Corrida: le débat aura-t-il lieu dans l'arène de l'Assemblée ?

De jeunes élèves s'entraînent dans une école de tauromachie à Arles, dans le sud de la France, le 23 novembre 2022. (Photo de Pascal GUYOT / AFP)
De jeunes élèves s'entraînent dans une école de tauromachie à Arles, dans le sud de la France, le 23 novembre 2022. (Photo de Pascal GUYOT / AFP)
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Publié le Jeudi 24 novembre 2022

Corrida: le débat aura-t-il lieu dans l'arène de l'Assemblée ?

  • Mercredi, lors d'une visite au salon de l'association des maires de France (AMF), le président Emmanuel Macron a écarté une interdiction dans l'immédiat
  • Malgré son article unique, le texte contre la corrida est bardé de plus de 500 amendements, surtout venus d'élus RN et Renaissance de régions taurines

PARIS: Entre ordre du jour serré et obstruction parlementaire, le débat sur la corrida risque de ne pas aller à son terme jeudi à l'Assemblée, où la proposition du LFI Aymeric Caron pour interdire cette pratique a mis le feu aux poudres.

"Si ce texte n'est pas voté ou examiné, ce serait une honte pour la représentation nationale", fustige le député de Paris. Mais "le combat" contre la corrida "continuera dès le lendemain" avec une autre initiative "qui intéressera les Français", promet déjà l'ancien journaliste.

Sa proposition de loi a été rejetée une première fois en commission le 16 novembre.

Parfois agité, le débat entre défenseurs de cette "tradition culturelle régionale" et militants de la cause animale a largement dépassé l'enceinte de l'Assemblée nationale, avec des manifestations pro et anti-corrida le week-end dernier dans les villes taurines et à Paris.

Mercredi, lors d'une visite au salon de l'association des maires de France (AMF), le président Emmanuel Macron a écarté une interdiction dans l'immédiat. Il prône la "conciliation" entre les "coutumes locales" et la "sensibilité" à la condition animale, plutôt que "l'invective".

Le gouvernement entend d'ailleurs s'opposer à la proposition "radicale" d'Aymeric Caron dans l'hémicycle.

«Plaisir immoral»

Mais la discussion pourra-t-elle avoir lieu ? Dans cette journée réservée aux textes insoumis, la corrida arrive après une proposition sensible sur la constitutionnalisation de l'IVG, objet d'environ 250 amendements.

Or, les débats doivent s'interrompre à minuit peu importe leur avancement.

Malgré son article unique, le texte contre la corrida est bardé de plus de 500 amendements, surtout venus d'élus RN et Renaissance de régions taurines. "De l'obstruction pure et simple", dénonce LFI.

"Est-ce que ce monde est sérieux ?": Aymeric Caron introduit sa proposition de loi par la chanson "La corrida", où Francis Cabrel se mettait dans la peau d'un taureau qui "râle" et "succombe".

Le député LFI suggère de modifier le code pénal, qui punit la maltraitance animale, mais dont les sanctions de l'article 521-1 "ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée".

A ses yeux, la corrida est une "barbarie", un "plaisir immoral" où l'animal est "massacré".

Les partisans de la corrida comme la LR Anne-Laure Blin revendiquent à l'inverse un "art", une "identité régionale", une "culture populaire" et louent les "milliers de terres sanctuarisées" grâce à "l'élevage des taureaux sauvages".

Deux cent dix-huit élus "de sensibilités et territoires différents", dont l'ex ministre macroniste Christophe Castaner et le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, ont signé une tribune pour la corrida et contre "l'éco-totalitarisme".

En commission, le débat s'est bien souvent focalisé sur la personnalité clivante d'Aymeric Caron, ancien chroniqueur télé.

En Camargue, l'inquiétude d'un monde «aseptisé» sans corrida

"La crainte c'est que tout devienne aseptisé, pasteurisé, qu'on gomme les particularités" régionales: à Arles, dans le sud de la France, des passionnés de tauromachie et de culture andalouse comme Dalia Navarro s'inquiètent des tentatives d'interdiction de la corrida.

Tradition espagnole introduite en France au XIXe siècle, ce combat ritualisé, jusqu'à la mort, entre homme et taureau dans une arène, a très vite pris racine en Camargue, région de plaines et de marais dans le delta du Rhône, où existaient déjà des jeux taurins et où s'installèrent de nombreux Espagnols pour des raisons économiques ou politiques.

