Illusion de la distance: L’attitude de l’Otan à l’égard de l’Iran

Le dirigeant de l'Otan, Jens Stoltenberg (Photo, AFP).
Le dirigeant de l'Otan, Jens Stoltenberg (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 09 février 2023

Illusion de la distance: L’attitude de l’Otan à l’égard de l’Iran

Illusion de la distance: L’attitude de l’Otan à l’égard de l’Iran
  • Selon Herzog, le président israélien, la crise dépasse les frontières de l’Ukraine et la menace iranienne atteint désormais le seuil de l’Europe
  • Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, a déclaré à CNN que l’Iran était une source d’inquiétude, car il est responsable d’activités déstabilisantes dans la région

«Illusion de distance»: ce sont les mots qui ont fait tiquer, selon les médias, le président israélien, Isaac Herzog, lors de sa visite au siège de l’Otan, à Bruxelles. Il a appelé à une action plus ferme contre l’Iran au moment où Téhéran fournit à la Russie des drones utilisés par Moscou dans la guerre en Ukraine. Il a expliqué que le fait de s’appuyer sur la notion de distance géographique entre l’Iran et les pays de l’alliance est une illusion dans la mesure où la capacité de missiles de l’Iran est en hausse, ce qui lui permet d’attaquer la sphère stratégique de l’alliance et n’importe lequel de ses pays européens.
Selon Herzog, la crise dépasse les frontières de l’Ukraine et la menace iranienne atteint désormais le seuil de l’Europe. «Comme l’Iran resserre son emprise sur le sol européen, l’illusion de la distance ne peut plus tenir. L’Otan doit adopter la position la plus ferme possible contre le régime iranien, notamment par des sanctions économiques, juridiques et politiques, et une dissuasion militaire crédible», a-t-il déclaré. Dans ce contexte, la question se pose de savoir quelle est l’étendue du rôle de l’Otan dans la lutte contre la menace iranienne.
À cet égard, il convient de noter que le dossier iranien ne semble pas être le centre d’intérêt de l’Otan, du moins pour le moment, car l’organisation est confrontée à un sérieux défi stratégique qui découle de ce que l’on pourrait appeler le «défi russe» – dans lequel elle s’est retrouvée après le déclenchement de la crise ukrainienne. Les frontières et l’efficacité de l’Otan sont soumises à un test de confiance jamais vu depuis la fin de la guerre froide et l’effondrement de l’ancienne Union soviétique. Des signes laissent penser que l’alliance n’est pas loin de voir l’Iran intervenir dans la guerre en Ukraine.
Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a déjà déclaré que les projets de l’Iran de fournir des armes et des drones à la Russie sont «inacceptables». De son côté, l’Iran blâme l’organisation depuis le début de la crise et estime que sa «provocation» contre la Russie a déclenché la crise en Ukraine. L’Otan a déjà commenté la menace relative à la possible utilisation par l’Iran du nucléaire et de ses missiles. L’alliance a exprimé à plusieurs reprises sa «préoccupation» quant au fait que l’Iran pourrait bientôt posséder des armes nucléaires et les utiliser avec son programme de missiles.
Stoltenberg a déclaré à CNN que l’Iran était une source d’inquiétude, car il est responsable d’activités déstabilisantes dans la région, et c’est son programme de missiles qui lui donne des raisons de s’inquiéter.
Cependant, ces réactions transatlantiques sont restées dans certaines limites, sans rétropédalage ni développement, au niveau verbal comme rhétorique. Pour analyser la position de l’alliance, il faut d’abord se concentrer sur sa charte et sur sa vision stratégique des sources de la menace.
Sur ce point, il convient de noter que la charte fondatrice de l’alliance stipule qu’elle n’interviendra dans les crises que si l’un de ses membres est menacé de manière imminente. Cela ne permet pas à l’Otan d’intervenir directement dans la crise ukrainienne, mais seulement de renforcer les défenses des États membres limitrophes de l’Ukraine et de se préparer à défendre ces pays en cas d’élargissement de la guerre et d’une attaque de la Russie contre eux.
Bien que l’Otan soit intervenue militairement en Libye en 2011, ce qui était un cas sans précédent d’intervention transatlantique en dehors de l’alliance, cette situation ne peut pas être reproduite ailleurs, surtout à ce stade.
L’alliance souffre d’un état de fragmentation, que ce soit en raison de la situation sécuritaire qui résulte de la guerre en Ukraine ou des désaccords entre certains membres de l’alliance. C’est ce que montrent les tensions entre la Turquie et la Grèce et les obstacles qui empêchent d’autres pays de rejoindre l’alliance – comme la Suède, en raison des objections de la Turquie. Il existe par ailleurs des questions qui détournent actuellement le dossier iranien des priorités de l’alliance et au sujet desquelles il est difficile de trouver une solution collective pour prendre une décision dissuasive, sans même parler d’une intervention militaire, contre l’Iran.
L’intervention de l’Otan dans un conflit nécessite une résolution de l’ONU, comme cela a été fait dans le cas de la Libye. De plus, l’organisation ne considérera pas la menace iranienne comme une priorité absolue pour le moment, même si elle est liée à la sécurité énergétique, l’une des principales préoccupations de l’alliance.
Cela s’explique par la simple raison que les dirigeants de l’Otan sont déjà préoccupés par les hostilités croissantes en Ukraine. L’organisation considère également cette crise comme le baiser de vie qui a relancé l’alliance après une longue période de débat sur le rôle et la crise d’identité qu’elle a endurée depuis la fin de la guerre froide.


