais durant l’effondrement financier du pays.

Le projet a été rejeté par trois ministres des Forces libanaises, trois ministres du Hezbollah et du mouvement Amal, ainsi que par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Nora Bayrakdarian, le ministre des Télécommunications, Charles Al-Hajj, et le ministre de la Justice, Adel Nassar.

Le ministre des Finances, Yassin Jaber, a rompu avec ses alliés du Hezbollah et d’Amal en votant en faveur du texte. Il a justifié sa position par « l’intérêt financier suprême du Liban et ses engagements envers le FMI et la communauté internationale ».

Le projet de loi a suscité une vive colère parmi les déposants, qui rejettent toute tentative de leur faire porter la responsabilité de l’effondrement financier. Il a également provoqué de fortes critiques de l’Association des banques et de plusieurs blocs parlementaires, alimentant les craintes d’une bataille politique intense au Parlement, à l’approche des élections prévues dans six mois.

Le Premier ministre Nawaf Salam a confirmé que le Conseil des ministres avait approuvé le texte et l’avait transmis au Parlement pour débat et amendements avant son adoption définitive. Cherchant à apaiser les inquiétudes de l’opinion publique, il a souligné que la loi prévoit des audits judiciaires et des mécanismes de reddition des comptes.

« Les déposants dont les comptes sont inférieurs à 100 000 dollars seront intégralement remboursés, avec intérêts et sans aucune décote », a déclaré Salam. « Les grands déposants percevront également leurs premiers 100 000 dollars en totalité, le reste étant converti en obligations négociables garanties par les actifs de la Banque centrale, estimés à environ 50 milliards de dollars. »

Il a ajouté que les détenteurs d’obligations recevront un premier versement de 2 % après l’achèvement de la première tranche de remboursements.

La loi comprend également une clause de responsabilité pénale. « Toute personne ayant transféré illégalement des fonds à l’étranger ou bénéficié de profits injustifiés sera sanctionnée par une amende de 30 % », a indiqué Salam.

Il a insisté sur le fait que les réserves d’or du Liban resteront intactes. « Une disposition claire réaffirme la loi de 1986 interdisant la vente ou la mise en gage de l’or sans l’approbation du Parlement », a-t-il déclaré, balayant les spéculations sur une utilisation de ces réserves pour couvrir les pertes financières.

Reconnaissant que la loi n’est pas parfaite, Salam l’a néanmoins qualifiée de « pas équitable vers la restitution des droits ».

« La crédibilité du secteur bancaire a été gravement entamée. Cette loi vise à la restaurer en valorisant les actifs, en recapitalisant les banques et en mettant fin à la dépendance dangereuse du Liban à l’économie du cash », a-t-il expliqué. « Chaque jour de retard érode davantage les droits des citoyens. »

Si l’Association des banques n’a pas publié de réaction immédiate après le vote, elle avait auparavant affirmé, lors des discussions, que la loi détruirait les dépôts restants. Les représentants du secteur estiment que les banques auraient du mal à réunir plus de 20 milliards de dollars pour financer la première tranche de remboursements, accusant l’État de se dédouaner de ses responsabilités tout en accordant de facto une amnistie à des décennies de mauvaise gestion financière et de corruption.

Le sort du texte repose désormais sur le Parlement, où les rivalités politiques à l’approche des élections de 2025 pourraient compliquer ou retarder son adoption.

Le secteur bancaire libanais est au cœur de l’effondrement économique du pays, avec des contrôles informels des capitaux privant les déposants de leurs économies et une confiance en chute libre dans les institutions de l’État. Les donateurs internationaux, dont le FMI, conditionnent toute aide financière à des réformes profondes du secteur. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com