"Le taureau ici, on vit avec depuis qu'on est tout petit", d'abord en allant voir les courses de taureaux dans la rue, puis les courses camarguaises où l'animal n'est pas mis à mort et enfin les corridas, raconte Thomas Guzman, maçon de 37 ans, qui vient régulièrement aider à la "ganaderia" Blohorn, un élevage de taureaux de combat.

Le long de l'étang du Vaccarès et de ses nuées de flamants roses, vivent sur 600 hectares ces animaux à la stature massive, au milieu de vaches et "cabestros", taureaux plus joueurs qui par leur présence calment leurs congénères.

A quatre ou cinq ans, les taureaux de combat iront affronter les matadors en "habits de lumière" dans les arènes et trouveront pour la plupart la mort à l'issue de ce que les défenseurs de la corrida qualifient de "rituel noble". Ses détracteurs, comme le député LFI de Paris Aymeric Caron, à l'origine d'une proposition de loi pour l'abolir qui pourrait être examinée jeudi, y voient une "torture".

Lorsqu'un taureau est gracié en raison de sa vaillance, il revient sur l'élevage jusqu'à sa mort naturelle.

Patrick Alarcon est le "mayoral" de la "ganaderia" Blohorn, c'est-à-dire l'intendant chef.

Depuis 39 ans, il est un de ces "gardians" qui travaillent au grand air, le plus souvent sur un cheval blanc de Camargue.

En ce matin de novembre, il nourrit les bêtes, leur parle parfois, de loin en raison de leur dangerosité. Il observe un port de tête, une allure, la courbure des cornes. "Si on abolit la corrida, tout ce savoir-faire va se perdre. Si je perds ce travail, je vais être l'homme le plus malheureux du monde, qu'est ce que je vais faire?"

«Accepter de voir la mort»

Il défend aussi le rôle de ces taureaux --qui ont besoin de grands espaces-- pour préserver l'environnement camarguais. Environ 6.000 taureaux de combat vivent en Camargue dans une trentaine d'élevages.

Comprend-il la préoccupation de certains défenseurs des animaux qui dénoncent la mise à mort du taureau dans ce spectacle? "C'est une race qui est faite pour combattre, le taureau se bat jusqu'à la mort", rétorque-t-il.

Comme beaucoup de passionnés de tauromachie à Arles, Patrick Alarcon estime que le taureau prend toute sa noblesse lors de ce combat contre l'homme, dans une arène, loin du sort des millions d'animaux emmenés, à l'abri des regards, dans des abattoirs industriels pour leur viande.

"Ces animaux meurent aussi, on n'en parle pas autant, et des fois dans des conditions pas très sympas", souligne Dalia Navarro pour qui la société "a de plus en plus de mal à accepter de voir la mort. Or, la corrida aborde la mort, un thème souvent tabou".

Cette Arlésienne a fondé Les Andalouses, un club réunissant des passionnés de danses sévillanes et de tauromachie, très actifs pendant les férias, fêtes populaires réunissant des milliers de personnes. "Ici, même des gens qui ne vont pas aux corridas y sont attachés car le taureau fait partie de la culture", insiste-t-elle.

A l'école taurine, une dizaine de jeunes apprennent à toréer, maniant la cape rouge vif. Sur le sable de l'arène, Mehdi Savalli, 37 ans, gamin d'Arles devenu matador professionnel, dit qu'il est prêt à "défendre" sa passion "coûte que coûte" face aux anticorridas. Pour lui, le taureau est comme un "compagnon". "Je comprends que c'est quelque chose qu'ils n'ont pas l'habitude de voir mais nous on ressent quelque chose de différent. Le seul truc que j'ai à dire, c'est laissez-nous tranquilles".

«Mangeurs de graines»

"Caron a tendu le débat au lieu de l'apaiser, cela crispe de donner une victoire à quelqu'un qui nous insulte", lâche un élu macroniste.

Dans les différents camps politiques, le sujet embarrasse et la liberté de vote est de mise.

Côté présidentiel, avant de devenir cheffe du groupe Renaissance, Aurore Bergé avait signé une tribune pour interdire la corrida.

Mais un autre cadre est vent debout: Jean-René Cazeneuve, élu du Gers, une terre taurine. "Après la corrida, ce sera le foie gras, le barbecue, les escargots, les huîtres (...), on le connaît l'animal Caron", lance-t-il.

