Le président de la région dissidente du Tigré (Nord) a déclaré lundi que son peuple était «prêt à mourir», au lendemain de l'ultimatum lancé par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed accordant 72 heures aux dirigeants tigréens pour se rendre.
Près de trois semaines après le début de cette opération militaire visant à restaurer son autorité, Addis Abeba projette d'encercler prochainement Mekele, capitale du Tigré et siège du gouvernement local du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Il y a dix jours, Abiy avait lancé un premier ultimatum aux soldats tigréens, les appelant à faire défection au profit de l'armée fédérale. Quelques jours plus tard, il avait annoncé que l'intervention entrait dans sa «phase finale».
«Combien de fois (Abiy Ahmed) a-t-il dit trois jours ? Il ne comprend pas qui nous sommes. Nous sommes un peuple de principes et prêt à mourir pour défendre notre droit à administrer notre région», a réagi le président du Tigré et chef du TPLF, Debretsion Gebremichael.
«Il s'agit de camoufler la défaite qu'ils ont subie aujourd'hui sur trois fronts. Afin d'avoir du temps pour se regrouper», a-t-il ajouté.
Debretsion n'a pas précisé de quels «fronts» il parlait.
La vérification sur le terrain et de source indépendante des affirmations de l'un et l'autre camp est très difficile, le Tigré étant quasiment coupé du monde depuis le début de l'opération, le 4 novembre.
Aucun bilan précis des combats, qui ont fait au moins des centaines de morts, n'est non plus disponible. Plus de 36 000 habitants de la région ont déjà fui au Soudan voisin.
«Encercler Mekele avec des chars»
Dimanche, dans un communiqué adressé aux dirigeants du TPLF, Abiy, Premier ministre depuis 2018 et lauréat du prix Nobel de la paix l'année suivante, a donné à ces derniers 72 heures pour se rendre.
«La route vers votre destruction touche à sa fin», a-t-il notamment écrit.
Le gouvernement affirme contrôler la localité d'Edaga Hamus, à 100 km au nord de Mekele, tandis que l'armée disait la semaine dernière contrôler Mehoni, à 125 km au sud. Ces deux villes se trouvent sur la principale route menant à la capitale régionale.
Samedi, l'armée a prévenu de l'imminence d'une virulente attaque contre Mekele, qu'elle entend «encercler avec des chars». L'un de ses porte-parole a invité son demi-million d'habitants à «se sauver», annonçant qu'il n'y aurait «aucune pitié».
«Traiter toute une ville comme une cible militaire ne serait pas seulement illégal, cela pourrait également être considéré comme une forme de châtiment collectif», a réagi dimanche sur Twitter Laetitia Bader, directrice de Human Rights Watch (HRW) pour la Corne de l'Afrique.
Le Premier ministre a accusé dimanche le TPLF d'avoir détruit de nombreuses «infrastructures» au Tigré, notamment l'aéroport d'Aksoum (Nord-Ouest, également contrôlée par l'armée selon Addis Abeba), ainsi que des «écoles, des centres médicaux, des ponts et des routes qui étaient des biens du pays».
Roquettes à Bahir Dar
Lundi, deux habitants ont déclaré que des tirs avaient touché à l'aube la ville de Bahir Dar, capitale de l'Amhara, région voisine du Tigré.
«Trois roquettes sont tombées sur la ville près de la zone de l'aéroport. Nous ne savons pas s'il y a des victimes ou des dégâts», a déclaré l'un de ces habitants.
L'aéroport de Bahir Dar a déjà été touché deux fois par des roquettes. Le TPLF avait revendiqué le premier tir, le 13 novembre, affirmant que cette infrastructure était utilisée par l'armée fédérale.
Il avait également revendiqué un tir de roquettes contre les aéroports de Gondar en Amhara, et d'Asmara, la capitale érythréenne.
Contacté, le TPLF n'a pas réagi.
Les tensions entre Addis Abeba et le TPLF, qui a contrôlé d'une main de fer durant près de trois décennies l'appareil politique et sécuritaire éthiopien, ont culminé avec l'organisation au Tigré d'un scrutin qualifié «d'illégitime» par le gouvernement fédéral.
En envoyant l'armée au Tigré, Abiy affirme avoir répondu aux attaques de deux bases militaires de la région par les forces du TPLF - ce que nient les autorités tigréennes.