La «simplification» de l'enquête pénale, entre pouvoirs des policiers et droits des justiciables

Le ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti quitte le palais présidentiel de l'Elysée après avoir assisté à la réunion hebdomadaire du cabinet à Paris, le 11 janvier 2023. (AFP).
Le ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti quitte le palais présidentiel de l'Elysée après avoir assisté à la réunion hebdomadaire du cabinet à Paris, le 11 janvier 2023. (AFP).
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Publié le Mardi 17 janvier 2023

La «simplification» de l'enquête pénale, entre pouvoirs des policiers et droits des justiciables

  • Missionné par Eric Dupond-Moretti, le comité d'experts chargé de cette réforme et de la réécriture du code de procédure pénale s'est réuni pour la première fois lundi
  • Ce comité devra affiner l'architecture actuelle qui repose sur trois types d'enquêtes

PARIS : C'est un point ultrasensible du plan justice: la "simplification" de l'enquête pénale, promise par le garde des Sceaux et dont le chantier a démarré lundi, devra faciliter le travail des policiers et gendarmes sans nuire aux libertés individuelles.

Missionné par Eric Dupond-Moretti, le comité d'experts chargé de cette réforme et de la réécriture du code de procédure pénale s'est réuni pour la première fois lundi et devra affiner l'architecture actuelle qui repose sur trois types d'enquêtes.

Trois enquêtes aux contours variables

. L'enquête de flagrance est celle qui donne les coudées les plus franches aux forces de l'ordre. Un officier de police judiciaire (OPJ) peut ainsi adresser des réquisitions à des organismes privés ou publics (Sécu...) sans l'aval du procureur et lancer des perquisitions sans l'assentiment du mis en cause.

Comme dans les autres types d'enquête, l'OPJ peut par ailleurs ordonner des gardes à vue sans autorisation préalable du procureur mais en l'informant dans les plus brefs délais, sous peine de nullité.

La flagrance est toutefois réservée aux crimes ou délits qui se sont produits dans les dernières quarante-huit heures et sa durée est limitée: huit jours, renouvelable une fois sur décision du procureur.

Dans l'enquête préliminaire, le contrôle du parquet est plus étroit. Pour demander l'adresse d'un mis en cause à un opérateur téléphonique, les enquêteurs doivent ainsi obtenir l'aval du procureur.

"Ça crée une charge très importante pour un contrôle qui devient, au final, purement formel parce que les autorisations sont systématiquement accordées", explique un magistrat interrogé par l'AFP.

Les actes les plus attentatoires aux libertés individuelles, comme la mise sur écoute ou des perquisitions sans consentement du mis en cause, nécessitent, eux, le feu vert d'un juge des libertés et de la détention.

Depuis décembre 2021, la durée maximale de ces enquêtes a été limitée à deux ans, prolongeable d'un an.

. L'information judiciaire enfin est une enquête menée par un juge d'instruction, statutairement indépendant, qui peut ordonner lui-même écoutes ou perquisitions.

Le justiciable, une fois mis en examen, a accès au dossier, un droit dont il ne bénéficie pas dans une enquête préliminaire. Très médiatisées, les "infojuds" ne représentent toutefois que 3% des enquêtes pénales, selon le rapport des Etats généraux de la justice.

Un débat sous tensions

Fruit de huit mois de consultations, ce rapport a fait le constat que cette coexistence de trois types d'enquêtes "contribuait à la complexité actuelle de la conduite des investigations" et a appelé, prudemment, à une réflexion sur le sujet.

Derrière une possible réforme, se joue un équilibre subtil.

"On met le doigt dans un engrenage hyper complexe", souligne le magistrat interrogé par l'AFP, évoquant de "grandes tensions entre la nécessité d'avoir des enquêtes efficaces et la protection des libertés individuelles".

Comme l'a reconnu lui-même M. Dupond-Moretti, cette simplification répond aux souhaits des enquêteurs qui se plaignent régulièrement de procédures trop complexes.

"Aujourd'hui, les dispositions se répondent les unes aux autres, il y a des exceptions dans l'exception, des superpositions au fil des modifications, on ne s'y retrouve pas", disait récemment à l'AFP un enquêteur d'office central.

