ROUEN : «Je n'ai pas le vertige mais je déteste les échelles», déclare Yanis Maacha, 27 ans, ingénieur et cofondateur de Wind My Roof (WMR), à l'origine d'un système d'éoliennes combinées à des panneaux solaires testé sur le toit d'un immeuble HLM à Rouen.
Sur cet immeuble d'un quartier populaire, géré par l'office HLM Rouen Habitat, huit éoliennes de toit sont en phase de test, avec une promesse : produire 20 à 30% de la consommation électrique des parties communes des 84 logements grâce à une énergie verte et (ultra) locale, selon WMR, qui commercialise ces «windbox».
On ne voit rien depuis la rue, de ces huit cubes en tôle d'une tonne et six mètres-cube surmontés de panneaux solaires, installés à trente mètres du sol, à la jointure entre la façade et le toit plat de l'immeuble de 10 étages, «parce que c'est là que l'accélération du flux d'air est la plus importante», assure M. Maacha.
L'ingénieur explique que «le flux d'air arrive sur la façade du bâtiment, est contraint de remonter jusqu'au toit, le vent horizontal qui souffle au sommet le guide alors vers la windbox pour faire tourner l'éolienne».
A savoir un rotor horizontal, avec des pales en aluminium, relié par courroie à un générateur qui produit 1.500 watts. Les deux panneaux solaires sur le toit du cube produisent eux 750 watts, pour une emprise au sol de 4 m2.
Multiplié par huit, le dispositif permettrait de produire l'équivalent de 20% à 30% de la consommation annuelle des deux ascenseurs, de l'éclairage et des VMC.
C'est en moyenne 14MWh par an, «trois fois plus que la même surface occupée uniquement par des panneaux photovoltaïques», selon Yanis Maacha.
Mais ces énergies sont intermittentes. «En hiver, les panneaux cessent de produire à 17h», reconnaît l'ingénieur.
- toit plat -
Les éoliennes produisent en moyenne 15 à 25% de leur capacité maximale (facteur de charge) et «quand elles produisent, le compteur de l'immeuble tire moins sur le réseau extérieur», selon lui.
Pour pouvoir implanter ses windbox, WMR a un cahier des charges précis: une zone venteuse, la hauteur (8 à 10 mètres en plaine, 20 à 30 en ville), un toit plat pour cumuler vents horizontaux et ascendants, et aucun bâtiment de la même hauteur à moins de 100 mètres.
Et une bonne isolation : «la toiture vient d'être refaite, nous avons veillé à l'étanchéité et l'absorption acoustique» du toit, détaille Paul Bernstein, 34 ans, chef de projet exploitation chez Rouen Habitat, le seul risque de nuisance étant les potentielles vibrations qui pourraient se transmettre au bâtiment.
La start-up se veut aussi locale: «Toute l'éolienne est sourcée en France et assemblée à Saint-Nazaire, sauf le générateur, la Chine ayant le monopole des aimants permanents, les panneaux solaires viennent de Lituanie», précise M. Maacha.
Fondée avec un ami rencontré à l'école des Ponts et Chaussées, sa start-up parisienne est arrivée à Rouen après une rencontre fortuite entre son associé et le maire de la ville, Nicolas Mayer-Rossignol, également à la tête de la métropole, et de Rouen Habitat, qui a supporté le coût total de l'opération de 53.000 euros.
«C'est extrêmement important comme projet, très innovant et je crois, unique en France», a déclaré le maire à l'AFP.
«Nous cherchions des moyens de faire baisser les factures d’électricité avec des énergies renouvelables», se remémore l'élu, qui entend «répondre aux enjeux +fin du monde+ et +fin du mois+» avec ce projet «bon pour l'écologie et pour le pouvoir d'achat des locataires».
Installées depuis novembre 2022, les windbox restent en test pendant un an, en cas de succès, quatre nouveaux bâtiments potentiels aux alentours sont sur la liste d'attente pour produire leur propre énergie renouvelable.