A l'extrême droite, où Marine Le Pen affiche régulièrement sa sensibilité pour la cause animale, le Rassemblement national est divisé.

Le RN du Gard Yoann Gillet vise directement Aymeric Caron dans ses amendements en série contre les "mangeurs de graines" et une loi visant à "promouvoir la carrière d'un seul homme". Alors que son collègue Julien Odoul soutient l'interdiction et le "bien être animal", "peu importe l'auteur" du texte.

A droite, LR revendique pour sa part plutôt majoritairement la "défense de la tradition taurine".

Côté gauche, LFI et écologistes soutiennent l'interdiction, comme une majorité de Français selon les sondages.

Le PS est partagé et les communistes plutôt contre l'interdiction, à l'image du patron du PCF

Fabien Roussel qui y voit un "beau débat sur le rapport entre l'homme et l'animal" mais "ne votera pas l'interdiction". S'il y a un vote.


Dans les Pyrénées, Macron emmènera Xi sur ses terres d'adoption

Cette photographie, prise le 2 mai 2024, montre une vue de la station de ski du Grand Tourmalet - La Mongie dans les montagnes des Pyrénées, dans le sud-ouest de la France. Pour poursuivre la visite d'État du président chinois en France, Emmanuel Macron et XI Jinping, se rendront dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai 2024, pour un déjeuner au restaurant "L'Etape du Berger" situé sur les pistes de la station de ski. (Photo de Lionel Bonaventure AFP)
Cette photographie, prise le 2 mai 2024, montre une vue de la station de ski du Grand Tourmalet - La Mongie dans les montagnes des Pyrénées, dans le sud-ouest de la France. Pour poursuivre la visite d'État du président chinois en France, Emmanuel Macron et XI Jinping, se rendront dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai 2024, pour un déjeuner au restaurant "L'Etape du Berger" situé sur les pistes de la station de ski. (Photo de Lionel Bonaventure AFP)
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  • Le président français a choisi ce coin des Pyrénées, où il nourrit d'anciennes et profondes attaches, pour délocaliser l'espace d'une courte journée la visite d'Etat de M. Xi à l'occasion des 60 ans de l'établissement de relations diplomatiques entre les
  • Né à Amiens, dans le nord de la France, où il a grandi, Emmanuel Macron a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnère-de-Bigorre et la station de ski de La Mongie

BAGNÈRES-DE-BIGORRE, France : En apparence, c'est un petit cimetière comme les autres, mais c'est là, à Montgaillard, dans le département des Hautes-Pyrénées (sud), qu'Emmanuel Macron vient souvent se recueillir sur la tombe de sa grand-mère, près de la station de ski où il emmènera mardi le président chinois Xi Jinping.

Le président français a choisi ce coin des Pyrénées, où il nourrit d'anciennes et profondes attaches, pour délocaliser l'espace d'une courte journée la visite d'Etat de M. Xi à l'occasion des 60 ans de l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays.

Une façon de casser le protocole imposant qui entoure le moindre déplacement du dirigeant chinois pour tenter d'instaurer un dialogue sincère, notamment sur la question-clé de l'Ukraine.

- «Grâce à elle» -

Né à Amiens, dans le nord de la France, où il a grandi, Emmanuel Macron a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnère-de-Bigorre et la station de ski de La Mongie, juste avant le col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France.

C'est avec «Manette» et «Koulou», ses grands-parents maternels Germaine et Jean Noguès, que le jeune Emmanuel descendait chaque année en train jusqu'à cette petite vallée, une semaine en hiver et un mois en été.

«C'est grâce à elle qu'il est arrivé là où il est», raconte une cousine du président français, Nicole Arnal, 80 ans, venue donner un coup de main au magasin de vêtements pour dame que sa fille tient dans le centre-ville de Bagnère-de-Bigorre.

Institutrice puis directrice d'école, Manette «le faisait travailler tous les jours», même en vacances, se souvient-elle.

En dépit de la mort de Jean en 2002 et celle, douloureuse, de Manette en 2013, Emmanuel Macron n'a jamais cessé de se rendre dans les Hautes-Pyrénées.

«Il souffle quand il vient ici», explique la fille de Nicole, Sylvie Durant, 52 ans, dont les yeux s'embuent quand elle évoque les détracteurs du président, pour qui elle a forcément de l'affection.