Certains redoutent que la réforme ne conduise à faire disparaître l'enquête préliminaire au profit de la flagrance.

"On réduirait le contrôle des atteintes aux libertés publiques sous couvert de l'efficacité des enquêtes", fait valoir à l'AFP Romain Boulet, coprésident de l'Association des avocats pénalistes.

Me Boulet souhaiterait au contraire que le régime le plus protecteur "bénéficie à tout le monde" et que les justiciables aient un accès accru au dossier, quel que soit le cadre d'enquête.

"Il faut maintenir une certaine dose de secret", rétorque le magistrat sondé par l'AFP. "Les avocats seront toujours en demande de plus d'accès au dossier pour construire une stratégie de défense".

Dans leurs conclusions, les Etats généraux avaient estimé qu'en raison des "impératifs" relatifs aux droits de la défense, une unification ne "pourrait s'opérer qu'en direction de l'enquête préliminaire" mais qu'une telle solution aboutirait à "une complexification".


Mandat d'arrêt contre Netanyahu: Barrot évoque des «questions d'immunité» pour «certains dirigeants»

Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, interrogé mercredi sur la possibilité d'une arrestation en France du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d'arrêt de la Cour Pénale internationale (CPI), a évoqué de possibles "questions d'immunité" pour "certains dirigeants" prévues par le traité de Rome. (AFP)
Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, interrogé mercredi sur la possibilité d'une arrestation en France du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d'arrêt de la Cour Pénale internationale (CPI), a évoqué de possibles "questions d'immunité" pour "certains dirigeants" prévues par le traité de Rome. (AFP)
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  • "La France est très attachée à la justice internationale et appliquera le droit international, qui repose sur ses obligations à coopérer avec la CPI"
  • Tout en soulignant que le statut de la cour "traite des questions d'immunité sur certains dirigeants"

PARIS: Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, interrogé mercredi sur la possibilité d'une arrestation en France du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d'arrêt de la Cour Pénale internationale (CPI), a évoqué de possibles "questions d'immunité" pour "certains dirigeants" prévues par le traité de Rome.

"La France est très attachée à la justice internationale et appliquera le droit international, qui repose sur ses obligations à coopérer avec la CPI", a déclaré M. Barrot sur franceinfoTV, tout en soulignant que le statut de la cour "traite des questions d'immunité sur certains dirigeants". "C'est en dernier ressort à l'autorité judiciaire qu'il appartiendra de se prononcer", a-t-il ajouté.


Macron empoche une victoire diplomatique avec le cessez-le-feu au Liban

Le président français Emmanuel Macron assiste à une cérémonie marquant le 80e anniversaire de la libération de Strasbourg, sur la place Broglie à Strasbourg, dans l'est de la France, le 23 novembre 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron assiste à une cérémonie marquant le 80e anniversaire de la libération de Strasbourg, sur la place Broglie à Strasbourg, dans l'est de la France, le 23 novembre 2024. (AFP)
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  • "Pour la France, c'est un succès", abonde Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, en rappelant la douche froide de septembre où la même initiative avait été torpillée
  • Emmanuel Macron, qui s'était alors beaucoup impliqué au côté des Etats-Unis durant l'Assemblée générale des Nations unies, "avait vraiment pris ça comme une gifle", ajoute-t-elle

PARIS: Il œuvrait depuis des semaines avec Washington à une trêve. L'annonce du cessez-le-feu au Liban offre à Emmanuel Macron une rare victoire diplomatique au Proche-Orient, à quelques jours d'une visite d'Etat en Arabie saoudite.

"C'est un retour inespéré de la diplomatie française. Le Liban réhabilite le rôle de la France au Proche-Orient", résume à l'AFP Hasni Abidi, directeur du Centre d'études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

"Pour la France, c'est un succès", abonde Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, en rappelant la douche froide de septembre où la même initiative avait été torpillée au dernier moment par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Emmanuel Macron, qui s'était alors beaucoup impliqué au côté des Etats-Unis durant l'Assemblée générale des Nations unies, "avait vraiment pris ça comme une gifle", ajoute-t-elle.

Les Français sont restés depuis activement engagés dans les négociations, de concert avec les Américains, même si les Israéliens ont "voulu les en faire sortir", souligne une source française proche du dossier.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, dont les relations avec le président français sont notoirement tendues, a d'ailleurs, mardi soir, avant tout remercié l'américain Joe Biden "pour son implication" dans la trêve.

