Nada Yafi: «La langue arabe est inséparable du patrimoine français»

Nada Yafi a également été  directrice du Centre de langue et de civilisation arabes à l’Institut du Monde Arabe (Photo, Twitter/IMA).
Nada Yafi a également été directrice du Centre de langue et de civilisation arabes à l’Institut du Monde Arabe (Photo, Twitter/IMA).
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Publié le Dimanche 15 janvier 2023

Nada Yafi: «La langue arabe est inséparable du patrimoine français»

  • Dans son livre «Plaidoyer pour la langue arabe» Nada Yafi dresse un état des lieux contrasté de la situation de la langue arabe en France
  • Yafi, ancienne diplomate française, s’arrête sur le paradoxe d’une langue arabe «célébrée dans le monde académique et dénigrée dans le monde médiatique»

PARIS: En moins de deux cents pages fournies et très bien documentées, l’ancienne diplomate française Nada Yafi dresse un état des lieux contrasté de la situation de la langue arabe en France de nos jours.

« Plaidoyer pour la langue arabe », publié dans la collection Orient XXI de la maison d’édition Libertalia est également une sorte d’aboutissement de la riche carrière qui est celle de Nada Yafi.

Indépendamment de ses origines libanaises qui font d’elle une arabisante, l’arabe a jalonné la vie professionnelle de l’autrice dans les différentes fonctions qu’elle a occupées : Interprète officielle des autorités françaises du temps des deux anciens présidents François Mitterand et Jacques Chirac, puis diplomate servant comme consule générale à Dubaï et ambassadrice au Koweït, par la suite directrice du Centre de langue et de civilisation arabes à l’Institut du Monde Arabe et enfin éditrice de la page arabe d’Orient XXI.

Cette longue carrière a permis à Nada Yafi d’identifier une ambivalence dans le traitement de la langue arabe en France.

Plaidoyer pour la langue arabe,  publié dans la collection Orient XXI de la maison d’édition Libertalia est également une sorte d’aboutissement de la riche carrière qui est celle de Nada Yafi (Photo, IMA).
Plaidoyer pour la langue arabe,  publié dans la collection Orient XXI de la maison d’édition Libertalia est également une sorte d’aboutissement de la riche carrière qui est celle de Nada Yafi (Photo, IMA).

Le paradoxe explique-t-elle à Arab News en français, réside dans le fait que la langue arabe est « célébrée dans le monde académique et dénigrée dans le monde médiatique ».

Régulièrement, tous les deux ans depuis une décennie, des polémiques autour de la langue arabe et de son enseignement à l’école publique ont eu lieu,  autour d’une langue souvent « diabolisée » et accusée « d’accointances dangereuses ».

A l’opposé ajoute Yafi, « dans l’enseignement supérieur la langue arabe est considérée comme une langue de prestige, et une filière d’excellence ». C’est une langue utilisée par

« tout un réseau de centres de recherches appartenant à la France qui ont besoin d’arabisants ».

C’est une langue qui bénéficie de l’existence d’un institut culturel qui n’a pas son pareil dans d’autres pays à savoir l’Institut du Monde Arabe, qui a également recours à des arabisants.

C’est une langue enseignée dans le réseau scolaire français à l’étranger où environ 150 mille élèves apprennent l’arabe.

Enquête personnelle

C’est surtout une langue très ancienne dans le paysage français, qui remonte même au temps des croisades.

Pour comprendre la raison de ce paradoxe, Nada Yafi s’est attachée à mener une enquête personnelle, prenant à témoin non seulement son  expérience d’interprète et de diplomate, mais également des enseignants, des sociologues, des linguistes et des personnalités politiques.

« Dès que je touchais à la question de la langue arabe » assure-t-elle « je voyais  remonter à la surface d’autres questions comme l’immigration ou les attaques terroristes, qui n’ont rien à voir avec la langue et sont d’essence politique ».

La raison majeure de ce paradoxe lui semblait être la confusion de la langue arabe avec l’Islam voire l’islamisme.

Certes l’arabe est, dans son usage classique et liturgique,  la langue du Coran, mais la langue a plusieurs autres fonctions, littéraire, véhiculaire, ornementale, musicale, dont l’usage ne se limite pas aux seuls musulmans.

L’arabe « est utilisé par les natifs de la langue mais également par d’autres, notamment des Arabes chrétiens. Le monde arabe recoupe le monde musulman dans certaines de ses parties mais ne peut pas être confondu avec lui ».

