Les espoirs de sauver des survivants en Turquie et en Syrie s’amenuisent, la colère monte face à la réponse à la catastrophe

Le nombre de morts a dépassé les 11 200 mercredi, et des milliers d’autres personnes sont blessées ou portées disparues. (AFP)
Le nombre de morts a dépassé les 11 200 mercredi, et des milliers d’autres personnes sont blessées ou portées disparues. (AFP)
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Publié le Jeudi 09 février 2023

Les espoirs de sauver des survivants en Turquie et en Syrie s’amenuisent, la colère monte face à la réponse à la catastrophe

  • Seuls 2 à 3% des bâtiments effondrés ont pu être atteints par les secouristes, ont déclaré des sources à Arab News
  • Le Centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salmane met en place un pont aérien afin de fournir des médicaments et de la nourriture aux survivants

ANKARA: Les espoirs de sauver les survivants piégés sous les décombres à la suite du tremblement de terre de lundi s’amenuisent dans le sud de la Turquie, ont déclaré des sources à Arab News, tandis que la colère monte face à la réponse officielle à la catastrophe.

Les autorités n’ont pu atteindre que 2 à 3% des bâtiments effondrés dans certaines régions touchées, selon les sources.

Le bilan définitif du tremblement de terre de magnitude 7,8 qui a frappé la Turquie et la Syrie voisine pourrait dépasser 20 000 morts, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les autorités ont annoncé mercredi que 8 574 personnes avaient péri en Turquie et 2 662 en Syrie, portant le nombre officiel de décès à 11 236.

En 1999, un séisme similaire dans la région avait fait 17 000 morts. Bien que plusieurs bébés et enfants réfugiés aient été extraits des décombres lors de sauvetages très médiatisés, les espoirs de retrouver un grand nombre de survivants s’amenuisent de jour en jour.

Global Empowerment Mission, une ONG basée aux États-Unis, a récolté environ 10 millions de dollars (1 dollar = 0,93 euro) d’aide humanitaire ces dernières vingt-quatre heures pour les victimes du tremblement de terre.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu sur un site de bâtiments détruits lors de sa visite dans la ville de Kahramanmaras. (AFP)
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu sur un site de bâtiments détruits lors de sa visite dans la ville de Kahramanmaras. (AFP)

Mercredi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a visité les régions touchées afin d’inspecter les dégâts causés par le séisme et parler aux survivants. «Dans un premier temps, 10 000 livres turques (1 livre = 0,050 euro) seront octroyées à chaque citoyen touché par le tremblement de terre», a-t-il déclaré.

Au lendemain de la catastrophe, des équipes de recherche et de sauvetage, ainsi que des médecins sont arrivés des quatre coins du monde en Turquie et en Syrie. Les municipalités turques ont déployé des centaines de leurs propres secouristes.

Si les habitants de la région ont jugé insuffisants les efforts de sauvetage nationaux, la rapidité de la réaction internationale à la catastrophe a été saluée.

Les dirigeants saoudiens ont ordonné au Centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salmane (KSrelief) de mettre en place un pont aérien afin de fournir des soins de santé, des abris, de la nourriture et une assistance logistique aux victimes.

Un fonds d’urgence de l’ONU a alloué 25 millions de dollars à la réponse humanitaire dans la région.

Malgré une crise diplomatique qui ne cesse de s’aggraver entre la Grèce et la Turquie, une chaîne de télévision grecque a ouvert un journal télévisé du matin avec des images et des vidéos de la région touchée par le séisme, avec en fond sonore les paroles d’une chanson folklorique disant: «Je fais savoir au monde entier que je t’aime.»

Les décombres de bâtiments détruits dans le village de Hatay. (Photo fournie)
Les décombres de bâtiments détruits dans le village de Hatay. (Photo fournie)

Mardi, plusieurs enfants réfugiés ont également été secourus par des pompiers et des mineurs, et un nouveau-né «miracle» a été extrait des décombres dans le nord de la Syrie.

L’Association turque de solidarité avec les demandeurs d’asile et les migrants (Asam) a envoyé une équipe de 300 travailleurs et bénévoles à Antakya et Hatay, ainsi que des traducteurs et des chiens de sauvetage. L’organisation proposera un soutien psychologique aux migrants survivants. 

Baris Sakir, habitant d’Urfa, a survécu au séisme grâce à l’architecture moderne de sa maison. «Il y a quelques fissures à l’intérieur de la maison, mais nous n’avons pas le courage de rentrer. Nous vivons maintenant dans l’école des Beaux-arts où j’enseignais le piano. Mon jeune fils souffre toujours d’un syndrome de stress post-traumatique», confie-t-il à Arab News.

