PARIS: Le Parlement s'apprête à adopter définitivement le projet de budget 2023 samedi, avec le rejet attendu d'une ultime motion de censure de la gauche à l'Assemblée, point final d'un automne rythmé par dix recours à l'arme constitutionnelle du 49.3.
La motion de la coalition Nupes devrait être repoussée en fin de journée, clôturant ce marathon budgétaire quasiment inédit dans une nouvelle Assemblée bouillonnante.
En deux mois, le gouvernement aura déclenché dix fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, afin de faire passer sans vote le budget de l'Etat et de la Sécurité sociale.
Une telle cadence n'était plus arrivée depuis l'automne 1989, quand le Premier ministre Michel Rocard était privé de majorité absolue au Palais Bourbon, comme Elisabeth Borne depuis les législatives du mois de juin.
Chacun s'en renvoie la responsabilité: les oppositions ont reproché tout l'automne au gouvernement son "déni de démocratie", tandis que le camp présidentiel les accusait de blocage.
"Sur le budget, nous ne pouvons pas trouver de compromis si les oppositions craignent, ainsi, de se compromettre", a encore pointé la Première ministre jeudi.
Ce 49.3, "ce n'est plus un sujet, on ne m'en parle pas sur les marchés", affirme le rapporteur du texte à l'Assemblée, Jean-René Cazeneuve (Renaissance).
Ce cadre macroniste défend "un budget protecteur des Français, des collectivités territoriales, des entreprises", avec "un équilibre entre un niveau de déficit acceptable et la nécessaire protection des Français".
Parmi les mesures phares du texte: un bouclier tarifaire pour contenir à 15% la hausse des prix de l'énergie, des hausses de salaires pour les enseignants ou une priorité revendiquée en faveur des ministères régaliens.
«Superprofits»
Mais en pleine période de vie chère, le débat s'est focalisé sur les appels de la gauche et du RN à taxer les "superprofits" des grandes entreprises comme le groupe pétrolier Total ou l'armateur CMA CGM qui ont bénéficié de l'envolée des prix.
Nupes et extrême droite ont réclamé une taxe large, alors que le gouvernement défend sa politique de l'offre, mettant en garde contre des mesures qui pénaliseraient les entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes étrangères.
L'exécutif souligne surtout qu'il a transposé un accord scellé au niveau européen avec deux mécanismes: "une contribution temporaire de solidarité" des producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole qui rapporterait quelque 200 millions à la France, et un plafonnement des revenus des producteurs d'électricité, susceptible de faire rentrer dans les caisses de l'Etat 11 milliards supplémentaires.
La tension s'est cristallisée sur des amendements votés par l'Assemblée, mais écartés par l'exécutif dans la version du budget soumise au 49.3.
C'est le cas d'une mesure proposée au sein même de la majorité par le MoDem, pour augmenter la taxation des "superdividendes" des actionnaires de grandes entreprises, et qui avait reçu un large soutien des oppositions.
Jusqu'au bout, le groupe centriste a tenté de défendre son amendement, rejeté par le gouvernement, qui privilégie un travail en cours sur le "partage de la valeur" au sein de l'entreprise, pour favoriser l'intéressement ou le "dividende salarié".
L'exécutif a en revanche intégré à la dernière minute un amendement instaurant une participation financière des salariés lorsqu'ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF), provoquant du remous jusque dans la majorité.
A droite, LR pilonne dans l'ensemble un budget "dépensier", qui prévoit un déficit public à 5% du PIB en 2023.
Et les députés d'opposition contestent la prévision de croissance volontariste du gouvernement de 1% du PIB, sans manquer de souligner qu'Emmanuel Macron a lui-même parlé dans la presse d'une croissance plutôt de "0,5 ou 0,7% en 2023".
Car les nuages s'amoncellent, avec la flambée des prix de l'énergie et des produits alimentaires depuis la guerre en Ukraine, une consommation en berne et une production industrielle en repli.
L'Insee a décrit jeudi le "rhume passager" de l'économie française marquée par une contraction du PIB au dernier trimestre 2022 pour rebondir légèrement en 2023. La récession serait évitée mais un pic d'inflation est attendu à 7% sur un an en janvier et février.
Soit une rentrée inflammable, alors que le gouvernement compte dévoiler les grandes lignes de sa réforme controversée des retraites le 10 janvier.