L’Otan n’ira pas plus loin pour contrer les menaces nucléaires et de missiles de l’Iran


La guerre en Ukraine a ramené la sécurité collective atlantique au premier plan des débats occidentaux et elle a souligné combien il était important de poursuivre la coopération entre les États-Unis et les partenaires transatlantiques européens pour contrer ce qu’ils considèrent comme une menace russe existentielle.
L’annonce faite par l’Otan de nouveaux plans qui visent à augmenter considérablement le nombre de forces de réaction rapide de 40 000 à plus de 300 000 et à intensifier les dépenses militaires après que la Russie est passée du statut de partenaire stratégique à celui de «menace directe» pour la sécurité de l’alliance en est un exemple.
Il faut se rappeler que l’Otan a agi avec beaucoup de prudence lors de la crise en Ukraine, pays qui a le statut de partenaire de l’Atlantique. Dès le début de la crise, l’alliance s’est méfiée de l’envoi de troupes qui pourrait conduire à une confrontation directe avec la Russie. En outre, elle a rejeté les appels de Kiev en faveur d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son territoire parce qu’elle craignait également une confrontation directe avec la Russie. L’alliance affirme être une alliance purement défensive. Par conséquent, l’Otan n’ira pas plus loin pour contrer les menaces nucléaires et de missiles de l’Iran.
Ses positions resteront à un niveau minimal qui consiste à exprimer des inquiétudes ainsi qu’à désapprouver les politiques et le comportement de l’Iran, simplement pour faire une démonstration. Nous faisons ici référence à une déclaration éloquente du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, en juin 2018, lorsqu’il a souligné que l’alliance n’aiderait pas Israël à se défendre si l’Iran l’attaquait. Dans des remarques publiées à l’époque dans le magazine allemand Der Spiegel, Stoltenberg a ajouté qu’Israël était un «pays partenaire» et non un membre de l’Otan. Il a précisé que la garantie de sécurité que l’organisation donnait à ses membres ne s’appliquait pas à Israël.
Le chef de l’Otan a souligné que son alliance ne devait pas s’ingérer dans les conflits de la région. Visiblement, Israël est bien conscient de la réalité de la position de l’organisation. Et il fait des efforts pour résoudre cette situation.
Cependant, les perspectives de réussite de cette entreprise semblent très limitées, voire inexistantes, d’autant plus que la crise en Ukraine s’intensifie et qu’il n’y a aucune perspective claire de solution. Par conséquent, d’un point de vue géopolitique, la «distance» ressentie par l’alliance semble concerner principalement l’Ukraine, et non le chevauchement des menaces iraniennes, qu’elles soient nucléaires ou liées aux missiles, malgré les déclarations du président israélien sur l’illusion de la distance.

Salem Al-Ketbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

Twitter: @salemalketbieng
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.