La langue arabe a préexisté à l’islam

Cette langue, selon l’autrice, a voyagé « bien au-delà d’une région et d’une religion ». Elle a d’ailleurs préexisté à l’islam. Il y avait notamment, dès l’ère pré-islamique, des poètes juifs de langue arabe. Par la suite des théologiens et des philosophes juifs ont écrit leurs œuvres en arabe, tels Saadia Gaon au Xe siècle ou Moise Maimonide au XIIe.

Yafi rappelle dans son plaidoyer le rôle de passeur de culture joué par la langue arabe à l’époque abbasside puis andalouse, par la traduction de précieux ouvrages philosophiques et scientifiques, notamment de l’antiquité grecque, qui avaient été perdus dans leur texte original. Ces ouvrages traduits en arabe, souvent enrichis de commentaires et de nouvelles découvertes, ont ensuite été restitués à l’Europe à travers les traductions latines et romanes.

L’autrice se penche aussi sur le grand moment de la « Nahda », fin XIXème début XXème siècle qui a connu des traductions vers l’arabe à partir des langues européennes.

Cette langue a sans cesse été en contact avec d’autres aires linguistiques et d’autres cultures, ce qui fait dire à Yafi que « c’est  une langue traversière et non une langue communautaire contrairement à ce que prétendent certains. Il y a là une forme d’inculture affligeante de la part de certaines personnalités politiques, « c’est une vision monolingue qui n’est plus en accord avec un monde globalisé».

Le livre est nourri de multiples lectures et de rencontres, qui ont finalement mené au constat d’un « passé non « digéré » dans l’imaginaire collectif français, un passé non résolu parce qu’il n’a pas été suffisamment traité dans le débat public et donc un passé non révolu ». Il s’agit essentiellement de l’héritage colonial: il existe une difficulté à penser la question algérienne,  et cet « impensé algérien » sous-tend toutes les polémiques autour d’une langue perçue comme étant avant tout celle de l’immigration. Or l’immigration arabe en France est majoritairement de descendance algérienne.

«Retour du refoulé»

L’ex-diplomate indique cependant une perspective encourageante avec un certain « retour du refoulé » depuis quelque temps. Malgré l’instrumentalisation idéologique de la question par une certaine droite et par l’extrême droite, une prise de conscience de la nécessité de revisiter le passé se fait actuellement jour dans la presse, la littérature et l’art, tout comme dans les déclarations publiques.

Nada Yafi, ancienne ambassadrice de France au Koweït aux cotes de l'ambassadeur britannique au Koweït Frank Baker lors la séance d'ouverture d’une législature le 15 février 2012 a Koweït (Photo, AFP/Archives).
Nada Yafi, ancienne ambassadrice de France au Koweït aux cotes de l'ambassadeur britannique au Koweït Frank Baker lors la séance d'ouverture d’une législature le 15 février 2012 a Koweït (Photo, AFP/Archives).  

Selon Yafi « c’est la question du vivre ensemble qui est posée à travers la langue ». Si la langue arabe est inséparable de la civilisation arabo-musulmane, une civilisation qui a intégré de multiples apports ethniques et religieux, elle est tout aussi inséparable du patrimoine français » assure- t-elle. Elle est  liée à l’avenir de notre pays, qui est « une puissance méditerranéenne également ouverte sur la région du golfe ». Elle est pour la France un atout politique, stratégique, culturel et commercial dans la mondialisation.


Le 87ème prix Albert Londres sera remis le 25 octobre à Beyrouth

Le journaliste français et président du Prix Albert Londres, Hervé Brusini, s'exprime lors du dévoilement d'une plaque commémorative en hommage au caméraman de l'AFP Arman Soldin, tué en Ukraine, sur l'esplanade du Centre universitaire de Vichy, dans le centre de la France, le 7 mai. (AFP)
Le journaliste français et président du Prix Albert Londres, Hervé Brusini, s'exprime lors du dévoilement d'une plaque commémorative en hommage au caméraman de l'AFP Arman Soldin, tué en Ukraine, sur l'esplanade du Centre universitaire de Vichy, dans le centre de la France, le 7 mai. (AFP)
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  • La capitale libanaise devait l'an dernier accueillir les délibérations de la plus prestigieuse récompense de la presse francophone, mais les bombardements israéliens sur plusieurs régions du Liban ont obligé le jury à rapatrier ses travaux sur Paris
  • "Il y a d'abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse", écrit Albert Londres en novembre 1919, cité par le communiqué de l'association

PARIS: Le 87ème prix Albert Londres, qui récompense le meilleur reportage écrit et audiovisuel francophone de l'année, sera remis le 25 octobre à Beyrouth, a annoncé mercredi l'association.

