PARIS: Premier test pour la future loi sur l'immigration: le gouvernement présente mardi les grandes lignes de son projet de texte avant un débat à l'Assemblée nationale, dans l'espoir de dégager un consensus délicat avec l'opposition, sur ce sujet clivant et hautement inflammable.
Après la Première ministre Elisabeth Borne, qui doit prononcer vers 17H00 un discours sur la politique migratoire de la France, plusieurs ministres dont les deux auteurs du projet de loi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et celui du Travail Olivier Dussopt, se succéderont pour défendre ce texte qui doit être officiellement présenté début 2023.
Il comporte pour l'essentiel des mesures visant à rendre plus efficaces les procédures d'expulsions, une équation qui empoisonne la politique migratoire française depuis des années et que la dernière loi asile et immigration de 2018 n'a pas permis de résoudre.
Le gouvernement présente donc une série de durcissements et une réforme "structurelle" du système d'asile au service de l'accélération des procédures, ainsi que quelques mesures en faveur de l'intégration, notamment par la régularisation de travailleurs sans-papiers.
Sur ce thème de l'immigration, alimenté "par les fantasmes", le projet "vise l'efficacité", résume-t-on à Matignon: "Pouvoir éloigner plus vite ceux qui doivent l'être et pouvoir mieux intégrer par la langue et le travail ceux qui ont vocation à rester".
Permis à points
Les deux mesures-phares représentent à elles seules l'équilibre recherché et le retard pris sur le projet de loi promis par Gérald Darmanin depuis l'été. D'une part la délivrance d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dès le rejet d'une demande d'asile en première instance, sans attendre un éventuel recours, d'autre part la création d'un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les "métiers en tension", qui manquent de main d'oeuvre.
"Il faut une politique de fermeté et d'humanité fidèle à nos valeurs. C'est le meilleur antidote à tous les extrêmes qui se nourrissent des angoisses", a déclaré Emmanuel Macron ce week-end au Parisien.
Au sein de la majorité, le député Marc Ferracci, membre du groupe de travail immigration de Renaissance, défend l'idée d'un "permis de séjour à points" pour "une immigration qualifiée", sur le modèle canadien. Là aussi, la justification est de "ne pas se laisser politiquement enfermer par LR et RN sur un débat uniquement quantitatif".
Voilà l'enjeu du débat, qui sera suivi d'un autre au Sénat le 13 décembre: donner des gages à toutes les sensibilités, surtout à droite, pour trouver un consensus.
Le gouvernement a déjà assuré, lundi, que les débats serviraient à faire "évoluer" un texte pas encore finalisé. "L'objectif est de rechercher un compromis et d'avoir une majorité large", a assuré Matignon.
Gérald Darmanin doit d'ailleurs recevoir le président des députés LR Olivier Marleix le 15 décembre, date à partir de laquelle le texte peut être envoyé au Conseil d'Etat.
«Obsession»
Comme l'extrême droite, les LR dénoncent un projet pas assez répressif, reprochant notamment au gouvernement de vouloir introduire une vague de régularisations "massives" avec le titre "métiers en tension".
L'Assemblée a déjà rejeté le 1er décembre deux propositions de loi LR sur les expulsions d'étrangers délinquants.
A ce sujet, le ministère de l'Intérieur dit concentrer "l'effort sur les auteurs de troubles à l'ordre public", avec une "priorisation" de leur expulsion, promise notamment depuis le meurtre mi-octobre de Lola, 12 ans, par une ressortissante algérienne sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Dans un document qui rassemble les grandes orientations du gouvernement, l'exécutif reprend également un thème cher à la droite et l'extrême droite: la "surreprésentation des étrangers dans les actes de délinquance". Un choix que le ministère de l'Intérieur défend: "Le gouvernement constate une réalité et essaie d'apporter des réponses".
Les associations qui soutiennent les exilés et dont certaines ont participé à des concertations Place Beauvau, ont dénoncé lundi cette "assimilation immigration-délinquance".
Elles ont également déploré un "énième projet de loi", le 29e sur l'asile et l'immigration depuis 1980, placé sous le signe de l'"obsession autour des OQTF" mais "qui va toujours dans le même sens", selon Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade: "Une restriction des conditions d'accueil et une détérioration continue des droits".