BRUXELLES: L'horizon de l'eurodéputée grecque Eva Kaili, écrouée dans un scandale de corruption présumée au Parlement européen impliquant le Qatar, s'est assombri jeudi avec sa mise en cause dans une autre affaire, liée à des soupçons de fraude.
Déchue mardi de sa vice-présidence du Parlement européen, l'élue socialiste de 44 ans est actuellement détenue en Belgique dans le cadre d'un "dossier de corruption, blanchiment d’argent et organisation criminelle" au sein de l'institution européenne.
L'affaire a provoqué une onde de choc à Bruxelles et Strasbourg, poussant la présidente de l'assemblée, Roberta Metsola, à annoncer des "réformes d'ampleur" pour 2023.
Mme Kaili fait aussi l'objet d'une enquête préliminaire du parquet financier d'Athènes pour "corruption" et "blanchiment d'argent" en coopération avec la justice belge, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.
Mais sur un nouveau front, le parquet européen a réclamé jeudi la levée de son immunité parlementaire ainsi que celle d'une autre eurodéputée grecque, Maria Spyraki, dans une autre affaire portant cette fois sur des "soupçons de fraude" dans la rémunération d'assistants parlementaires.
Ces soupçons font suite à un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF).
"J'accepte volontiers la levée de mon immunité pour prouver qu'il n'y a pas un seul euro litigieux", a réagi dans un communiqué Maria Spyraki, eurodéputée du PPE (droite).
Le Parlement a confirmé avoir "immédiatement entamé la procédure prévue", la réponse à la requête du parquet devant faire l'objet in fine d'un vote en séance plénière.
«Liaisons dangereuses»
Mis en cause dans l'enquête pour corruption instruite à Bruxelles, le compagnon de Mme Kaili, Francesco Giorgi, est également en détention préventive, de même que l'ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri.
Un troisième homme, Niccolo Figa-Talamanca, responsable de l'ONG "No Peace Without Justice", devait être libéré moyennant le port d'un bracelet électronique.
De son côté, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI), Luca Visentini, qui a passé 48 heures en garde à vue dans cette affaire avant d'être relâché dimanche, s'est mis en retrait de son poste, en attendant une réunion du conseil général de la CSI la semaine prochaine, a annoncé jeudi l'organisation syndicale.
Par ailleurs, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola a annoncé, lors d'un sommet européen à Bruxelles, être "en train de mettre au point un paquet de réformes d'ampleur qui sera prêt en début d'année prochaine".
Elle a notamment mentionné le renforcement de la protection des lanceurs d'alerte et l'interdiction des groupes d'amitié non officiels avec des pays tiers.
"Il y a des lacunes qui doivent être comblées, en ce qui concerne par exemple les activités d'ex-membres du Parlement européen, les inscriptions sur le registre de transparence, les personnes autorisées à entrer au Parlement", a-t-elle indiqué à la presse.
Réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont voté jeudi à la quasi-unanimité un texte dans lequel ils demandent "instamment la suspension des titres d'accès des représentants d'intérêts qatariens" le temps des enquêtes judiciaires. Cette décision reviendra à Mme Metsola.
La responsable maltaise a déjà précisé que l'ONG "No Peace Without Justice" avait vu son accès suspendu.
Se disant "consternés" par ces actes présumés de corruption et de blanchiment d'argent, les eurodéputés ont aussi décidé de suspendre "tous les travaux sur les dossiers législatifs relatifs au Qatar", en premier lieu ceux concernant une libéralisation des visas pour le Qatar et le Koweit ainsi qu'un accord sur l'aviation.
A l'issue de l'enquête judiciaire, les parlementaires se sont engagés aussi à "créer une commission d'enquête (...) sur les cas de corruption et d'abus de pays tiers" destinés à influencer le Parlement.
"Il est grand temps d'avancer enfin sur les questions de transparence et d'éthique", a commenté l'eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale), ajoutant avoir "dénoncé sans relâche les liaisons dangereuses entre les élus et les lobbyistes qui affaiblissent la confiance des citoyens".
En réponse à un journaliste, Roberta Metsola a indiqué avoir décliné une invitation du Qatar à assister à la Coupe du monde de football. "J'ai refusé parce que j'ai des préoccupations à propos de ce pays", a-t-elle dit.
Elle a précisé avoir eu "deux rencontres avec des représentants du gouvernement qatari à Bruxelles", et avoir "refusé" la demande du pays du Golfe de s'adresser au Parlement européen.
Doha a démenti être impliqué dans des tentatives de corruption.