La capitale libanaise devait l'an dernier accueillir les délibérations de la plus prestigieuse récompense de la presse francophone, mais les bombardements israéliens sur plusieurs régions du Liban ont obligé le jury à rapatrier ses travaux sur Paris.

"Il y a d'abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse", écrit Albert Londres en novembre 1919, cité par le communiqué de l'association.

"Mais l'histoire en décida autrement. Quand le journaliste est revenu dans la région dix ans plus tard, les mots massacres et assassinats se sont imposés sous sa plume. Le conflit israélo-palestinien voyait ses premières victimes", poursuit le texte.

"Déjà ! Près de cent ans plus tard, la tragédie est massive. Informer est un enjeu vital malgré les bombes, malgré les murs. Le Prix Albert Londres se devait d'aller y voir. Le propre du reportage, en somme".

L'association Albert Londres a dévoilé la liste des articles, films et livres pré-sélectionnés pour l'édition 2025, sur 134 candidatures.

Pour le 87ème prix de la presse écrite, ont été choisis : Eliott Brachet (Le Monde), Julie Brafman (Libération) , Emmanuel Haddad (L'Orient-Le Jour), Iris Lambert (Society, Libération), Ariane Lavrilleux (Disclose), Célian Macé (Libération), Matteo Maillard (Libération, Jeune Afrique) et Arthur Sarradin (Libération, Paris Match).

Pour le 41ème prix audiovisuel, ont été retenus : Solène Chalvon-Fioriti pour "Fragments de guerre" (France 5), Marianne Getti et Agnès Nabat pour "Tigré : viols, l'arme silencieuse" (Arte), Jules Giraudat et Arthur Bouvart pour "Le Syndrome de La Havane" (Canal+), Julien Goudichaud pour "Calais-Douvres, l'exil sans fin" (LCP), Louis Milano-Dupont et Elodie Delevoye pour "Rachida Dati, la conquête à tout prix" (France 2) et Solène Oeino pour "Le Prix du papier" (M6).

Pour le 9ème prix du livre, ont été désignés Charlotte Belaich et Olivier Pérou pour "La Meute" (Flammarion), Siam Spencer pour "La Laverie" (Robert Laffont), Quentin Müller pour "L'Arbre et la tempête" (Marchialy) et Elena Volochine pour "Propagande : l'arme de guerre de Vladimir Poutine" (Autrement).

L'an dernier, la journaliste du Monde Lorraine de Foucher avait remporté le prix pour l'écrit pour ses reportages et enquêtes sur les viols de Mazan, les migrantes violées et encore les victimes de l'industrie du porno.

Le prix de l'audiovisuel avait été décerné à Antoine Védeilhé et Germain Baslé pour leur film "Philippines: les petits forçats de l'or" (Arte) et le prix du livre avait couronné Martin Untersinger pour "Espionner, mentir, détruire" (Grasset), une enquête sur les attaques dans le cyberespace.

Créé en 1933 en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté de 5.000 euros pour chacun des candidats, qui doivent avoir moins de 41 ans.


Des projets architecturaux saoudiens parmi les 15 finalistes du nouveau prix RIBA

Le Wadi Safar Experience Center est une porte d'entrée vers le développement plus large de Wadi Safar et s'inspire du style vernaculaire Najdi. (Fourni)
Le Wadi Safar Experience Center est une porte d'entrée vers le développement plus large de Wadi Safar et s'inspire du style vernaculaire Najdi. (Fourni)
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  • Deux projets innovants situés à Riyad – le parc King Salman et le centre d’expérience de Wadi Safar – ont été sélectionnés parmi les 15 finalistes du nouveau prix RIBA
  • Ce prix célèbre des projets ayant un impact social fort et une vision durable

DUBAÏ : Riyad s'impose comme un centre du design de pointe, alors que le Royal Institute of British Architects (RIBA) a dévoilé les 15 finalistes de son tout premier prix des bâtiments les plus transformateurs du Moyen-Orient.

Cette nouvelle distinction récompense les projets architecturaux récents ayant le plus d’impact social et de transformation à travers le Golfe, et deux des candidats les plus remarquables se trouvent dans la capitale saoudienne.

Au cœur de la contribution de Riyad figure le parc King Salman, une vaste opération de réhabilitation de l’ancien aéroport de la ville, réalisée par Gerber Architekten, Buro Happold et Setec. Ce projet ambitieux transforme une relique de l’ère aérienne en une oasis urbaine immense, offrant aux habitants et visiteurs un réseau de jardins, de plans d’eau et d’espaces de loisirs. Il met en œuvre des techniques novatrices de régénération des sols désertiques, d’utilisation durable de l’eau et de plantation résistante au climat.

