NOGENT-SUR-MARNE: Elisabeth Borne a défendu son projet de réforme des retraites "porteur de progrès social" lors d'une intervention surprise dans une réunion publique dans le Val-de-Marne, à l'image de sa majorité qui se prépare à l'épreuve de force à la veille des premières manifestations.
La Première ministre n'était pas annoncée devant la petite centaine de personnes conviées par le député Renaissance Mathieu Lefevre dans cette salle du théâtre Watteau de Nogent-sur-Marne. Mais l'important dispositif sécuritaire autour du site laissait entrevoir un invité plus sensible que le ministre du Travail, Olivier Dussopt.
À la veille de la première journée de grèves contre la retraite à 64 ans, qui s'annonce très suivie, la majorité se déploie. "On n'engage pas une réforme des retraites à la légère. Je suis parfaitement consciente que c'est un sujet très délicat, très sensible, qui pose forcément beaucoup de questions à tous les Français", a entamé Mme Borne.
"N'y avait-il pas d'autres moyens pour que ça soit moins brutal pour nous ?", lui a demandé une salariée, contrainte de travailler "un an de plus" avec le projet de réforme. En guise de réponse, la Première ministre s'est dite "déterminée" à "changer le regard que les entreprises portent sur les seniors".
Un sapeur-pompier à la retraite a demandé "pourquoi il n'a pas été possible" d'inclure "d'autres sources de financement" pour équilibrer le système que le report de l'âge légal et l'accélération de la réforme Touraine, "pour réussir un consensus plus large et faire nation".
"On a un cap qui est de ne pas alourdir le coût du travail", a répondu la Première ministre.
Un aiguilleur du ciel et "Marcheur de la première heure" a dit ne pas comprendre pourquoi demander à certains salariés "de cotiser 44 ans, alors qu'au bout de 43 ans, je pense qu'ils ont fait le job".
"Dans le projet, personne ne devra travailler plus de 44 ans", a répondu Mme Borne. Mais avec sa réforme, a-t-elle assuré, "on n'a jamais eu un système aussi protecteur pour les personnes qui ont commencé à travailler tôt".
L'heure n'est pas aux atermoiements dans la majorité, alors que le président Emmanuel Macron joue sa crédibilité réformatrice. "On s'attarde beaucoup sur la mobilisation sociale et syndicale. Mais on a aussi une partie de nos électeurs attachée à l'équilibre" des comptes, explique un dirigeant de Renaissance.
L'équation est d'autant plus compliquée pour le parti présidentiel Renaissance que l'exécutif doit composer avec Les Républicains, sans oublier de ménager les alliés d'Horizons et du MoDem.
«Faisons bloc»
"J'approuve totalement cette réforme", a appuyé Édouard Philippe, dans un entretien à la Charente libre. Mais l'ancien Premier ministre a également distillé quelques critiques feutrées ces derniers jours sur la politique menée. Quant à François Bayrou (MoDem), il a jugé la réforme "améliorable".
"Quand on a des amis comme ça, on n'a pas besoin d'ennemis", ironise un ministre.
Chez Renaissance, on est donc d'autant plus prié de garder le cap. "Aucune voix ne manquera" dans les rangs des députés du parti présidentiel, a assuré mercredi leur présidente, Aurore Bergé.
Mais plusieurs dissonances se sont faites entendre, telle l'ancienne ministre et députée Barbara Pompili qui a expliqué lundi qu'elle ne "pourrai(t) pas voter pour" la réforme "à ce stade". Son parti, En Commun, a publié mercredi ses propositions sur les carrières longues, les seniors, les jeunes et le volet pénibilité.
Mardi, un autre député Renaissance, Patrick Vignal, a déclaré qu'il "ne votera pas cette loi" si "elle n'évolue pas", plaidant notamment pour des aménagements sur la question de l'emploi des séniors.
"Faisons bloc", a réagi mercredi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui souhaite une majorité "très unie" et "très enthousiaste" au soutien du gouvernement.
Nombre de députés macronistes sont nostalgiques du système universel de retraite abandonné lors du précédent quinquennat, jugé plus conforme à l'ADN présidentiel, et tous ne sont pas à l'aise avec le report de l'âge légal à 64 ans. Mais "la présentation de la réforme" le 10 janvier par Élisabeth Borne "a plutôt rassuré sur son équilibre", relativise l'un d'entre eux.