DUBAÏ: Dix ans se sont écoulés depuis le début du conflit en Syrie. Alors que de nouveaux conflits et de nouvelles calamités apparaissent dans d'autres pays, les horreurs que le peuple syrien continue d'endurer semblent avoir perdu de leur actualité, en particulier pour les médias. La complexité de la situation dans le pays a également poussé beaucoup de gens à chasser la guerre de leur esprit plutôt que de chercher à donner un sens à tout ce qui s'est passé. No Man's Land, un nouveau feuilleton télévisé coproduit par OSN, tente cependant de trouver une réponse.
Tout commence par un mystère: un homme, en France, pense que sa sœur est morte avant de l'apercevoir vivante et en bonne santé dans le cadre d'une émission d'information sur la milice syro-kurde YPG qui combat Daesh. Déterminé à la retrouver, il se met en route pour trouver un moyen d'entrer en Syrie. Il se retrouve aussitôt pris dans le collimateur.
No Man's Land, qui réunit des personnages de toutes les parties impliquées dans le conflit, a été conçu avant tout pour montrer que chaque personne est un être humain à part entière, quelles que soient ses affiliations. Pour se démarquer des séries telles que Homeland, les acteurs et l'équipe ont travaillé sans relâche sur les lieux de tournage et ailleurs, pour s'assurer notamment que personne ne serait réduit à un stéréotype ou à une caricature, et que chaque motivation, qu'elle soit bonne ou mauvaise, serait basée sur quelque chose de réel. Cela permet au public de mieux appréhender les vraies gens pris dans la guerre.
«Nous voulons rappeler au public que ce sont aussi des gens, que la guerre se poursuit, et qu'on ne peut pas simplement suivre les nouvelles pour éteindre ensuite la radio ou la télé. Bien souvent, la situation perd de son caractère humain parce que vous n'entendez que des reportages. Nous voulons montrer que la vie des gens est bouleversée. Nous espérons donc que ce feuilleton créera une certaine empathie», confie la star Dean Ridge à Arab News.
Certains comédiens, dont l'acteur anglais James Purefoy, ont eu l'occasion de se familiariser avec un sujet qu'ils connaissaient peu.
«Au fur et à mesure que vous vieillissez, vous êtes constamment à la recherche de choses que vous n'avez jamais faites auparavant, et que vous n'avez jamais vues. Cela ressemble à une oasis… Quand une telle chose se produit, elle vous attire tout simplement. Pour moi, c'était comme si je regardais par le trou de la serrure tout un monde que j'ignorais. Et je n'ai pas vraiment compris. Je pense que je le comprends mieux maintenant, grâce à cette série», affirme M. Purefoy.
La tâche la plus difficile a peut-être été celle de Ridge et de sa costar, James Krishna Floyd, qui ont dû pénétrer dans la tête des soldats de Daesh. Tous deux se sont lancés, la tête la première, dans une recherche éprouvante sur le plan émotionnel. Ils ont rencontré des spécialistes en matière de radicalisme, et ont également analysé des documentaires, dont Of Fathers and Sons, le film primé du réalisateur syrien Talal Derki.
« Ce que j'ai appris de plus profond, c’est que la réalité est différente pour chaque personne qui s'implique avec les radicaux, parce que les griefs deviennent personnels. Leurs arguments portent entièrement sur vous et s'adaptent à ce que vous recherchez. Cela peut toucher presque tout le monde», dit Floyd.
Selon Floyd, le personnage de Ridge et sa performance, en particulier, reflètent l'approche adoptée par la série – un homme venu de l'Ouest qui se laisse séduire pour commettre des actes malveillants avec la conviction de faire vraiment la bonne chose.
«Il faut reconnaître aux cinéastes le mérite d'avoir vraiment fouillé dans le personnage, parce que je pense que beaucoup d'auteurs ne le feraient pas. Ils considéreraient le personnage comme un accroc de l'adrénaline», explique M. Floyd.
Si les milices dirigées par des femmes qui ont aidé à vaincre Daesh sont un élément essentiel de la série, la mise en avant des combattants de Daesh eux-mêmes est peut-être la partie la plus gênante, mais aussi la plus nécessaire.
«Nous sommes obligés (dans les grands médias) de considérer ces gens comme des monstres, et rien d'autre», dit M. Purefoy. «Il est inutile d'essayer de les comprendre, de les affronter, ou de trouver des moyens de leur donner du pouvoir sans qu'ils ne sentent pour autant le besoin d'aller en Syrie. Il faut trouver d'autres moyens d'inclure ces personnes dans notre monde pour qu'elles ne soient pas forcées de partir dans un monde comme celui-là.»
«Ce n'est possible que si vous regardez les gens comme des êtres humains – si vous voyez les gens tels qu'ils sont en réalité, avec leurs sentiments et leurs problèmes qui doivent être résolus. Si nous ne commençons pas à le faire, nous risquons de sombrer dans ce monde. Pour moi, c'est le message le plus intéressant de cette série», poursuit M. Purefoy. «Nous ne changerons rien, mais si nous parvenons à créer un peu de compréhension, nous ferons un petit pas en avant. Les petits pas finissent par devenir de grands pas.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.