RENNES, France : Sept militaires comparaissent à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Rennes pour homicide involontaire, huit ans après la noyade du sous-lieutenant Jallal Hami, 24 ans, lors d'une soirée d'intégration à l'école de Saint-Cyr Coëtquidan (Morbihan).
Parmi ces militaires figurent cinq élèves-officiers à l'époque des faits et deux membres de la hiérarchie de l'école. Le général Antoine Windeck, qui dirigeait l'école au moment des faits et avait été mis en examen, a, lui, bénéficié d'un non-lieu.
Jallal Hami s'était noyé dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012, en traversant un étang lors d'une soirée de "bahutage", c'est-à-dire "de transmission des traditions de l'école".
Ayant pour thème le débarquement des Alliés en Provence, cette activité était organisée par des élèves de l'école à l'intention des nouveaux incorporés, qui devaient traverser un étang à la nage, de nuit, sur une distance de 43 mètres, avec casques et rangers, dans une eau à 9°C.
Se jetant à l'eau tous en même temps, alors que résonnait la Walkyrie de Wagner, de nombreux élèves se sont vite retrouvés en difficulté, buvant la tasse, s'agrippant les uns aux autres dans un "embouteillage de nageurs". "Je pensais vraiment que j'allais me noyer et que c'était fini pour moi", a confié un élève aux enquêteurs.
"Toutes les conditions étaient réunies pour qu'un drame survienne", a commenté Jean-Guillaume Le Mintier, avocat de la famille du disparu.
Le soir du drame, des bouées avaient été lancées par les organisateurs pour extirper les élèves, avant que Jallal Hami ne soit signalé manquant. Prévenus une heure plus tard, les pompiers repèreront son corps près de la berge à 02H35 du matin.
"Des noms et des visages"
Né en Algérie, M. Hami avait rejoint la France en 1992, avec sa mère et ses frères, pour fuir la guerre civile dans son pays. Diplômé de Sciences Po, très sportif, étudiant le mandarin, il rêvait de longue date d'intégrer Saint-Cyr, école où il était entré directement en troisième année.
Sa famille "attend de mettre des noms et des visages sur ce drame", explique Me Le Mintier. "Cela fait huit ans qu'ils attendent cette audience. Pour eux, ce n'est pas le procès de l'institution, c'est le procès de quelques hommes."
Le plus difficile à entendre pour la famille, "c'est qu'on puisse oublier un homme dans l'eau et mettre 1h10 avant de prévenir la hiérarchie", souligne l'avocat.
La plupart des prévenus devraient cependant plaider la relaxe, en invoquant notamment la nécessité, aux termes de la loi, de prouver l'existence d'une "faute caractérisée" avant de condamner une personne pour homicide involontaire.
"Les preuves sont insuffisantes, il faut relaxer", soutient ainsi Me William Pineau, avocat du général de brigade Francis Chanson, directeur de la formation au moment des faits. "Mon client attend avec sérénité et respect la décision qui sera rendue par la justice", ajoute-t-il.
Au contraire, Marc Assier de Pompignan, élève-officier au moment des faits, a "choisi de ne pas discuter, même juridiquement, l'infraction qui lui est reprochée", a expliqué son avocat Me Thierry Fillion.
Celui qui alors était le "père-système" de la promotion, co-responsable de l'organisation de l'activité, "se reproche depuis ce jour de ne pas avoir fait arrêter l'exercice", a ajouté Me Fillion. "Sa morale et son honneur de militaire lui font dire qu'il doit assumer sa part de responsabilité", précise-t-il.
Le procès, prévu sur une semaine, doit s'achever vendredi 27 novembre. L'homicide involontaire est puni de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.