CHAMPS-SUR-MARNE: S'avançant dans l'allée éclairée par les chandelles de lustres à pampilles, c'est sous les ors et moulures d'un château du XVIIIe siècle, plutôt que dans une austère sous-préfecture, que des nouveaux Français ont la surprise de recevoir leur décret de naturalisation.
Depuis une convention signée cet été entre le Centre des monuments nationaux et le ministère de l'Intérieur, les "cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française" peuvent désormais être régulièrement organisées dans des monuments historiques. Un nouveau dispositif mis en œuvre pour la première fois jeudi au château de Champs-sur-Marne, en région parisienne.
Avec un cadre aussi somptueux, "c'est un message particulier que la France envoie à ses citoyens nouvellement arrivés dans la République", estime Armand Wedi, un réfugié politique congolais qui figure parmi la soixantaine d'heureux élus du jour.
"La France est un grand pays au regard de son Histoire et tous ceux qui arrivent dans la citoyenneté française doivent partager cette Histoire. Donc le faire dans ce château, pour moi c'est quelque chose de formidable", confie à l'AFP cet aide-soignant présent sur le territoire depuis 2013.
Car du haut de ce château, trois siècles le contemplent.
Construite par un financier de Louis XIV, cette maison de plaisance Grand Siècle présente une façade qui a inspiré celle du palais de l'Élysée, bâti une décennie plus tard. Légué à l'État en 1935, le monument était utilisé sous de Gaulle comme résidence pour les chefs d'États africains en visite en France.
Pour cette cérémonie de naturalisation, l'édifice d'architecture classique a exceptionnellement fermé ses portes aux touristes pour la journée.
Dans l'élégant salon de musique au plafond peint, vases de porcelaine et imposants miroirs aux cadres travaillés à la feuille d'or, des chaises et une estrade sonorisée ont été installés. Derrière le buste de Marianne, les baies vitrées ouvrent sur un vaste parc à la française au fond duquel coule la Marne.
«Patrimoine vivant»
"Un monument n'est pas simplement du patrimoine, mais du patrimoine vivant. C'est amené certes à accueillir des visiteurs mais aussi à accueillir des cérémonies comme celle-ci, qui font sens au regard de la République", explique à l'AFP son administrateur Mathias Le Galic.
Ils sont arrivés avec 27 nationalités différentes, ils sont repartis avec la même: française. Pour les naturalisés, le rituel commence par la remise à l'administration de leur titre de séjour, désormais superflu.
L'accession à la nationalité étant effective avec la parution du décret au Journal Officiel, cette cérémonie solennelle tient surtout de la symbolique républicaine. Depuis une vingtaine d'années, elle est systématisée et constitue l'occasion pour l'État de remettre en main propre au récipiendaire son décret de naturalisation.
Après un film expliquant les grands principes de la République (liberté d'expression, laïcité, droit de vote...), le préfet du département Lionel Beffre, uniforme et gants blancs, les accueille dans la communauté nationale: "bienvenue dans la nationalité française!".
Appelés un par un par leur nom, les nouveaux citoyens s'avancent pour recevoir leur certificat et prendre une photo aux côtés du représentant de l'État et d'élus locaux. Certains sont émus à en trembler. D'autres, intimidés, restent raides ou arborent un sourire gêné. Fiers, des parents se présentent avec leur enfant.
À la sortie, une photo de famille est prise avec les officiels sur le grand escalier d'honneur, suivie d'un cocktail dans l'ancienne laiterie du domaine.
"Que ce soit maintenant dans un château, franchement quel honneur! Ça donne une autre dimension par rapport à la cérémonie", s'extasie, tout sourire, Élisabeth Kwedi, une éducatrice d'origine camerounaise qui vit en France depuis une vingtaine d'années.
Enthousiasme partagé par Lantomalala Andriamahatony, une commerciale arrivée de Madagascar en 2009 et venue pour l'occasion sur son trente-et-un: "c'est un endroit où il y a de l'Histoire, on se sent vraiment important".
En 2021, 130 000 personnes ont acquis la nationalité, dont 74 000 par naturalisation - même si la France ne signifie pas toujours la vie de château.