ISTANBUL : Les forces kurdes ont accusé l'armée turque d'avoir bombardé samedi soir plusieurs régions sous leur contrôle dans le nord de la Syrie, au moment de l'annonce par Ankara que "l'heure des comptes a sonné", à la suite du récent attentat à Istanbul.
Ces raids sont menés quelques jours après que le PKK et les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par Washington, ont rejeté les accusations d'Ankara sur leur responsabilité et nié tout lien avec l'attentat d'Istanbul du 13 novembre, qui a fait six morts et 81 blessés.
Selon les FDS, la Turquie a mené des frappes aériennes sur les zones sous son contrôle dans les provinces d'Alep (nord) et de Hassaké (nord-est), notamment contre la ville de Kobané, près de la frontière turque.
"Kobané, la ville qui a défait l'Etat islamique, est la cible de bombardements par l'aviation de l'occupation turque", a annoncé Farhad Shami, un porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS, coalition armée dominée par les Kurdes), qui avait démenti tout lien avec l'attentat.
Plus de vingt frappes ont été effectuées par l'armée turque dans les deux provinces, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée à Londres et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.
Les bombardements ont tué au moins six membres des FDS et six soldats prorégime, selon l'OSDH.
Les forces kurdes n'ont pas annoncé de pertes dans leurs rangs.
Mais M. Shami a confirmé que les bombardements turcs visaient des sites appartenant aux forces gouvernementales syriennes dans les provinces de Raqqa et de Hassaké (nord-est) et d'Alep (nord), faisant des morts et des blessés.
Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a également critiqué des bombardements "agressifs et barbares".
"Le bombardement turc de nos zones menace la région entière. Ce bombardement ne sert aucun parti. Nous faisons tout pour éviter une catastrophe majeure. Si la guerre éclate, tout le monde sera affecté", a-t-il tweeté.
Rendre des comptes
"L'heure des comptes a sonné", a annoncé dimanche sur Twitter le ministère turc de la Défense, montrant la photo d'un avion décollant pour une opération nocturne sans précision de lieu.
"Les salauds devront rendre des comptes pour leurs attaques perfides", a poursuivi le ministère sur son compte officiel.
"Des foyers terroristes rasés par des tirs de précision", a relevé le ministère turc dans un autre tweet accompagné d'une vidéo montrant une cible désignée depuis le ciel avant une explosion.
Les autorités turques accusent une jeune femme de nationalité syrienne d'avoir posé la bombe, qui a explosé dans la grande rue commerçante d'Istiklal, dans le centre d'Istanbul.
Les autorités avaient immédiatement désigné le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et les YPG (Unités de protection du peuple), milice kurde active en Syrie, accusée par la Turquie d'être affiliée au PKK.
Le ministre turc de l'Intérieur Suleyman Soylu avait affirmé que "l'ordre de l'attentat a(vait) été donné de Kobané", ville contrôlée par les forces kurdes.
Le département d'Etat américain avait dit vendredi craindre "une éventuelle action militaire de la Turquie", en déconseillant à ses ressortissants de se rendre dans le nord de la Syrie et de l'Irak.
En guerre depuis 2011, la Syrie est morcelée à cause de l'intervention de multiples groupes et puissances étrangères dans le conflit.
Entre 2016 et 2019, l'armée turque a lancé trois opérations d'envergure dans le nord de la Syrie visant les milices et organisations kurdes.
La Turquie, dont les soldats sont présents dans des zones du nord de la Syrie, menace depuis mai de lancer une offensive d'envergure contre les FDS, qu'elle considère comme "terroristes".
Ankara dit vouloir créer une "zone de sécurité" de 30 kilomètres de largeur à sa frontière sud.