En recevant le Nobel de la paix, les lauréats ukrainiens et russes dénoncent la guerre «folle» de Poutine

Les lauréats du prix Nobel de la paix 2022, le chef du Centre ukrainien pour les libertés civiles Oleksandra Matviichuk (C) et le président de l'organisation russe de défense des droits de l'homme Memorial Yan Rachinsky, arrivent pour une conférence de presse avant la cérémonie de remise du prix à l'Institut Nobel norvégien à Oslo, en Norvège, le 9 décembre 2022. (AFP).
Les lauréats du prix Nobel de la paix 2022, le chef du Centre ukrainien pour les libertés civiles Oleksandra Matviichuk (C) et le président de l'organisation russe de défense des droits de l'homme Memorial Yan Rachinsky, arrivent pour une conférence de presse avant la cérémonie de remise du prix à l'Institut Nobel norvégien à Oslo, en Norvège, le 9 décembre 2022. (AFP).
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Publié le Dimanche 11 décembre 2022

En recevant le Nobel de la paix, les lauréats ukrainiens et russes dénoncent la guerre «folle» de Poutine

  • «La paix pour un pays attaqué ne peut être atteinte en déposant les armes»
  • Mais recevoir cette prestigieuse récompense ne les a visiblement pas désarmés

OSLO: En recevant leur prestigieuse récompense samedi à Oslo, les lauréats ukrainien, russe et bélarusse du Nobel de la paix ont appelé à ne pas baisser les armes contre la guerre "folle et criminelle" que Vladimir Poutine a lancée en Ukraine.

Issus des trois principaux Etats protagonistes du conflit, le Centre ukrainien pour les libertés civiles (CCL), l'ONG russe Memorial, dissoute sur ordre de la justice, et le militant bélarusse Ales Beliatski, emprisonné dans son pays, ont été couronnés pour leur engagement en faveur "des droits humains, de la démocratie et de la coexistence pacifique" face aux forces autoritaires.

"La paix pour un pays attaqué ne peut être atteinte en déposant les armes", a déclaré la cheffe du CCL, Oleksandra Matviïtchouk. "Ce ne serait pas la paix, mais l'occupation".

Créé en 2007, le CCL documente les crimes de guerre commis par les troupes russes en Ukraine: les tortures et les assassinats, les destructions d'immeubles d'habitations, d'églises, d'écoles et d'hôpitaux, les bombardements des couloirs d'évacuation, les déplacements forcés de population...

Conséquence des bombardements sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes, Mme Matviïtchouk a écrit son discours de remerciement pour le Nobel à la lueur d'une bougie, a-t-elle confié à l'AFP lors d'un entretien avant la cérémonie.

En neuf mois d'invasion russe, "plus de 27.000 épisodes" de crimes de guerre ont été dénombrés, selon elle, et c'est "seulement le sommet de l'iceberg".

"La guerre transforme les gens en nombres. Nous devons redonner un nom à toutes les victimes de crimes de guerre", a-t-elle souligné.

«Ambitions impériales» de Poutine 

La voix étranglée par l'émotion dans son discours à l'Hôtel de ville d'Oslo, paré de fleurs rouges de Sibérie, Mme Matviïtchouk a de nouveau appelé à la création d'un tribunal international pour juger "Poutine, (son allié, le dirigeant bélarusse Alexandre) Loukachenko et d'autres criminels de guerre".

"Cette année, pour la première fois, la langue de l'Ukraine, notre langue ukrainienne, a été entendue" à Oslo, s'est réjoui le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans son allocution quotidienne. "Je félicite Mme Oleksandra, ses collègues et tous les défenseurs ukrainiens des droits de l'homme".

Le colauréat russe, le président de Memorial, Ian Ratchinski, a quant à lui dénoncé les "ambitions impériales" héritées de l'URSS qui "fleurissent toujours aujourd'hui".

La Russie de Vladimir Poutine a détourné le sens historique de la lutte antifasciste "au profit de ses propres intérêts politiques", a-t-il dit.

Désormais, "résister à la Russie équivaut à du fascisme", a-t-il déploré.

