RAMALLAH: Israël entend transférer deux mille prisonniers palestiniens dans de nouvelles prisons. Cette mesure «punitive» va exacerber l'instabilité du système pénitentiaire du pays et attiser les tensions en Cisjordanie, a confié à Arab News un haut responsable des droits des prisonniers.
Par cette mesure, Israël entend «supprimer les pôles de pouvoir des prisonniers», notamment en réaffectant d’importants détenus, dont Marwan Barghouthi, qui a largement contribué à la première et à la deuxième Intifada.
M. Barghouthi a été transféré lundi à la prison de Nafha, située dans le désert, en compagnie de quelque soixante-dix prisonniers.
Jeudi dernier, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, s'est rendu à Nafha, ce qui a provoqué la colère des détenus palestiniens.
Les groupes de défense des droits des prisonniers estiment à 4 760 le nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.
Ces derniers risquent de faire monter la tension à l'intérieur des prisons en réponse à cette décision, selon des sources qui se sont confiées à Arab News qui redoutent que de vastes manifestations n'éclatent en Cisjordanie en solidarité avec les prisonniers.
Dans un entretien avec Arab News, Qadura Fares, qui dirige le Club des prisonniers palestiniens, a souligné que les mesures commandées par Ben-Gvir allaient accentuer l'instabilité qui règne dans les prisons israéliennes.
«Les menaces proférées par Ben-Gvir à l'encontre des prisonniers sont sérieuses et elles sont appliquées de façon progressive. Les prisonniers vont certainement riposter aux mesures punitives», confie M. Farès à Arab News.
D’ordinaire, les prisonniers de la même famille sont détenus dans la même prison. Cette stratégie non officielle vise à faciliter à leurs familles les déplacements lors des visites.
Cependant, de nombreuses prisons israéliennes désignent le même jour pour les visites. Ainsi, les familles ne pourront plus rendre visite aux prisonniers détenus dans des établissements distincts.
Une autre décision controversée concerne le déplacement de détenus titulaires de diplômes universitaires qui donnent des leçons aux autres prisonniers.
Muqbil est le frère cadet d'Al-Barghouthi. Il explique à Arab News que «ces mesures répressives porteront préjudice aux prisonniers qui sont pourtant habitués à ces menaces; l'ancien ministre de la Sécurité publique, Gilad Erdan, a recouru à ces méthodes par le passé».
«Les prisonniers rejettent à l'unisson les mesures punitives qui émanent de Ben-Gvir et les Palestiniens n'ont pas l'intention de rester les bras croisés.»
Dans ce contexte, la prolongation par le Parlement israélien de l'état d'urgence en Cisjordanie a suscité un tollé.
Le ministère palestinien des Affaires étrangères estime que la «loi d'apartheid» permet à Israël de légitimer les implantations en Cisjordanie occupée.
L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a condamné cette loi votée par la Knesset à travers son département de lutte contre l'apartheid. Ce règlement renouvelable tous les cinq ans est entré en vigueur en 1967.
L'OLP estime que cette loi «coloniale et raciste» accorde aux colons les droits dont jouissent les citoyens.
Elle affirme que le règlement comporte des éléments communs avec les lois d'apartheid appliquées en Afrique du Sud avant les années 1990.
Cette loi légitimise progressivement l'annexion de la Cisjordanie et enfreint les lois internationales, soulignent des sources palestiniennes qui rappellent en outre la nécessité de réunir les institutions des droits de l'homme au sein d'une coalition juridique internationale afin de mettre fin à l'occupation israélienne.
Yousef Jabarin, professeur de droit, est un ancien membre du Parlement israélien qui appartient à la Liste arabe commune. Il confie à Arab News que, en vertu de cette loi, «le gouverneur militaire israélien en Cisjordanie pourra soumettre les colons aux règlements israéliens comme s'ils étaient des citoyens israéliens».
Cette loi autorise par ailleurs l'arrestation de Palestiniens des territoires occupés à l'intérieur d'Israël, ajoute-t-il.
Selon M. Jabarin, l'ancien gouvernement israélien dirigé par Naftali Bennett n'a pas réussi à faire passer cette loi, ce qui explique en grande partie son échec.
Par ailleurs, Itamar Ben-Gvir a ordonné de retirer les drapeaux palestiniens d'Israël, ce qui a été dénoncé par les organisations de défense des droits de l'homme.
Amnesty International qualifie cette décision de «lâche» et de «tentative manifeste de supprimer l'identité d'un peuple». Elle constitue une violation des chartes de l'ONU et des droits de l'homme, selon l'organisation.
Pour Jabarin, aucune loi israélienne ne peut interdire de hisser le drapeau palestinien. Cependant, la police israélienne a été autorisée à retirer les drapeaux pour des raisons de sécurité publique.
La police israélienne a abusé de cette clause pour disperser des manifestations, notamment dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est.
«Israël considère toujours l'OLP comme une organisation terroriste, en dépit des accords d'Oslo signés entre l'OLP et Israël en 1993», s'indigne M. Jabarin.
«Rien ne justifie les tentatives de la police israélienne d'interdire le drapeau palestinien. Il s'agit en effet du drapeau d'un peuple, et non d'un certain groupe ou d'une certaine organisation.»
«Il incarne l'identité d'un peuple et fait partie de la liberté d'expression.»
Il précise que les tentatives de Ben-Gvir pour interdire le drapeau palestinien obéissent à des «motifs de représailles».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com