PARIS: Après des mois de saga judiciaire, l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, expulsé dimanche par Israël après plusieurs mois de détention, est arrivé en fin de matinée en France, où les autorités ont "condamné" une expulsion "contraire au droit".
Salah Hamouri, les traits tirés, a été accueilli en fin de matinée à l'aéroport parisien de Roissy Charles-de-Gaulle par sa femme Elsa et plusieurs dizaines de ses soutiens, dont certains scandaient "Palestine vivra, Palestine vaincra", a constaté une journaliste de l'AFP.
L'expulsion de l'avocat de 37 ans a été condamnée dimanche matin par la France, qui la juge "contraire au droit".
"Depuis sa dernière arrestation, la France s'est pleinement mobilisée, y compris au plus haut niveau de l'Etat, pour faire en sorte que les droits de M. Salah Hamouri soient respectés, qu'il bénéficie de toutes les voies de recours et qu'il puisse mener une vie normale à Jérusalem, où il est né, réside et souhaite vivre", a rappelé le Quai d'Orsay dans un communiqué.
M. Hamouri avait été condamné en mars à trois mois de détention administrative, une mesure controversée permettant à Israël d'incarcérer des suspects sans accusation formelle.
Soupçonné par Israël de liens --ce qu'il nie-- avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation jugée terroriste par l'Etat hébreu et l'Union européenne, M. Hamouri avait appris fin novembre qu'il allait être expulsé en décembre vers la France.
Mais son expulsion avait été reportée à la suite d'audiences devant la justice militaire, ses avocats remettant en cause son ordre d'expulsion et aussi la révocation de son statut de résident de Jérusalem-Est.
Né dans cette partie de la Ville sainte, annexée et occupée par l'Etat hébreu, Salah Hamouri ne dispose pas de la nationalité israélienne mais d'un permis de résidence, que les autorités israéliennes ont révoqué, ce qu'il conteste.
Or, début décembre, les autorités israéliennes ont confirmé la révocation de son statut ouvrant ainsi la voie à une expulsion imminente malgré une nouvelle audience prévue le 1er janvier.
Depuis vendredi soir, les indications d'une expulsion dimanche s'étaient multipliées, la députée arabe israélienne Aïda Touma-Slimane ayant d'ailleurs écrit samedi soir au ministre de la Défense Benny Gantz pour empêcher l'expulsion, toutefois décrétée par la ministre de l'Intérieur Ayelet Shaked.
L'expulsion de M. Hamouri intervient peu avant la formation d'un nouveau gouvernement en Israël mené par Benjamin Netanyahu, vainqueur des législatives du 1er novembre, et ses alliés des partis ultra-orthodoxes et d'extrême droite.
"C'est un formidable accomplissement d'avoir pu provoquer, juste avant la fin de mon mandat, son expulsion", a commenté dimanche Mme Shaked.
L'expulsion par Israël du Franco-Palestinien Salah Hamouri constitue un «crime de guerre», selon l'ONU
L'ONU a condamné lundi l'expulsion par Israël de l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu depuis mars sans accusation formelle dans des prisons israéliennes, qualifiant le procédé de "crime de guerre".
"Le droit international humanitaire interdit l'expulsion de personnes protégées d'un territoire occupé et interdit explicitement de contraindre ces personnes à prêter serment d'allégeance à la puissance occupante", a commenté un porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Jeremy Laurence.
"Expulser une personne protégée d'un territoire occupé est une violation grave de la Quatrième Convention de Genève, constituant un crime de guerre", a-t-il ajouté dans une déclaration envoyée aux médias.
Le Bureau des droits de l'homme de l'ONU "condamne l'expulsion" par Israël de M. Hamouri vers la France, "et nous sommes profondément préoccupés par le message terrifiant que cela envoie à ceux qui oeuvrent en faveur des droits humains dans le territoire palestinien occupé", a souligné M. Laurence.
Son expulsion, a-t-il déploré, "met en lumière la situation vulnérable des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est, la puissance occupante leur ayant accordé un statut de résident révocable en vertu du droit israélien". C'est également "le signe d'une nouvelle détérioration grave de la situation des défenseurs palestiniens des droits humains".
«Terre natale»
L'expulsion de Salah Hamouri est un "test" pour les habitants de Jérusalem-Est, a plaidé récemment son avocate Leah Tsemel, disant craindre que le futur gouvernement israélien ne multiplie les révocations de permis de résident de Palestiniens nés dans la Ville Sainte.
"Cette expulsion est une manœuvre visant à entraver le travail de Salah Hamouri en faveur des droits humains, mais aussi l'expression de l'objectif politique à long terme des autorités israéliennes, qui est de diminuer l’importance de la population palestinienne à Jérusalem-Est", ont déclaré dimanche Amnesty international et des ONG françaises.
"L'expulsion de Salah Hamouri est vraiment préoccupante pour les Palestiens de Jérusalem", a déclaré à l'AFP un haut responsable palestinien requérant l'anonymat, la campagne de soutien du franco-palestinien jugeant "illégale" son expulsion de sa ville natale par un "pouvoir d'occupation".
"Nous ne pensions pas que c'était possible d'expulser une personne de sa terre natale. C'est un citoyen français il est davantage palestinien. Il est né à Jérusalem, a vécu et grandi ici (...) Ces racines sont ici", expliquait récemment sa mère, Denise Hamouri.
Celle-ci avait exhorté le président français Emmanuel Macron de faire pression sur Israël pour surseoir son expulsion et permettre à Salah Hamouri de voyager librement entre Jérusalem et la France, pays où vivent actuellement son épouse, Elsa Lefort, et leurs deux enfants.
"Il n'y a pas eu de volonté politique de faire pression avec des moyens sur le gouvernement israélien (...) Ca été le minimum syndical", a ajouté Mme. Lefort.
Prisonniers et Pegasus
M. Hamouri avait été emprisonné en Israël entre 2005 et 2011 pour participation à la tentative d'assassinat d'Ovadia Yossef, ancien grand rabbin d'Israël et fondateur du parti ultra-orthodoxe Shass, avant d'être libéré en 2011 dans le cadre d'un échange de prisonniers ayant permis la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Devenu lui-même avocat, il travaillait pour l'ONG Addammeer qui défend les prisonniers palestiniens. Mais cette ONG a été placée ces derniers mois, comme une poignée d'autres, sur la liste israélienne des organisations terroristes.
Et pour rajouter à la saga, Amnesty international avait conclu, après analyse du téléphone portable de M. Hamouri, que celui-ci avait été piraté par le logiciel espion Pegasus de la société israélienne NSO, dont la technologie est aussi soupçonnée, par un consortium de journalistes, d'avoir servi à infiltrer le smartphone du président Macron.