VERSAILLES: Rarissime: le parquet de Versailles a requis le renvoi devant une cour d'assises d'un policier, poursuivi pour avoir "donné volontairement la mort" en octobre 2020 à Olivio Gomes, un automobiliste de 28 ans.
Il appartient désormais à la juge d'instruction chargée du dossier d'ordonner ou non son renvoi.
Dans la nuit du 16 au 17 octobre 2020, le fonctionnaire de la BAC de nuit de Paris est accusé d'avoir tué Olivio Gomez après l'avoir pris en filature depuis la capitale, et jusqu'en bas de chez lui, dans la cité Beauregard à Poissy (Yvelines).
La voiture d'Olivio Gomes avait été repérée auparavant par le fonctionnaire, âgé de 29 ans au moment des faits, et deux de ses collègues de la BAC, après des "manœuvres erratiques" sur le périphérique parisien.
A son bord, Olivio Gomes, le conducteur et deux passagers, de 29 et 33 ans, tous originaires des Yvelines.
Pendant plusieurs kilomètres, les policiers ont suivi la voiture sur le périphérique puis sur l'A13, sans se faire remarquer. Une première version des policiers évoquait un refus d'obtempérer.
Selon des vidéos de surveillance, les policiers se sont signalés auprès du véhicule d'Olivio Gomes 15 km plus loin, au niveau de la ville du Chesnay (Yvelines).
Le conducteur, sans permis et sous l'emprise de l'alcool et du cannabis, a ensuite immobilisé sa voiture à Poissy, en bas de sa résidence. Aucun excès de vitesse n'est signalé sur le trajet.
Ces éléments "ne pouvaient légitimement laisser penser aux policiers qu'ils se trouvaient confrontés à des individus dangereux" et "prêts à tout pour s'échapper", selon une source proche de l'enquête.
Selon la version des faits présentée par le policier, ce dernier a ouvert le feu sur le véhicule au moment où, arrivé à Poissy, il a redémarré et lui a foncé dessus.
«Intention d'homicide volontaire»
Olivio Gomes est touché par trois balles: à l'épaule, au cou et à l'omoplate gauche. Il a eu aussi les deux poumons perforés.
"En utilisant à trois reprises une arme potentiellement létale, dont il connaissait parfaitement le maniement, en visant et atteignant" la victime, "il ne pouvait, à ce moment précis des tirs, n'être animé que d'une intention d'homicide volontaire", selon la source.
Sa version a été rapidement remise en cause par l'enquête dont les éléments n'ont pas permis de démontrer que la voiture avait foncé sur le policier, considéré comme un "excellent tireur" par ses collègues.
Moins d'une semaine après les faits, l'auteur des tirs a été mis en examen pour "homicide volontaire" et placé sous contrôle judiciaire.
Selon les expertises, il ne se trouvait pas "en danger" et pas "sur la trajectoire du véhicule".
La Clio "ne pouvait matériellement pas atteindre" le policier, "qui se trouvait protégé" par son propre véhicule, "empêchant toute manœuvre visant à foncer directement sur" lui.
Sa réaction apparait "pour le moins disproportionnée" et la légitime défense "ne peut être retenue", affirme encore la source.
"Si le parquet sollicite son renvoi devant une cour d'assises, nous contesterons cette position qui est contraire aux éléments que nous avons pu relever dans le dossier qui légitiment l'action de feu", a réagi l'avocat du policier, Laurent-Frank Lienard, qui n'avait pas pris connaissance du réquisitoire définitif, signé le 6 janvier.
L'avocat de famille d'Olivio Gomes n'a pas souhaité commenter.
"Je vois cela comme une nouvelle victoire, depuis le début ce sont que des petites victoires: les expertises, la reconstitution... Les vérités sortent. Aujourd'hui, il reste une seule réponse pour que l'on soit fixé, celle de la juge", a déclaré Leonel Gomes, le frère de la victime.