STRASBOURG: La ville de Strasbourg a renoncé lundi à sa délibération sur le financement des cultes, objet d'un rappel à l'ordre de l'État après une controverse sur un projet de subvention d'une mosquée, lors d'un conseil municipal houleux, écourté après le départ de l'opposition.
Le conseil a abrogé la délibération adoptée quatre mois plus tôt. La maire écologiste Jeanne Barseghian a dit espérer pouvoir présenter un nouveau texte lors d'une prochaine réunion du conseil en mars.
Conformément au droit local en Alsace-Moselle, les pouvoirs publics peuvent subventionner les religions, cette partie du pays n'ayant pas connu la séparation de l'Église et de l'État en 1905 du fait de l'annexion allemande (1870-1918).
Mais la municipalité a suscité une polémique en 2021 avec un projet de subvention d'une mosquée d'obédience turque, finalement annulé. Dans l'espoir de fixer de nouvelles règles, la maire avait ensuite fait adopter en septembre par son conseil municipal une délibération sur le sujet du financement des associations et des projets cultuels.
La maire entendait ainsi adopter "un cadre clair, transparent, partagé", permettant de "garantir des principes de neutralité, de transparence et d'équité" entre les religions.
Mais début décembre, la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, avait demandé au conseil municipal de revoir sa copie : elle y avait décelé plusieurs irrégularités et demandé à la municipalité de la rectifier sous deux mois "pour en renforcer la sécurité juridique".
La délibération autorisait la ville à soutenir les associations religieuses pour un maximum d'un million d'euros. Pour les nouveaux lieux de culte ou projets importants, il était proposé que le préfet "soit saisi pour avis concernant le projet", notamment pour permettre "d'informer la municipalité sur les liens éventuels de l'association avec des puissances étrangères" ou sur "toute alerte relative à la sécurité nationale et/ou aux dérives intégristes ou sectaires".
La municipalité avait été au cœur d'une controverse en mars 2021 après le vote d'une délibération sur le principe d'une subvention de 2,5 millions d'euros pour la construction, toujours en cours, de la mosquée Eyyub Sultan, portée par l'association turque Millî Görüs.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait accusé la ville de financer une "ingérence étrangère". Millî Görüs avait finalement renoncé à demander cette subvention, évitant à la ville d'avoir à se prononcer définitivement sur son octroi.
En novembre, la délibération, qui n'avait pas été retirée par la municipalité, a été annulée par le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par des conseillers municipaux d'opposition et par la préfecture du Bas-Rhin.
La fin de cette séance déjà houleuse a été marquée par le départ des élus d'opposition, alors que plusieurs motions ou interpellations devaient encore être examinées.
Syamak Agha Babaei, le 1er adjoint qui présidait momentanément la séance en l'absence de Mme Barseghian, a indiqué que l'une d'elle, déposée par un élu d'opposition et portant sur la réouverture des musées strasbourgeois, fermés depuis plusieurs mois deux jours par semaine au lieu d'un, ne serait pas soumise au vote.
Une réflexion est en cours en vue de rendre prochainement des arbitrages sur ce point, a argué M. Agha Babaei.
"La Maire de Strasbourg a refusé au dernier moment de soumettre au vote deux résolutions (...) pourtant déposées dans le strict respect du règlement intérieur et validées par elle le matin même", se sont offusqués les élus d'opposition dans un communiqué commun.
La décision de quitter la séance est "inédite" et "fait suite à une nouvelle violation du règlement intérieur", ont-ils encore estimé.
"J'ai pris la décision de clore la séance" car "les conditions d'un débat démocratique contradictoire n'étant plus réunies", a réagi Mme Barseghian dans un communiqué, en appelant "à la responsabilité (...) des conseillers municipaux pour que les débats démocratiques s'apaisent".