Dans cette dernière partie de la conclusion de ma réponse à Qurshon, il est important de comprendre que nous sommes confrontés à la réalité de certains historiens qui falsifient l’histoire de manière à servir des intérêts politiques et poursuivent des objectifs idéologiques et ethniques. Ainsi, nombre d’entre eux essaient de nous convaincre haut et fort qu’ils sont seuls à dire la vérité, en utilisant divers procédés, manipulant les mots, citant des textes qui servent leurs orientations, essayant enfin de persuader leurs interlocuteurs à force de répétitions.
Ces méthodes sont souvent utilisées pour faire passer des idées difficiles à croire. Certaines stratégies reposent ainsi sur la répétition, afin que le destinataire finisse par éprouver d’une manière ou d’une autre le besoin de reconsidérer son propre point de vue afin de se convaincre du bien-fondé de ce qui lui est présenté.
C’est ce que Qurshon a tenté de faire, entre autres, concernant la question de l’hostilité à l’égard des Ottomans. Il a essayé de nous convaincre que les Ottomans avaient servi les deux Saintes Mosquées, et que leur période de règne était une bonne chose pour le Hedjaz. Tout cela est le résultat de la guerre entre les Ottomans et les Saoudiens, dans laquelle ces derniers auraient brisé le mythe turc dans le monde arabe.
De ce fait, les Turcs adoptent toujours des points de vue complaisants pour attirer la compassion, en mettant par exemple en avant l’idée du califat et de la protection du monde islamique, et en s’efforçant de faire croire que l’Empire ottoman est un État islamique, non une puissance coloniale. En vérité, les Turcs eux-mêmes savent que c’est l’inverse, même s’ils le cachent : ils reconnaissent implicitement leurs crimes et sont parfaitement conscients des zones d’ombre de leur histoire.
Le roi Abdelaziz
Le roi fondateur Abdelaziz, au cours d’un banquet organisé dans son palais de La Mecque en l’honneur des délégations du Hajj (en 1349 AH/1931 AD), a dit à Ahmed Wahid al-Din, petit-fils du sultan ottoman : « Nous avons été patients et constants. Les plus grands de ceux que nous avons combattus sont vos ancêtres, les sultans ottomans. Ils ne nous ont attaqués que parce que nous nous sommes abstenus de dire au sultan que nous étions serviteurs du Commandeur des croyants. Non, et mille fois non, nous ne sommes que les serviteurs de Dieu Tout-Puissant. »
Le fondateur a voulu rappeler aux Musulmans ce qui est arrivé afin que cela leur serve de leçon, en particulier pour qu’ils se souviennent des guerres que l’Empire ottoman conquérant a menées contre le premier État saoudien, la destruction de sa capitale et de nombreuses villes du centre, du sud et de l’est du pays. Il a décrit l’État saoudien et les Saoudiens comme des wahhabites pour éloigner les Musulmans d’eux et les détourner de leurs principes et de leur mission, basés sur la religion.
On trouve une information documentée sur la question dans le no 333 du journal Umm Al-Qura (le journal officiel), publié le 13 Dhou al-Hijja 1349 (1er mai 1931), information relayée par la Maison du roi Abdelaziz sur son compte Twitter.
D’autre part, Qurshon réécrit l’histoire à sa manière, et persiste dans ses idées et ses objectifs, même si cela heurte la logique. En effet, il parle des propositions faites par les Turcs à l’Arabie saoudite, concernant une convergence régionale et une gestion partagée du pèlerinage. Il souligne que le roi Abdelaziz est celui qui a eu l’idée de proposer pour le Hajj une administration islamique conjointe. Avant d’aborder ce point, il a passé rapidement en revue les relations saoudo-turques sous le règne du roi Abdelaziz, et les étapes de l’unification de la péninsule arabique – unification dont le souverain est l’initiateur. Enfin, il a parlé d’un livret rédigé à cette époque sur l’histoire saoudienne en Turquie.
Tout ce qu’il dit à ce sujet ne touche ni de près ni de loin ce qu’il appelle « l’administration islamique conjointe ». En réalité, il détourne les propos tenus par le roi Abdelaziz lors de la Conférence islamique mondiale, au cours de laquelle ce dernier a déclaré qu’après l’annexion du Hedjaz, l’un des principaux objectifs de cette réunion était de rendre le pèlerinage conforme aux besoins des États du monde islamique.
La première réunion de la conférence islamique mondiale a eu lieu en 1346 AH/1926 AD. La Turquie - dont Qurshon se fait le porte-parole - n’a pas participé à cette manifestation. Il n’y a jamais été question d’administration conjointe : les pays du monde islamique n’ont fait qu’avancer leurs opinions, propositions et demandes concernant la saison du Hajj.