Une dénaturation qui fournit "la justification idéologique à la guerre d'agression folle et criminelle contre l'Ukraine", a-t-il affirmé, malgré les sévères sanctions prévues par Moscou pour ceux qui critiquent publiquement son "opération militaire spéciale".

Fondée en 1989, Memorial a oeuvré pendant des décennies à faire la lumière sur les crimes commis sous Staline et préserver la mémoire de ses victimes, puis à collecter des informations sur la violation des libertés et des droits en Russie.

Dans un contexte de musèlement de l'opposition et des médias, l'ONG a été dissoute fin 2021 par la justice russe, qui a aussi ordonné la saisie de ses bureaux à Moscou le 7 octobre, le soir même de l'attribution du Nobel.

"Aujourd'hui, le nombre de prisonniers politiques en Russie est supérieur à leur nombre total dans toute l'Union soviétique au début de la période de la perestroïka dans les années 1980", a noté M. Ratchinski.

«Internationale des dictatures»

Le troisième lauréat du Nobel, Ales Beliatski, père de l'ONG de défense des droits humains Viasna, est incarcéré depuis juillet 2021.

Dans l'attente d'un procès où il encourt jusqu'à douze ans de prison pour "contrebande" d'espèces au profit de l'opposition au régime répressif de M. Loukachenko, le militant de 60 ans n'a pas été autorisé à transmettre un discours de remerciement pour le Nobel.

Son épouse Natalia Pintchouk, qui le représentait à la cérémonie, n'a pu que répéter quelques-uns de ses mots, notamment ses appels à se dresser contre "l'internationale des dictatures".

En Ukraine, la Russie vise à établir "une dictature vassale, la même chose que le Bélarus d'aujourd'hui, où la voix du peuple opprimé est ignorée, avec des bases militaires russes, une énorme dépendance économique, une russification culturelle et linguistique", a dit M. Beliatski, par la voix de sa femme.

A Stockholm, où sont remis les autres Nobel, l'autrice française Annie Ernaux a reçu le même jour son prix en littérature, de même que l'ancien chef de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, couronné en économie, et un autre Américain, Barry Sharpless, qui a décroché le prix de chimie pour la deuxième fois.

Renouant avec une tradition suspendue ces deux dernières années à cause du Covid, les lauréats ont ensuite été célébrés dans la soirée lors d'un somptueux banquet réunissant quelque 1.500 convives à l'Hôtel de ville de Stockholm.

Dans son discours de remerciements, Annie Ernaux, 82 ans, a rendu hommage au géant français des lettres Albert Camus, nobélisé il y a 65 ans, disant sa "gratitude" de figurer au palmarès à ses côtés.


Rétrospective Mehdi Qotbi à l’IMA: l’art de faire danser les lettres arabes

Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable. (Photo Arlette Khouri)
Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable. (Photo Arlette Khouri)
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  • Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable
  • Cette œuvre libre et empreinte d’optimisme, tout comme la personne de Qotbi, puise ses racines dans l’enfance de l’artiste, dans ce quartier de Takaddoum où il est né à Rabat

PARIS: Alors que l’Institut du Monde Arabe à Paris met à l’honneur la langue arabe en collaboration avec l’Académie Internationale du Roi Salman pour la langue arabe, c’est l’écriture et les lettres arabes qui sont à l’honneur à travers la rétrospective des œuvres de l’artiste franco-marocain Mehdi Qotbi exposé à l’institut jusqu’au 5 janvier prochain.

qotbi
C’est une myriade de fraîcheur colorée qui accueille le visiteur de cette exposition et l’emporte dans l’univers joyeux, qu’expriment les œuvres de cet artiste atypique. (Photo Arlette Khouri)

C’est une myriade de fraîcheur colorée qui accueille le visiteur de cette exposition et l’emporte dans l’univers joyeux, qu’expriment les œuvres de cet artiste atypique.

Il a beau se servir des lettres arabes pour composer ses tableaux, son œuvre est à l’opposé de la calligraphie.

Son art, selon sa propre définition est plutôt « une désécriture » et non un alignement calligraphique de mots et de phrases.

Sous le pinceau de Qotbi, les lettres tournoient et dansent pour constituer un ensemble en mouvement qui capte le regard tout en restant insaisissable.

