PARIS: Le "contrat d'engagement républicain" imposé depuis un an aux associations dans le cadre de la loi contre le "séparatisme" est dévié de son objectif initial pour priver de subventions des mouvements militants ou contestataires, a estimé jeudi le Mouvement associatif, qui veut l'abrogation du texte.
"Ce texte soi-disant protecteur s'avère en fait un outil extrêmement dangereux et problématique, qui cible des associations n'ayant rien à voir avec le séparatisme", a déclaré lors d'une conférence de presse Claire Thoury, la présidente de cette structure regroupant plus de la moitié des associations françaises.
La loi contre le "séparatisme" (officiellement "loi confortant le respect des principes de la République") stipule que toute association sollicitant une subvention publique doit au préalable s'engager à souscrire à "un contrat d'engagement républicain". Cette disposition est entrée en vigueur en janvier 2022.
Parmi les éléments de ce contrat figurent le respect des principes de liberté, égalité, fraternité, de dignité de la personne humaine, de laïcité, ainsi que la nécessité de ne pas troubler l'ordre public.
Ce dernier point suscite la colère du Mouvement associatif, qui a donné des exemples d'affaires récentes, inquiétantes selon elle.
En septembre, le préfet de la Vienne a demandé à la ville de Poitiers de retirer une subvention de 10 000 euros qu'elle avait accordée à l'antenne locale de l'association écologiste Alternatiba, au prétexte qu'un festival organisé par cet organisme comportait un atelier sur la désobéissance civile.
Cette affaire "montre bien le glissement dangereux, l'utilisation politique qui peut être faite de cette loi", a dit lors de la conférence de presse la maire (EELV) de Poitiers Léonore Moncond'huy, engagée dans un bras de fer avec le préfet devant la justice administrative sur ce dossier.
En février 2022, le maire (LR) de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, a également mis en avant le contrat d'engagement républicain pour interdire au Planning familial d'installer un stand d'information sur la voie publique, arguant que l'une des femmes sur l'affiche de l'événement était voilée. L'association a contesté cette décision devant la justice administrative et obtenu gain de cause.
À Lille, la Maison régionale de l'environnement et des solidarités (MRES) a été rappelée à l'ordre par la préfecture en décembre pour avoir prêté une salle à un collectif qui aurait promu la désobéissance civile pour s'opposer à l'agrandissement de l'aéroport local.
"On sent une volonté d'intimidation très forte" de la part des autorités, a martelé Philippe Pary, le président de la MRES. Mais "pour nous la désobéissance civile fait partie de la liberté associative".