Le roi Abdelaziz a assuré que son gouvernement servirait la Maison sacrée de Dieu et prendrait soin de ses pèlerins : « Nous nous réjouissons d’accueillir les délégations de pèlerins à la Maison sacrée de Dieu de tous les Musulmans en cette saison 1343 de l’AH, et nous avons la responsabilité d’assurer leur confort, de préserver tous leurs droits et de faciliter leur voyage à La Mecque d’où qu’ils viennent. » C’est ce qu’il a dit lors de l’annexion du Hedjaz.
Quant à ce qui a été énoncé lors de la première conférence islamique, si ce que Qurshon prétendait était correct, il en aurait été fait mention dans les recommandations de la conférence. Or, cela ne figure ni dans son ordre du jour, ni dans aucune de ses recommandations. D’autre part, voici ce que le fondateur a dit lors de la conférence dans son discours d’ouverture : « Vous voyez de vos propres yeux et entendez de vos oreilles ceux qui vous ont précédés sur ces terres de pèlerinage. Ils affirment que la sécurité dans tous les pays du Hedjaz et entre les deux Saintes Mosquées a atteint un degré de perfection sans précédent. Depuis plusieurs siècles, il n’y a même rien qui la surpasse dans les plus grands et les plus puissants royaumes du monde, et Dieu en a le mérite et la grâce. » Cela confirme combien il importe pour le roi Abdelaziz de considérer que les deux Saintes Mosquées font partie de la patrie. Il est fier d’assurer cette mission, et ses fils continueront d’ailleurs à poursuivre son œuvre, prêtant assistance aux Musulmans lors du Hajj.
Et ce que Qurshon prétend n’est rien d’autre que mensonge, comme à son habitude. Il formule sciemment un discours déformé. La Turquie, au début de l’ère républicaine, avec Mustafa Kemal Ataturk à sa tête, n’a donné d’importance ni à la question du Hajj, ni aux deux Lieux Saints. C’est pourquoi les Turcs d’aujourd’hui et leur gouvernement actuel ne peuvent avoir la moindre idée de ce que le Royaume a fait depuis sa fondation et ils ne le voient que comme un concurrent. Avant eux, Turcs et Ottomans étaient obsédés par la gestion des deux Lieux Saints, croyant qu’elle leur apporterait une légitimité pour s’élever au sommet du monde islamique.
L’Arabie saoudite, malgré tout ce qu’elle a concédé, n’a jamais fait sienne l’étroitesse du point de vue turc. Au contraire, servir les deux Saintes Mosquées est un droit et un devoir que le gouvernement saoudien assume, et chaque saoudien ressent l’honneur de servir la maison de Dieu Tout-Puissant.
Racisme turc
En conclusion: Qurshon a voulu, de manière délibérément raciste donner une image dégradée des Arabes et de leurs tribus en soulignant que les Bédouins sont les plus mécréants et les plus hypocrites, s’appuyant sur le verset suivant : « Les Bédouins sont plus endurcis dans leur impiété et dans leur hypocrisie, et les plus enclins à méconnaître les préceptes qu’Allah a révélés à Son messager. Et Allah est Omniscient et Sage. » (Sourate Al-Tawba (repentir) : verset 97). Qurshon fait référence ici à un verset qui évoque les Bédouins ; il semble bien mal comprendre les implications sous-jacentes de ce verset. Il a oublié, semble-t-il, que, dans la même sourate, le Tout-Puissant dit : « [Tel autre] parmi les Bédouins, croit en Allah et au Jour dernier et prend ce qu’il dépense comme moyen de se rapprocher d’Allah afin de bénéficier des invocations du Messager. C’est vraiment pour eux [un moyen] de se rapprocher [d’Allah] et Allah les admettra en Sa miséricorde. » (verset 99). Le passage diffère ici de ce qui l’a précédé, et n’est pas dans son sens absolu que Qurshon l’a utilisé.
Qurshon a également fait la preuve de racisme en déclarant : « Ces tribus qui attaquent aujourd’hui l’Empire ottoman par le biais des réseaux sociaux, afin de satisfaire la famille dirigeante en Arabie saoudite, doivent savoir que leurs fiches d’état-civil, les signatures et les sceaux de leurs ancêtres sont toujours conservés au sein des archives ottomanes, dans la partie de la « Bourse des Arabes» ». Cette déclaration vise à dégrader toutes les tribus arabes de la péninsule. Qurshon ignore toutefois que cela n’a rien de honteux. En échange de cette bourse, l’Empire ottoman a préservé ses routes, étant chargé de leur protection. Et les Ottomans, puisqu’ils ne pouvaient imposer leur autorité que par le pouvoir de l’argent, n’avaient aucune autorité.
Talal Al-Torifi est professeur d'université et journaliste saoudien.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com