PARIS: En ne rapatriant pas les femmes et les enfants détenus dans des camps en Syrie, la France viole la Convention contre la torture car le pays a "l'obligation" de les protéger, selon une décision du Comité contre la torture de l'Onu consultée samedi par l'AFP.
"Le Comité contre la torture des Nations Unies le confirme: notre pays fait le choix d'abandonner des enfants et leurs mères en zone de guerre en ayant parfaitement conscience de la souffrance qu'ils endurent et des violences auxquelles ils sont exposés", réagit dans un communiqué Me Marie Dosé, avocate de familles de femmes et d'enfants retenus dans les camps du nord-est syrien.
"Cent cinquante enfants et leurs mères affrontent un cinquième hiver" dans ces camps sous contrôle des forces kurdes, rappelle-t-elle.
Le Comité avait été saisi en 2019 par des familles de ces femmes et enfants, considérant que la France, en ne procédant pas à leur rapatriement, violait les articles 2 et 16 de la Convention contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants.
L'Etat français, dans ses observations transmises au comité onusien et citées dans la décision rendue jeudi, a notamment considéré que la Convention n'imposait pas à un pays de protéger ses ressortissants dans un territoire qui n'est pas sous sa juridiction.
En outre, la France "n'a aucunement la capacité de procéder aux rapatriements" qui ne dépendent "pas uniquement (...) de la seule volonté du gouvernement", avançant notamment l'accord des autorités dans le nord-est syrien et des mères.
Ces arguments ont été rejetés par le Comité qui estime que même si l'Etat français "n'est pas à l'origine des violations subies" par les femmes et les enfants dans les camps, "il demeure toujours dans l'obligation" de les protéger "contre des violations graves des droit de l'homme en prenant toutes les mesures nécessaires et possibles".
Ne pas prendre de "mesures efficaces" pour les protéger et ne pas les rapatrier "constituerait une violation (...) de la Convention", conclut le Comité.
La France a déjà été condamnée en 2022 par le Comité des droits de l'enfant puis la Cour européenne des droits de l'homme pour son manque d'action dans le retour de femmes et de mineurs.
Après des années de rapatriements au cas par cas, la France a procédé à deux retours massifs de femmes et de mineurs en juillet et octobre.
La décision de cet organisme de l'ONU n'est pas contraignante mais la France est invitée à lui transmettre les décisions prises "pour donner suite (à ses) observations" dans les 90 jours.