- «Racines» -

«Un arbre, si vous voulez qu'il tienne, il a besoin de racines», philosophe l'éleveur et ami d'Emmanuel Macron Eric Abadie, dont le restaurant d'altitude accueillera la rencontre avec Xi Jinping mardi.

Au menu: épaule d'agneau, jambon de porc noir et haricots tarbais, une sélection de fromages du meilleur ouvrier de France Dominique Bouchait, et tarte aux myrtilles en dessert, à la demande expresse de Brigitte Macron. Les deux couples présidentiels et leurs interprètes dégusteront des vins locaux, un Montus rouge et un Saint Mont blanc.

«Manu», il l'a rencontré «gamin» alors qu'il venait déjeuner à son restaurant en face des pistes de La Mongie avec son grand-père, raconte l'éleveur de 61 ans a la carrure solide. «Le courant est passé» et leur amitié dure maintenant depuis près de trente ans.

Les péripéties politiques du «gamin» n'ont pas rompu les liens. «Quand il était ministre de l'Economie, (...) je l'ai fait dormir dans un canapé, avec Brigitte. Tout le monde ne l'aurait pas fait», se rappelle Eric Abadie. Les deux hommes se sont encore parlé la veille au téléphone, une vingtaine de minutes.

«Mes racines familiales sont ici (...) Dès que je peux, je viens. C'est un lieu de vérité où j'arrive serein et déterminé», avait confié le candidat Macron en 2017, au quotidien régional La Dépêche du Midi.

Pourtant fermée depuis un mois, la station de La Mongie est en «effervescence» à quelques jours de recevoir «non pas un, mais deux présidents», confie Enzo Celhaiguibel, 35 ans, sur le pas de la porte de son hôtel La voie lactée.

«Si Emmanuel Macron a choisi ce lieu qui lui est cher et auquel il est très attaché, ce n'est pas pour rien», estime l'hôtelier, qui y voit une «volonté de redynamiser la vallée».

A Eric Abadie, le président confiait encore récemment au téléphone: «Ça va faire dix ans que je serai au pouvoir, et j'aimerais qu'il y ait des choses qui restent.»

En y faisant monter Xi Jinping, le président français veut inscrire le Tourmalet dans l'histoire.


La rédaction de France Inter critique la «convocation inacceptable» de Guillaume Meurice

L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
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  • "Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter
  • Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien

PARIS: La rédaction de France Inter a dénoncé vendredi la "convocation inacceptable" de Guillaume Meurice en vue d'un éventuel licenciement, y voyant un "signe très inquiétant pour la liberté d'expression", au lendemain de la suspension de l'humoriste par Radio France.

"Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter.

Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

"Il y a des choses qu'on peut dire. Par exemple, si je dis: +Netanyahu est une sorte de nazi mais sans prépuce+, c'est bon. Le procureur, il a dit: +C'est bon+", a lancé l'humoriste dimanche, en référence au récent classement sans suite d'une plainte à son encontre l'accusant d'antisémitisme pour des propos similaires.

Convoqué à un entretien dont la date reste inconnue, il risque une "éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée de (son) contrat à durée déterminée pour faute grave", rappellent les SDJ et SDPI de France Inter, qui "voient dans cette décision un signe très inquiétant pour la liberté d'expression, valeur que défend Radio France".

"Cette convocation inacceptable semble être le symptôme d'un virage éditorial plus large", déplorent-elles.

Elles affirment ainsi avoir appris que le programme "La terre au carrée" allait s'arrêter "pour laisser place à une émission de sciences et d'écologie +plus narrative+ toujours présentée par Mathieu Vidard mais sans Camille Crosnier" et évoquent une "coupe drastique" du budget du "Grand dimanche soir".

Interrogée par l'AFP sur ces éléments, France Inter a expliqué qu'"en accord avec Mathieu Vidard, il y aura une évolution éditoriale de son émission à la rentrée mais elle gardera ses fondamentaux, l'environnement et la science".

Camille Crosnier, elle, restera aux manettes des "P'tits bateaux", désormais diffusée sept jours sur sept, et elle est "en discussions sur d'autres projets" au sein de la grille.

Quant au "Grand dimanche soir", France Inter "souhaite que l'émission continue l'an prochain mais il faut la faire évoluer d'un point de vue éditorial pour qu'elle rentre dans nos frais, en gardant toute l'équipe et en restant en public", a expliqué la radio.