Les restaurants et les hôtels offrent des repas gratuits et un hébergement aux personnes devenues sans abri par le tremblement de terre. De même, des célébrités et des municipalités turques envoient des conteneurs de nourriture aux habitants et paient leur hébergement.

Par ailleurs, la municipalité d’Istanbul est intervenue pour éteindre un incendie dans le port d’Iskenderun mercredi, tandis que la municipalité d’Ankara a commencé à réparer l’aéroport de Hatay endommagé. Les voies de communication ont été considérablement perturbées par le séisme.

À Hatay, plus de 2 000 bâtiments ont été détruits, et seuls 2 à 3% ont pu être atteints par les secouristes, selon les dernières informations.

Les morts sont placés dans des morgues de fortune dans des salles de sport. (AFP)
Les morts sont placés dans des morgues de fortune dans des salles de sport. (AFP)

Les autorités ont signalé qu’un nombre croissant d’enfants secourus ont été laissés seuls dans des hôpitaux locaux. Des précautions ont donc été prises pour éviter les enlèvements.

«La nature nous a donné exactement vingt-trois ans après le tremblement de terre de 1999», lance Cem Say, un éminent informaticien turc, en référence au séisme majeur qui a secoué le nord-ouest du pays en 1999. L’année dernière, la Turquie a consacré environ 1,3 milliard de dollars à des programmes de gestion des catastrophes, soit environ 0,5% des dépenses budgétaires du gouvernement central. Toutefois, les experts estiment que ce financement est insuffisant.

Selon Ismaïl Yolcu, un survivant du tremblement de terre dans la province d’Adiyaman, située dans le sud-est du pays, les maisons de certains de ses proches ont été complètement détruites. «Il n’y a pas d’électricité. Il n’y a pas de chauffage. Il pleut et il fait extrêmement froid. Nous dormons dans les rues. Nous attendons que les tentes soient installées. La situation est terrible», dit-il à Arab News.

Sermet Cuhadar, président de l’Association des journalistes de Kahramanmaras, soutient que la situation s’est «légèrement améliorée» dans la province. «Nous devions boire des glaçons fondus car il n’y avait plus d’eau dans la ville. Notre immeuble de huit étages s’est effondré lors du premier séisme. Heureusement, je n’étais pas dans le bâtiment à ce moment-là. Seules trois personnes ont été secourues», déclare-t-il à Arab News.

L’espoir de retrouver des survivants s’amenuise d’heure en heure. (AFP)
L’espoir de retrouver des survivants s’amenuise d’heure en heure. (AFP)

Kamil Cuhadar, ancien maire du village de Pazarcik, à Kahramanmaras, a subi une fracture du crâne lors du premier séisme, lorsqu’une pierre lui est tombée sur la tête. «Les piliers des bâtiments à Pazarcik étaient solides. Malgré ça, il ne reste plus aucun bâtiment debout dans le village. Les efforts de sauvetage sont insuffisants.»

«Ils ont commencé aujourd’hui en début de matinée, mais il est déjà trop tard. La température est glaciale, il faisait -7° hier quand tout le monde était allongé dans les rues», explique-t-il à Arab News. «Il n’y a pas suffisamment d’équipements pour enlever et soulever les débris.»

Selon certaines informations, le gouvernement turc a bloqué Twitter dans certaines régions. (Photo fournie)
Selon certaines informations, le gouvernement turc a bloqué Twitter dans certaines régions. (Photo fournie)

Naile Islek, du village de Dulkadiroglu à Kahramanmaras, a couru se réfugier chez sa mère lorsqu’elle a vu la maison de son voisin s’effondrer pendant le séisme.

«Nous avons l’électricité mais toujours pas d’eau. Certaines personnes profitent de ce chaos en vendant des petites bouteilles d’eau au double et parfois au triple du prix. Nous n’avions pas assez d’équipements pour enlever les débris. Les hommes pouvaient à peine les enlever avec leurs mains», affirme-t-elle à Arab News.

De nombreuses municipalités de l’ouest de la Turquie ont envoyé des cuisines mobiles et des pharmacies en conteneur dans la zone sinistrée, et ont lancé des programmes de distribution de biscuits, de pain et de médicaments aux survivants.

Plusieurs sources ont informé Arab News que les efforts de sauvetage immédiats étaient «minimes», mais qu’ils se sont intensifiés au cours des deux derniers jours.

Des bénévoles ont tenté de combler le manque de main-d’œuvre. Plusieurs militants de premier plan et des chefs cuisiniers se sont rendus dans les régions touchées pour aider la population locale.

Des campements ont également été installés dans plusieurs régions et des commandos ont été déployés dans la zone du séisme pour participer aux opérations de sauvetage. Par ailleurs, à la suite de la catastrophe, la Bourse de Turquie a suspendu ses activités pour la première fois en vingt-quatre ans.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com