Cette œuvre libre et empreinte d’optimisme, tout comme la personne de Qotbi, puise ses racines dans l’enfance de l’artiste, dans ce quartier de Takaddoum où il est né à Rabat dans une famille modeste.

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L’universitaire et critique d’art Philippe Dagen décrit l’œuvre de Qotbi comme étant « un rapport constant et déconcertant entre peinture et écriture » et affirme que cette œuvre « s’offre et se dėrobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ». (Photo Arlette Khouri)

Dès l'enfance, Qotbi a baigné dans un univers de couleurs à l’ombre de sa mère tapissière dont il dit « elle ne savait ni lire, ni écrire, elle n’avait aucune culture. Mais elle avait la faculté de faire fusionner les couleurs », « elle savait les allier. Pour moi c’étaient des moments de rêve ».

Ce sont peut-être ces moments avec les émotions qui les accompagnent que Qotbi tente de reproduire dans son travail qui s’expose au musée Georges Pompidou à Paris ainsi qu’au musée d’art moderne, ailleurs aussi à la National Gallery of fins arts à Amman où à Houston dans le cadre de la Menil Collection.

Pourtant à l’âge de douze ans, Qotbi s’est cru destiné à une carrière militaire, il saisit l’opportunité d’un défilé militaire et aborde le ministre de la Défense de l’époque Mahjoubi Ahetdane qui l’aide à intégrer le lycée militaire de Kénitra.

Très vite, son penchant pour et le dessin pris le dessus sur son penchant pour le maniement des armes, et rejoint par la suite l’école des beaux arts de Rabat.

Sa rencontre avec le grand artiste marocain Jilali Gharbaouie finit par sceller son destin, il se consacre à sa vocation artistique qui le mène par la suite aux Beaux arts de Paris, dont il est diplômé.

Parallèlement à sa carrière d'artiste, Qotbi s’attache à transmettre sa passion aux jeunes et enseigne les arts plastiques dans des lycées à Paris et Auxerre.

Travailleur infatigable, il publie des livres d’artistes en collaboration avec de grands écrivains et poètes dont le syrien Adonis, la libanaise Andrée Chédid, la française Nathalie Sarraute et également le tchèque Vaclav Havel et le sénégalais Léopold Sedar Senghor.

L’universitaire et critique d’art Philippe Dagen décrit l’œuvre de Qotbi comme étant « un rapport constant et déconcertant entre peinture et écriture » et affirme que cette œuvre « s’offre et se dėrobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir ».

Sa notoriété lui ouvre les portes des plus hautes sphères culturelles et politiques aussi bien en France qu’au Maroc, et Qotbi met cela à profit pour resserrer les liens entre son pays natal et son pays d’adoption.

Il se retrouve chargé de créer un « cercle d’amitié franco-marocain » qui s’est nourri de son large réseaux de contacts autant au Maroc qu’en France.

Le tout Paris artistique et politique était invité à l’inauguration de sa rétrospective, et bien sûr, l’épouse du président français Brigitte Macron était parmi les premiers à être présente.

 


Amira Ghenim, lauréate du Prix de la littérature arabe 2024 de l’Institut du Monde Arabe

Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès). (Photo fournie)
Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès). (Photo fournie)
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  • Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français
  • Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès)

PARIS : Pierre Leroy, administrateur délégué de la Fondation Jean-Luc Lagardère et président du jury du Prix s’est dit ravi lundi dernier que cette nouvelle édition du Prix de la littérature arabe consacre « un roman intense, entremêlant intrigue familiale et grande Histoire, qui dessine le portrait complexe et tout en nuances d'une Tunisie en pleine mutation. L’ensemble des membres du jury et moi-même saluons par ailleurs la plume unique de l’auteure qui, grâce à un procédé narratif élaboré, a su donner naissance à une œuvre puissante, portée par une nouvelle collection qui met en lumière la littérature arabophone du Maghreb, encore trop souvent privée d’écho en France ».

Ce roman est celui d’ Amira Ghenim, lauréate du Prix de la littérature arabe 2024. Née en 1978 à Sousse en Tunisie, elle est agrégée d’arabe, titulaire d’un doctorat en linguistique et enseigne à l’université de Sousse. Elle est l’autrice d’essais universitaires et de trois romans, dont Le dossier jaune (2019) et Terre ardente (2024).

Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français.

Amira Ghenim succède à l’écrivain irakien Feurat Alani qui a reçu le Prix de la littérature arabe en 2023 pour son roman Je me souviens de Falloujah (JC Lattès).

Pour sa part, Jack Lang, Président de l’IMA, a voulu souligner « l’importance de faire rayonner la richesse des cultures du monde arabe, dont la littérature et la poésie sont des modes majeurs. Dans le contexte où la traduction des textes arabophones se raréfie, la mise en lumière des auteurs issus du monde arabe est essentielle et ce prix, également porté désormais par la jeunesse, en est le précieux instrument ».

 


Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes

Des auteurs de renom du monde entier, dont Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy, appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes. (AFP)
Des auteurs de renom du monde entier, dont Sally Rooney, Hisham Matar et Arundhati Roy, appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes. (AFP)
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  • Plus de 1 000 écrivains et professionnels de l'édition ont signé une lettre dans laquelle ils s'engagent à boycotter les institutions culturelles israéliennes
  • Les auteurs se sont engagés à ne pas travailler avec des éditeurs, des festivals, des agences littéraires et des publications israéliens qui sont "complices de la violation des droits des Palestiniens"

DUBAÏ: Des auteurs de renom du monde entier appellent au boycott des institutions culturelles israéliennes.

Plus de 1 000 écrivains et professionnels de l'édition ont signé une lettre dans laquelle ils s'engagent à boycotter les institutions culturelles israéliennes qui "sont complices ou sont restées des observateurs silencieux de l'oppression écrasante des Palestiniens".

Parmi les auteurs populaires qui ont signé la lettre figurent l'Irlandaise Sally Rooney, connue pour des romans tels que "Conversations with Friends", "Normal People" et, plus récemment, "Intermezzo"; le romancier américano-libyen Hisham Matar, lauréat du prix Pulitzer; le romancier Viet Thanh Nguyen, lauréat du prix Pulitzer; la lauréate du prix Booker Arundhati Roy; Mohsin Hamid, auteur de "The Reluctant Fundamentalist"; et la lauréate du prix Booker Avni Doshi, qui est basée à Dubaï.

Les auteurs se sont engagés à ne pas travailler avec des éditeurs, des festivals, des agences littéraires et des publications israéliens qui sont "complices de la violation des droits des Palestiniens", notamment en appliquant des "politiques et pratiques discriminatoires" ou en "blanchissant et justifiant l'occupation, l'apartheid ou le génocide d'Israël".

Les institutions qui n'ont jamais reconnu publiquement les "droits inaliénables du peuple palestinien tels qu'ils sont inscrits dans le droit international" seront également boycottées.

La campagne a été organisée par le Festival palestinien de littérature (également connu sous le nom de PalFest), qui organise chaque année des manifestations publiques gratuites dans plusieurs villes de Palestine.

"En tant qu'écrivains, éditeurs, travailleurs de festivals littéraires et autres travailleurs du livre, nous publions cette lettre alors que nous sommes confrontés à la crise morale, politique et culturelle la plus profonde du XXIe siècle", commence la déclaration, qui poursuit en indiquant qu'Israël a tué "au moins 43 362" Palestiniens à Gaza depuis octobre dernier et que cela fait suite à "75 ans de déplacement, de nettoyage ethnique et d'apartheid".

La culture "a joué un rôle essentiel dans la normalisation de ces injustices". Les institutions culturelles israéliennes, "qui travaillent souvent directement avec l'État, ont joué un rôle crucial dans l'obscurcissement, le camouflage et le lavage artistique de la dépossession et de l'oppression de millions de Palestiniens pendant des décennies".

Les travailleurs de l'industrie ont un "rôle à jouer", affirme l'engagement. "Nous ne pouvons pas, en toute conscience, nous engager avec les institutions israéliennes sans nous interroger sur leur relation avec l'apartheid et le déplacement", peut-on lire, en notant que "d'innombrables auteurs" ont adopté la même position contre l'apartheid en Afrique du Sud.

La lettre se termine par un appel aux pairs des signataires à se joindre à l'engagement.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com