"Aujourd'hui, des séquences coûtent extrêmement cher à produire. Un travail est en cours avec la productrice, Charline Vanhoenacker, pour trouver la meilleure formule", a-t-on appris de même source.

 

 


Victimes de cyberattaques attribuées à la Chine, des parlementaires français s'inquiètent

Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
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  • A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic
  • Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31

PARIS: Ciblés par une campagne mondiale de cyberespionnage menée par un groupe de hackers aux liens présumés avec l'Etat chinois, plusieurs parlementaires français ont tiré ces derniers jours la sonnette d'alarme devant la "légèreté" de la réponse des autorités face à cet "acte de guerre".

A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic.

Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31, que plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, considèrent lié au gouvernement chinois.

Le point commun de ces élus ? Tous sont membres de l'alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC), une instance crée en 2020 pour agir de manière coordonnée sur différents sujets relatifs à la Chine (Covid, répression des Ouïghours, manifestations à Hong Kong...).

Pour la plupart, ces députés et sénateurs français n'ont pourtant découvert l'existence de cette attaque qu'à la fin du mois de mars 2024, lorsque le ministère de la justice américain a publié un acte d'accusation inculpant sept Chinois pour une "prolifique opération de piratage informatique à l'échelle mondiale". Seraient concernés, notamment, plusieurs centaines de comptes liés à l'IPAC, attaqués en janvier 2021.

Pixels malveillants

Lorsqu'il apprend la nouvelle, l'ex-sénateur André Gattolin, qui coprésidait la branche française de l'IPAC jusqu'en septembre 2023, fait le lien tout de suite: à l'automne 2021, les services informatiques du Sénat avaient trouvé dans son ordinateur professionnel des virus de type "cheval de Troie", à la suite d'une alerte de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

"A l'époque, je rédigeais un rapport très sensible sur les ingérences étatiques dans les universités et la recherche. Déjà, je m'étais demandé si la Chine pouvait être derrière tout ça", affirme l'ancien élu à l'AFP.

En fouillant ses emails, André Gattolin retrouve la "source corrosive": un mail du 6 janvier 2021 lui proposant de soutenir une soi-disant journaliste indépendante chinoise enquêtant sur la pandémie de Covid à Wuhan.

"Je me rends compte que ce mail avait été ouvert", raconte-t-il. "J'appelle l'Anssi, j'ai du mal à me faire entendre. Même son de cloche auprès des services de renseignement intérieur français (DGSI). Je dépose plainte le 4 avril et nous prenons contact à l'IPAC avec le FBI, qui nous assure avoir prévenu les services français dès 2022. Mais personne ne nous a rien dit", ajoute l'ancien sénateur, agacé.

Alertée par son collègue, la députée du parti présidentiel Renaissance Anne Genetet fait la même manipulation sur sa boîte mail et retrouve aussi un courrier suspect du 21 janvier 2021. "Malencontreusement, je l'ouvre. Une image s'affiche immédiatement, je comprends tout de suite qu'un virus malveillant se trouve dans les pixels", raconte la députée, qui porte plainte immédiatement et dont l'ordinateur est sous scellés depuis.

Interrogé par l'AFP, le parquet s'est refusé à tout commentaire sur ce dossier.

" Dysfonctionnements" 

"S'il y avait aussi peu de parlementaires concernés, je serais rassuré", glisse un haut-responsable français familier des questions de défense. Ce dernier note que l'Anssi protège les services informatiques des deux chambres, ce qui permet de "voir passer pas mal de choses". "Mais il est important que toutes les personnalités importantes se disent qu'elles peuvent être interceptées", insiste cette source.

Les mêmes courriers ont été remarqués par des parlementaires du monde entier, en Belgique, au Canada, en Allemagne ou encore au Danemark.

"Il y a au minimum beaucoup de légèreté et de dysfonctionnements. Je m'inquiète de voir cette puissance chinoise qui agit et un silence total en face. Autant faire entrer tout de suite des espions chinois dans les bureaux", reprend André Gattolin.

Interpellé mardi au Sénat, le gouvernement français s'en est tenu à une réponse convenue: "Le mode opératoire d'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier", "y compris judiciaire", a assuré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, et "le gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques" à l'avenir.

Peu rassurant pour les parlementaires concernés. "C'est une attaque ouverte, officielle, et les autorités le savent", regrette Olivier Cadic. "Ce qu'on nous fait, c'est un acte de guerre".