PARIS : Une meilleure traçabilité pour le consommateur, des fonds pour accélérer le réemploi de vêtements, des objectifs «ambitieux» de recyclage, un bonus financier pour les produits «vertueux»: une réforme de la filière textile, «véritable révolution» pour certains professionnels, entre en vigueur dimanche.
Industrie parmi l’une des plus polluantes de la planète, le secteur textile met sur le marché français 600.000 tonnes de vêtements par an dont 96% sont importés, rappelle Eric Boël, président de la commission développement durable de l’Union des industries textiles.
Un volume en croissance exponentielle, «les Français consommant en moyenne 60% de vêtements de plus qu’il y a 15 ans», note le gouvernement.
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Loi Agec) a prévu de réformer la filière textile, s’appuyant notamment sur le milliard d’euros d’éco-contributions des producteurs, importateurs et distributeurs qui devrait être dégagé sur la période 2023-2028 en vertu du principe du «pollueur-payeur».
Parmi ces mesures: à partir de dimanche, fabricants et importateurs de vêtements devront mentionner les pays de réalisation des principales opérations de fabrication (tissage, teinture-impression et confection), ainsi que la présence de matière recyclée, de substances dangereuses, de fibres microplastiques et la recyclabilité.
Ces caractéristiques pourront figurer sur l’étiquette ou être accessibles sur les sites internet des fabricants et importateurs, par exemple.
Cette réglementation est contraignante dès dimanche pour les entreprises au chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros, avant une extension progressive sur deux ans, jusqu’au seuil de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.
En parallèle de ce qui est prévu par la loi Agec, le gouvernement entend proposer fin 2023 à l'échelle nationale un affichage environnemental, peut-être un éco-score à l'image de ce qui se fait déjà pour l'alimentaire.
- Des champs de coton dans les placards -
La réforme prévoit également que 100 millions d’euros bénéficient aux organismes engagés dans le réemploi et la seconde vie des vêtements et chaussures, tel Emmaüs qui «se réjouit des ambitions» du gouvernement, dit à l'AFP sa directrice générale déléguée Valérie Fayard.
Cependant, «il est possible que (le fonds) ne suffise pas», avertit la responsable.
Actuellement, «on réussit à collecter 35% des vêtements» en France, se désole le ministère de la Transition écologique.
Un des objectifs de la réforme est d'atteindre 60% en 2028, un horizon «ambitieux» pour Valérie Fayard qui insiste sur la nécessité d'articuler collecte et tri.
«La capacité de tri est inférieure à celle de la collecte», avec 50.000 tonnes qui ne sont pas triées en France par an par manque de moyens, abonde Pierre Duponchel, président du réseau d'entreprises Le Relais.
Le ministère de la Transition écologique espère également améliorer le réseau de recyclage de textiles usagés.
«On n'a pas de champ de coton dans notre pays, ces champs sont dans notre placard», explique Eric Boël pour illustrer le potentiel de matière exploitable que l'on pourrait retransformer afin d'éviter d'importer.
Les capacités industrielles en France de recyclage textile permettront d'absorber 4.000 tonnes en 2023 quand l'objectif est «d'atteindre 10 à 15.000 tonnes dans les trois ans qui viennent», chiffre le responsable.
Un fonds doté de 150 millions pour des forfaits réparation pour les vêtements et chaussures est également dans les tuyaux, avec de premières propositions de concrétisation en avril, a assuré à l’AFP le ministère.
Enfin, les fabricants de produits «plus durables et fabriqués à base de produits recyclés» bénéficieront de bonus financiers, a déclaré le gouvernement.
Une prime de 1.000 euros par tonne de vêtements est prévue, un chiffre «significatif» selon Eric Boël qui, par ailleurs, qualifie de «véritable révolution» la réforme.
Mais pour Valérie Fayard, «le problème, c’est la fast fashion» (renouvellement rapide de collections à bas prix) et «pour l’instant, il n’y a pas grand-chose en face de ça».
«On est vraiment sur un dispositif national, (...) contraint aussi par le respect des règles communautaires», avait justifié le ministère de la Transition écologique lors d'un briefing presse fin novembre.
L’attribution d’un malus financier pour les entreprises peu respectueuses de l'environnement, revendication portée par de nombreuses associations, «est en cours de négociation avec le gouvernement», a par ailleurs assuré Valérie Fayard.