LIMA : Le Congrès (parlement) péruvien a entamé dimanche une réunion d'urgence pour tenter de résoudre la grave crise politique ouverte par l'accession contestée à la présidence du pays de Manuel Merino.
Au moins trois personnes ont été tuées samedi à Lima lors d'une nouvelle journée de manifestations réprimées par la police. Les manifestants, pour la plupart des jeunes, exigeaient la démission de M. Merino, rejetant ce qu'ils considèrent comme un coup d’Etat parlementaire.
Le Congrès avait voté lundi la destitution du très populaire président Martin Vizcarra, accusé de corruption, et son remplacement par M. Merino, jusque-là à la tête du parlement.
Les dirigeants des neuf groupes parlementaires du Congrès ont entamé leur réunion à huis clos peu avant 9H00 locales (14H00 GMT), à l'initiative du nouveau chef du parlement Luis Valdez.
Celui-ci, jugeant la situation polítique du Pérou « insoutenable », avait samedi soir « demandé à M. Merino d'envisager sa démission immédiate ».
Le maire de Lima, Jorge Muñoz, qui appartient au même parti Action Populaire que M. Merino, a lui aussi exigé sa démission.
Dix des 18 ministres du cabinet constitué par M. Merino ont démissionné samedi soir à la suite de la répression des manifestations.
Les médias péruviens prévoyaient dimanche que les dirigeants du Congrès tenteraient de trouver des moyens constitutionnels de limoger M. Merino et de le remplacer par un des 19 parlementaires qui avaient voté contre la destitution de M. Vizcarra.
La nomination à la présidence de M. Merino, un ingénieur agronome de centre-droit de 59 ans, a entraîné depuis mardi des manifestations à travers tout le pays.
La plus grande marche a réuni samedi à Lima des milliers de personnes qui ont convergé vers la place San Martin. La police a de nouveau fait usage de gaz lacrymogène, lancé y compris par hélicoptères, pour disperser des manifestants qui menaçaient de marcher sur le siège du Parlement.
Les jeunes portaient des pancartes proclamant: « Merino, tu n'es pas mon président », « Merino imposteur », « Le Pérou s’est réveillé ». Un groupe s’est approché de la maison de M. Merino, à l'est de Lima, pour manifester au son des casseroles et tambours.
Démissions en série
Le décès d'un manifestant de 25 ans a été annoncé par Alberto Huerta, fonctionnaire du bureau du Défenseur du peuple, entité publique chargée de veiller au respect des droits de l'Homme au Pérou.
Le corps a été amené à l'hôpital Almenara, a-t-il précisé, ajoutant que « la victime avait des blessures par plomb de chasse au visage et au cuir chevelu, selon le médecin ».
Selon le ministère de la Santé, au moins 63 manifestants ont en outre été blessés. Le Défenseur du peuple a dénoncé un usage indiscriminé de la force par la police.
Un peu plus tard, l'archevêque de Lima, Carlos Castillo, a condamné la répression policière en annonçant à la télévision publique qu'il venait d'apprendre qu'il y avait « un troisième mort ».
Dix des 18 ministres de M. Merino ont annoncé leur démission samedi soir après la répression policière, dont celui de la Santé, Abel Salinas, selon les médias locaux.
Même si le Premier ministre, Antero Flores Araoz, conservateur de 78 ans, avait exclu plus tôt que le président se retire sous la pression des manifestations, cette éventualité semblait se préciser dimanche.
Le nouveau président, qui a gardé le mutisme depuis samedi, était injoignable dimanche matin. « Je l'appelle sans succès, je ne sais absolument pas s'il a démissionné », a déclaré le Premier ministre à la radio RPP.
L'aéroport international de Lima était fermé en raison du couvre-feu nocturne.
Le président de la Conférence épiscopale a exhorté le gouvernement à dialoguer et à respecter le droit à manifester: « Il est essentiel d’écouter et de prendre en compte les cris et la clameur de la population pour retrouver confiance, tranquillité et paix sociale », a déclaré dans un communiqué l'archevêque de Trujillo, Miguel Cabrejos.