WASHINGTON : Boeing va pouvoir commencer à tourner la page de la crise du 737 MAX: les Etats-Unis ont autorisé mercredi l'avion à voler de nouveau, après vingt mois d'immobilisation au sol à la suite de deux accidents ayant coûté la vie à 346 personnes.
Plusieurs modifications devront être effectuées sur les avions avant qu'ils ne puissent être remis en service, a souligné l'Agence de l'aviation américaine (FAA) en annonçant son feu vert.
Les pilotes devront suivre une nouvelle formation.
« Le chemin qui nous a conduit à cette décision a été long et exténuant », a insisté le directeur de la FAA, Steve Dickson, dans une vidéo accompagnant sa décision. « Mais nous avions dit dès le début que nous prendrions le temps nécessaire pour bien faire les choses ».
L'immobilisation au sol du 737 MAX aura été la plus longue de l'histoire de l'aviation.
M. Dickson a lui-même piloté l'avion lors d'un vol test en septembre et assuré qu'il y installerait sans problème sa famille.
Un vol en décembre ?
En plus des modifications demandées, les compagnies aériennes effectueront des travaux de maintenance sur les avions cantonnés au tarmac des aéroports depuis mars 2019.
Les 450 appareils stockés chez Boeing seront examinés par un inspecteur de la FAA avant d'être acheminés chez les clients.
La compagnie American Airlines a néanmoins déjà prévu des vols fin décembre, entre Miami et New York.
Southwest, la société opérant le plus de 737 MAX au monde, n'en réutilisera pas avant le deuxième trimestre 2021.
Le 737 MAX, qui était la locomotive des ventes de Boeing avant ses déboires, ne retournera pas dans l'immédiat dans le ciel mondial: les autorités de l'aviation civile d'autres pays ont décidé de procéder à leur propre certification.
L'agence canadienne a indiqué mercredi qu'elle devrait « très bientôt » terminer son processus de validation, tandis que le régulateur européen devrait officiellement donner son feu vert fin 2020 ou début 2021.
M. Dickson a assuré lors d'une conférence téléphonique qu'il y avait « très peu de décalage » entre les régulateurs américains, européens, canadiens et brésiliens.
La décision américaine est une « étape importante », a réagi Boeing dans un communiqué.
« Ces événements et les leçons que nous en avons tirées ont remodelé notre entreprise et concentré davantage notre attention sur nos valeurs fondamentales de sécurité, de qualité et d'intégrité », a affirmé son directeur général David Calhoun.
Boeing comme la FAA ont fait l'objet de nombreuses critiques après les accidents, le constructeur étant accusé d'avoir sacrifié la sécurité sur l'autel des profits.
Problèmes mécaniques « inévitables »
« On nous a dit que l'avion était sans danger quand il a été certifié en mars 2017 et de nouveau après le crash de Lion Air en octobre 2018. Dire +faites-nous confiance+ ne suffit plus », a souligné le cabinet d'avocats Clifford Law, qui représente plusieurs familles des victimes ayant porté plainte contre Boeing.
Le directeur de la FAA a déjà prévenu qu'il était « inévitable » qu'un 737 MAX doive à un moment retourner à l'aéroport en cours de vol, en raison d'un problème mécanique ou d'une suspicion de problème. Mais c'est le cas régulièrement sur tous les modèles d'avions, a-t-il insisté.
Boeing a mis en place un centre d'opérations qui surveillera tous les vols en temps réel.
Le 737 MAX fera son retour dans un secteur frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19, avec des compagnies aériennes aux finances mal en point et un trafic en berne.
Le constructeur de Seattle va néanmoins pouvoir reprendre ses livraisons, ce qui lui permettra d'être payé et de renflouer ses caisses.
La principale modification à effectuer sur les avions concernera le logiciel de commandes de vol MCAS, que les pilotes des vols de Lion Air, le 29 octobre 2018, et d'Ethiopian Airlines, le 10 mars 2019, n'ont pas réussi à maîtriser.
D'autres logiciels doivent aussi être changés, tout comme le repositionnement de certains câbles.
La crise aura été profonde pour Boeing, avec notamment le limogeage de son ex-patron, Dennis Muilenburg, fin 2019.
Elle a coûté jusqu'à présent environ 20 milliards de dollars au constructeur, entre les coûts de production supplémentaires et les indemnisations offertes aux compagnies aériennes.
Il faut y ajouter la perte des revenus liés à la maintenance pendant près de deux ans, la dégradation de l'image du groupe et les sommes que le constructeur versera aux familles des victimes.
La décision de la FAA a été saluée par les marchés, avec un bond de 2% de l'action à Wall Street.