PARIS: La justice française rendra sa décision le 17 avril dans le procès du crash du vol Rio-Paris, qui s'est terminé jeudi avec les plaidoiries de relaxe des avocats d'Airbus demandant une "décision humainement difficile, mais techniquement et juridiquement justifiée".
Après neuf semaines d'audience, le tribunal de Paris a quatre mois pour trancher sur une éventuelle responsabilité d'Airbus et d'Air France dans cette catastrophe qui a coûté la vie à 228 personnes, de 33 nationalités différentes, le 1er juin 2009.
Mercredi, le parquet a requis en creux la relaxe du constructeur européen et de la compagnie française, jugés pour homicides involontaires depuis le 10 octobre, estimant ne "pas (être) en mesure de requérir (leur) condamnation".
Un "choc" pour les parties civiles présentes au procès, déçues de cette position après une procédure judiciaire de plus d'une décennie, marquée par un non-lieu en 2019 et un procès finalement ordonné par la cour d'appel de Paris en 2021.
Prise à partie pendant les débats, accusée d'"arrogance" et de "froideur" par des parties civiles, la défense de l'avionneur a assuré jeudi que cette image était "loin de la réalité": "Airbus n'est pas une fiction juridique, c'est aussi une réalité humaine", a assuré Me Simon Ndiaye.
Lui et son confrère Antoine Beauquier se sont excusés que des mots, une attitude, aient "pu blesser".
Comme il est d'usage, la parole a été donnée en dernier aux représentants des entreprises prévenues, qui se sont adressés aux familles. Celui d'Air France a évoqué sa "compassion inconditionnelle", celui d'Airbus les a assurées de son "profond respect".
"On est sur un lieu d'antagonisme entre l'émotion et la raison", a déclaré Me Ndiaye dans sa plaidoirie. "La vérité peut parfois ne pas apaiser. Il vous appartiendra d'appliquer le droit et seulement le droit", a-t-il poursuivi, réclamant "une décision qui sera humainement difficile, mais techniquement et juridiquement justifiée: une décision de relaxe".
"Biais rétrospectif"
L'avocat s'est ensuite appliqué à démontrer en quoi Airbus n'avait pas "sous-estimé" la gravité de la panne des sondes Pitot, les sondes mesurant la vitesse de l'avion qui ont toutes les trois givré sur l'AF447 la nuit de l'accident.
Déstabilisés par les répercussions de cette défaillance, les pilotes ont perdu le contrôle de l'A330 qui a décroché et heurté l'océan Atlantique moins de cinq minutes plus tard.
Dans les mois qui ont précédé le crash, il y avait eu une recrudescence des pannes de ces sondes. Mais pour Airbus, "à l'époque des faits, personne ne relevait de dangerosité" significative, "dans tous les cas connus à l'époque, il y avait eu une maîtrise de la trajectoire".
L'avionneur est aussi soupçonné de ne pas avoir pris de "mesures d'urgence" à destination des compagnies aériennes, afin qu'elles forment et informent mieux leurs équipages.
La cour d'appel qui a ordonné le procès a "été victime d'un biais rétrospectif", a plaidé Me Beauquier. "Il n'y a aucune désinvolture", a-t-il soutenu, "nous avons fait avant 2009 tout ce que nous avons pu pour éviter l'accident".
Se défendant de vouloir "blâmer les pilotes, accabler les morts", Me Ndiaye est néanmoins revenu sur le déroulement du vol, mettant en exergue le non-évitement de la zone de turbulences, la répartition floue des responsabilités au sein de l'équipe des pilotes.
"Les raisons pour lesquelles l'équipage n'a pas réagi de façon adéquate" restent "inexpliquées", a-t-il conclu. "Cela restera peut-être un mystère, mais cela ne peut pas être la base d'une condamnation".
"La relaxe, ce n'est pas la victoire d'Airbus face aux parties civiles, il ne peut y avoir de victoire face à 228 morts", a assuré Me Beauquier. "Il y a un besoin de justice et je pense que cette justice passe par la relaxe".