PARIS : À la rentrée prochaine, les élèves de sixième n'auront plus de technologie: la suppression de cette heure d'enseignement au profit de cours de soutien en français et en maths a provoqué la "colère" des professeurs concernés.
Présentant le collège comme "priorité" parmi ses chantiers, le ministre de l'Education Pap Ndiaye a annoncé en janvier que tous les élèves de 6e auront dès septembre une heure de plus de soutien ou d'approfondissement en français et en mathématiques. Pour que cela puisse se faire sans toucher à leur emploi du temps, le ministère a choisi de supprimer l'heure de technologie.
Le bloc de quatre heures qui regroupe aujourd'hui en 6e la physique-chimie, les sciences de la vie et de la Terre, et la technologie va être "reconfiguré", explique-t-on au ministère. La technologie sera désormais étudiée à partir de la classe de 5e.
"Ca a été une surprise totale, découverte par voie de presse. C'est tout simplement du mépris de la part du ministère", assène Christophe Lucas, professeur de technologie dans un collège du Val-d'Oise.
Selon cet enseignant, qui enseigne la matière depuis 18 ans, le soutien en français et en maths "ne doit pas être financé par la suppression d'heures d'une autre discipline". "Cette fois-ci, c'est la technologie. Peut-être que l'année prochaine, ce sera le physique chimie", s'agace le professeur, syndiqué au Snes-FSU.
"La techno, c'est du concret pour les élèves. En 6e, on aborde par exemple l'utilisation d'internet et ses travers car ils le consomment mais ne savent pas du tout s'en servir", ajoute-t-il.
Dans un communiqué, la FCPE, première fédération de parents d'élèves, dénonce une décision "unilatérale et incompréhensible". Le syndicat Sud éducation pointe une réforme "en opposition totale avec les enjeux éducatifs de notre siècle, tels que lutter contre le réchauffement climatique, réindustrialiser le pays, former les élèves aux sciences expérimentales et à l'esprit critique".
«Redorer le blason»
Willy Leroux, professeur de technologie dans un collège du Nord, regrette "l'absence de concertation dans cette décision". "On a sacrifié la techno en 6e sur un coup de tête, ce qui nous a choqué et mis en colère car cela donne l'impression que c'est une matière inutile".
Pour Alain Cadix, membre de l'Académie des technologies --institution qui regroupe plus de 3 000 experts--, la technologie est "tout sauf inutile". "Cette matière est liée directement aux enjeux numériques et climatiques, essentiels à enseigner dès la classe de 6e", explique-t-il à l'AFP.
Pour remettre cette matière à son "juste niveau", il propose que la technologie soit "systématiquement incluse dans les épreuves du brevet des collèges, alors qu’elle s’y trouve assez rarement", poursuit Alain Cadix. "Il faut cependant peut-être profiter de cet +accident+ en 6e créé par le ministère pour redéfinir cette matière en apportant une réflexion plus large", suggère-t-il.
Tout en annonçant la suppression de cette heure de technologie à l'entrée au collège, Pap Ndiaye a dit souhaiter renforcer cette matière en 5e, 4e et 3e.
"La discipline sera confortée et donc je suis très clair: ni suppression de la technologie au collège, ni relégation", a déclaré mercredi Pap Ndiaye, lors des questions au gouvernement au Sénat.
C'est même tout le "contraire", a-t-il assuré. Selon lui, il faut "revaloriser" la matière afin de "susciter des vocations pour le numérique, les sciences de l'ingénieur, la voie professionnelle, y compris dans l'équilibre entre filles et garçons".
Mais "quelles vont être réellement les décisions prises pour renforcer" la techno?, s'interroge Christophe Lucas, le professeur du Val d'Oise. "Ce n'est pas en commençant par la supprimer en 6e qu'on va redorer le blason de cette discipline trop souvent mal-aimée".