Non loin de là, le centre d’expérience de Wadi Safar sert de porte d’entrée au développement plus large de Wadi Safar. Conçu par Dar Al Omran – Rasem Badran, il s’inspire du style vernaculaire najdi, avec des cours intérieures et un aménagement paysager en bermes de terre créant une atmosphère fraîche et contemplative tout en valorisant le patrimoine régional.

La liste des finalistes met également en lumière l’excellence dans tout le Moyen-Orient. Aux Émirats arabes unis, le sanctuaire des tortues et de la faune de Khor Kalba (Hopkins Architects) soutient la réhabilitation des tortues et oiseaux en danger dans la mangrove ancestrale de Sharjah, avec des pavillons arrondis se fondant dans le paysage côtier. À Dubaï, le centre Jafar du Dubai College (Godwin Austen Johnson) offre un espace STEM flexible, baigné de lumière naturelle, où l’acoustique et l’efficacité énergétique sont prioritaires.

À Doha, le centre Al-Mujadilah et sa mosquée pour femmes (Diller Scofidio + Renfro) réinterprètent de manière contemporaine un espace sacré, avec un toit percé de plus de 5 000 puits de lumière diffusant une lumière naturelle apaisante dans les salles de prière et les espaces communautaires.

Plusieurs projets revisitent les formes patrimoniales dans un contexte contemporain. À Sharjah, The Serai Wing, Bait Khalid Bin Ibrahim (ANARCHITECT) transforme deux maisons familiales des années 1950, autrefois propriétés d’un marchand de perles, en un hôtel boutique alliant préservation du patrimoine et design contemporain.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Cate Blanchett sera à l’honneur au Festival du film d’El Gouna

Cate Blanchett sera l'invitée d'honneur de cette année et recevra le prix Champion de l'humanité. (Getty Images)
Cate Blanchett sera l'invitée d'honneur de cette année et recevra le prix Champion de l'humanité. (Getty Images)
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  • L’actrice australienne sera l’invitée d’honneur du festival égyptien et recevra le Champion of Humanity Award pour son engagement humanitaire auprès des réfugiés en tant qu’ambassadrice du HCR
  • Reconnue pour ses rôles marquants au cinéma et son implication sur scène, Blanchett est aussi saluée pour son action sur le terrain dans des camps de réfugiés, incarnant la vision du festival : le cinéma au service de l’humanité

DUBAÏ : L’actrice et productrice australienne Cate Blanchett sera mise à l’honneur lors de la 8e édition du Festival du film d’El Gouna, en Égypte, qui se tiendra du 16 au 24 octobre.

Elle sera l’invitée d’honneur de cette édition et recevra le Champion of Humanity Award (Prix de la Championne de l’Humanité).

« De ses rôles emblématiques dans Elizabeth, Blue Jasmine et TÁR, à ses collaborations remarquables avec les plus grands réalisateurs, Cate Blanchett a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma mondial », a publié le festival sur Instagram.

« Au-delà de son art, elle continue de défendre des causes humanitaires urgentes en tant qu’ambassadrice de bonne volonté mondiale pour le HCR, reflétant ainsi la vision du festival : le cinéma au service de l’humanité », ajoute le communiqué. « Pour saluer son engagement en faveur des réfugiés et des personnes déplacées de force, Cate Blanchett recevra le Champion of Humanity Award du Festival du film d’El Gouna. »

Cate Blanchett est également connue pour son travail sur scène, ayant été co-directrice artistique de la Sydney Theatre Company. Elle est aussi cofondatrice de Dirty Films, une société de production à l’origine de nombreux films et séries récompensés.

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Depuis 2016, elle occupe le rôle d’ambassadrice de bonne volonté pour le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. À ce titre, elle utilise sa notoriété pour sensibiliser à la cause des réfugiés et encourager le soutien international. Elle a visité des camps de réfugiés et des communautés hôtes dans des pays comme la Jordanie, le Liban, le Bangladesh, le Soudan du Sud, le Niger et le Brésil.

En 2018, elle a reçu le Crystal Award lors du Forum économique mondial en reconnaissance de son engagement humanitaire.

Amr Mansi, fondateur et directeur exécutif du Festival d’El Gouna, a déclaré : « C’est un immense honneur d’accueillir une artiste du calibre de Cate Blanchett. Son talent exceptionnel fascine le public depuis des décennies, et son engagement humanitaire à travers le HCR est véritablement inspirant.

Ce partenariat avec le HCR et la Fondation Sawiris, ainsi que sa venue, illustrent parfaitement la mission essentielle de notre festival : utiliser la force du cinéma pour promouvoir un changement positif et soutenir l’humanité. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com