Le locataire sortant de la Maison Blanche a en revanche salué son homologue français pour "son partenariat" dans la négociation, entre Israël et le Hezbollah.

Je tenais à saluer l’accord de cessez-le-feu agréé ce jour entre Israël et le Liban. pic.twitter.com/0vHbMBLOFe

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 26, 2024

"Besoin de nous" 

Selon plusieurs sources sollicitées par l'AFP, Américains et Libanais ont insisté pour que la France reste dans le jeu en raison notamment de ses contacts avec le mouvement chiite libanais et l'Iran, qui le soutient.

"Les Américains avaient besoin de nous pour le Hezbollah", affirme un diplomate français. "Ils ont essayé de jouer (tout seuls) mais ça n'a pas marché donc les Français ont apporté leur plus-value traditionnelle", dit-il.

La France, en perte de vitesse ces dernières années au Moyen-Orient, retrouve ainsi sa "place traditionnelle" entre les différents acteurs de la région, relève-t-il. "De ce point de vue là, c'est une victoire".

Selon Hasni Abidi, les Libanais ont de leur côté "insisté sur la présence de la France car ils ne font pas confiance aux Américains, qui ont montré leur alignement total sur la position israélienne".

L'annonce tombe en tout cas à pic pour Emmanuel Macron, en mauvaise posture en France depuis la dissolution ratée de l'Assemblée nationale en juin et qui espère retrouver du souffle sur la scène internationale.

Le chef de l'Etat a jusqu'ici rarement été récompensé de ses efforts diplomatiques, de la Libye à l'Ukraine, où il a même essuyé de vives critiques pour avoir continué à dialoguer avec Vladimir Poutine après le début de l'offensive russe en février 2022.

Sans oublier le Liban, ancien protectorat français, où Emmanuel Macron a tenté en vain depuis 2020 de résoudre la crise institutionnelle qui paralyse le pays en mettant la pression sur ses responsables politiques.

"Mission délicate" 

Une telle annonce à quelques jours de sa visite d'Etat en Arabie saoudite, du 2 au 4 décembre, constitue aussi un atout potentiel pour le président français.

Il peut "essayer d'embarquer les Saoudiens" en faveur d'une stabilisation du Liban, notamment financière, même si le prince héritier Mohammed ben Salmane n'a peut-être "pas (forcément) cet objectif", esquisse Agnès Levallois.

Au-delà de l'annonce, le chemin s'annonce encore long pour la mise en œuvre effective du cessez-le-feu sur le terrain même si Paris et Washington vont "veiller" à ce que ce soit le cas.

Benjamin Netanyahu a d'ores et déjà annoncé qu'Israël conserverait une "totale liberté d'action militaire" au Liban, "en accord" avec les Etats-Unis, et "répondra" si le Hezbollah viole la trêve.

"Concrètement, comment les choses vont-elle se passer s'il y a un problème ?", s'interroge Agnès Levallois en notant que l'armée libanaise n'aura "pas beaucoup de moyens" pour faire tampon entre le mouvement chiite et l'armée israélienne.

Face à tous ces enjeux, "la France est face à une mission délicate: conserver son indépendance et sa ligne d'influence tout en gardant la confiance de tous les acteurs", avertit Hasni Abidi.


Mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu: la France «doit appliquer les règles», estime Braun-Pivet

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.  L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire. L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
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  • La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif
  • "A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a estimé mardi qu'en tant que signataire du statut de la Cour pénale internationale, la France "doit appliquer les règles" et arrêter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'il venait sur le territoire hexagonal.

"A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio.

La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

"C'est toute la difficulté de la justice internationale (...), c'est quand même compliqué d'avoir une justice qui n'est pas reconnue par tous", a estimé la présidente de l'Assemblée française, défendant néanmoins "la stricte application du droit".

"En vertu de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas d'injonction à faire au gouvernement et au pouvoir exécutif", a-t-elle précisé, "mais, en tout état de cause, il nous faut tirer les conséquences de cette adhésion à la CPI, évidemment".

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.

L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

A l'inverse, la Hongrie a invité le chef du gouvernement israélien en signe de défiance.