VESOUL : Jonathann Daval a été condamné samedi par la cour d'assises de la Haute-Saône à 25 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de sa femme Alexia, à l'issue d'un procès haletant et hyper médiatisé.
Après deux heures et demi de délibéré, les jurés ont donc rendu un verdict plus clément que les réquisitions de l'avocat général Emmanuel Dupic qui avait demandé la réclusion criminelle à perpétuité.
L'une de ses avocates, Me Ornella Spatafora, a rapidement indiqué que M. Daval ne ferait pas appel du jugement.
Dans son box, Jonathann Daval a accueilli la décision, impassible, alors qu'à l'extérieur du tribunal, quelques dizaines de badauds se massaient derrière les barrières qui en barraient l'accès.
Au prononcé du verdict, l'accusé a regardé sa propre famille tandis que sur les bancs des parties civiles, Jean-Pierre Fouillot, le père d'Alexia, passait un bras autour des épaules de son épouse Isabelle.
Quelques minutes plus tard, cette dernière est allée à la rencontre des journalistes, comme elle l'avait fait régulièrement tout au long du procès: « C'est une très bonne décision, exactement ce que j'espérais, à la hauteur de notre souffrance, ça va nous permettre de tourner une page ».
« C'était trois ans de combat » mené « juste pour elle », et « nous sommes arrivés à la fin », a-t-elle enchaîné les larmes aux yeux et le regard tourné vers le ciel, « j'espère qu'aucun d'entre vous, aucun Français ne l'oubliera ».
« La justice a bien fait son travail, a compris notre douleur », a renchéri Jean-Pierre Fouillot.
Avant que la cour ne se retire pour délibérer, Jonathann Daval avait eu la parole en dernier dans ce procès qui s'était ouvert lundi. « Pardon, pardon », avait-il alors imploré, tourné vers les parents d'Alexia qui l'avaient longtemps considéré comme un fils.
« Crime presque parfait »
Dans son réquisitoire, l'avocat général avait pointé samedi matin un « crime conjugal (...) presque parfait », perpétré par l'accusé au motif qu'Alexia voulait le quitter.
Le magistrat en avait appelé au « courage » des jurés. « Du fait de la médiatisation de cette affaire, cette décision sera regardée », avait-il relevé, avant de requérir « la réclusion criminelle à perpétuité », sans peine de sûreté. A cet instant là aussi, Jonathann Daval était resté stoïque.
« Je crois (...) qu'il l'a tuée parce qu'Alexia voulait le quitter, tout simplement », avait soutenu M. Dupic qui a dépeint l'accusé en « manipulateur » et en « menteur ».
Ce crime « particulièrement épouvantable », c'est « une affaire de crime conjugal qui est devenue, en raison de la médiatisation, extrêmement emblématique », avait également souligné le magistrat.
Avocat de Jonathan Daval, Randall Schwerdorffer a assuré que le meurtre n'était « pas prémédité, pas réfléchi ». « C'est ce qu'on appelle +un coup de sang+ », a-t-il lancé d'une voix de stentor, arpentant le prétoire face aux jurés qu'il a exhortés à ne pas se livrer à une « boucherie judiciaire ».
« La perpétuité c'est une peine qu'on prononce pour les criminels les plus dangereux de la société: Francis Heaulme, tueur d'enfants, Michel Fourniret, Marc Dutroux, Guy Georges... Quel est le point commun avec Jonathann Daval ? Aucun. Si, la médiatisation », a poursuivi Me Schwerdorffer.
« Jonathann est effectivement un criminel. Il ne le conteste pas, vous allez le juger. Mais un jugement ce n'est pas une vengeance. Ce qu'on vous réclame, sur les bancs des parties civiles, c'est une vengeance, à cause des médias, des mensonges, parce qu'il a trahi ses beaux-parents (...) Tout ce qui fait l'affaire Daval, c'est la médiatisation », a-t-il insisté.
Sa consœur, Me Ornella Spatafora, avait déjà exclu toute « dangerosité criminologique » de Jonathann Daval, appelant les jurés à prononcer " »une peine juste » qui « sanctionnera Jonathann pour ce qu'il a fait et l'homme qu'il est ».
Au cours des débats, Jonathann Daval, un informaticien de 36 ans, avait reconnu avoir tué intentionnellement son épouse.
« J'ai plus d'avenir (...) Je dois payer pour les actes que j'ai commis" », a admis vendredi ce trentenaire émacié aux allures de frêle adolescent, victime mercredi soir d'un malaise vagal en plein interrogatoire.
#Metoo
Jeudi, il était longuement revenu sur le soir du crime, perpétré dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017, sur fond de difficultés conjugales aiguës: Alexia souhaitait ardemment un enfant mais son mari, qui souffrait de troubles de l'érection, la fuyait de plus en plus.
Selon ses dires, il avait refusé une relation sexuelle à son épouse. Il tente, comme à son habitude, de fuir le conflit mais une violente dispute aurait alors éclaté. Puis Alexia l'aurait mordu, provoquant sa rage: « La morsure, ça m'a mis hors de moi ».
Il la frappe et l'étrangle: c'est « la colère de toutes ces années qui est ressortie (...) D'où l'étranglement pour qu'elle se taise », a-t-il dit, arguant qu'Alexia « l'humiliait ».
Le lendemain, il emporte le corps dans un bois et y met le feu avant de donner l'alerte à la gendarmerie, prétendant que sa femme a disparu lors d'un jogging. Le corps d'Alexia sera retrouvé deux jours plus tard.
Pendant trois mois, son visage de veuf éploré était apparu dans tous les médias, avant qu'il ne soit confondu, contribuant à alimenter la médiatisation intense de cette affaire en pleine vague #MeToo.