PARIS : Les funérailles de jeunes Iraniens, tués selon leurs familles par les forces de l'ordre dans la répression de la contestation, ont provoqué vendredi de nouvelles protestations antirégime.
Depuis le 16 septembre, l'Iran est le théâtre d'un mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des moeurs pour avoir d'après celle-ci enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique.
Les autorités dénoncent des "émeutes" et ont arrêté plus de 15 000 manifestants selon l'ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo. Des centaines de manifestants ont été tués dans la répression, d'après des ONG.
Vendredi, des dizaines de personnes se sont rassemblées à Izeh, dans la province du Khouzistan (sud-ouest), pour les obsèques de Kian Pirfalak, 9 ans, tué mercredi avec six autres personnes, selon des images diffusées par l'agence iranienne Isna.
Dans une vidéo diffusée par l'IHR et le média en ligne 1500tasvir, on entend une femme présentée comme la mère de Kian accusant les forces de sécurité d'avoir tué son fils.
Les médias officiels iraniens ont attribué l'attaque à des "terroristes". Et le gouverneur de la province du Khouzistan, Sadegh Khalilian, a accusé des "éléments" étrangers.
"Ecoutez-moi pour savoir comment l'attaque a eu lieu, parce qu'ils mentent quand ils disent que c'est une attaque terroriste", a dit la femme dans la vidéo. "Des membres des forces de l'ordre en civil ont tué mon fils. C'est ce qui s'est passé", a-t-elle ajouté.
Outre le petit Kian, Sepehr Maghsoudi, âgé de 14 ans, a aussi été tué dans l'attaque d'Izeh, selon des médias d'opposition basés à l'étranger.
Révolution 2022
"Mort à Khamenei", ont crié lors des funérailles des manifestants selon une autre vidéo postée par 1500tasvir, en référence au guide suprême de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei.
"Kian Pirfalak et Sepehr Maghsoudi font partie des au moins 56 enfants tués par les forces iraniennes dans la répression de la révolution 2022", a affirmé Hadi Ghaemi, le directeur du Centre pour les droits de l'Homme en Iran, basé à New York.
Les funérailles de manifestants tués dans la répression donnent généralement lieu à des rassemblements pour dénoncer la mort de Mahsa Amini, et plus généralement pour s'en prendre au pouvoir.
Toujours dans l'ouest de l'Iran, l’agence de presse iranienne Tasnim a fait état de la mort d'un responsable local des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l'Iran, Nader Beirami, tué à l'arme blanche lors d'affrontements avec des "émeutiers" à Sahne. L'agresseur a été arrêté.
A Tabriz (nord), des slogans antirégime ont été scandés lors des funérailles d'Aylar Haghi, un étudiant en médecine dont la mort a été imputée par des militants aux forces de sécurité.
Une foule a assisté aussi à Mahabad (nord-ouest) aux obsèques d'Azad Hassanpour tué jeudi par les policiers, a indiqué l'ONG de défense des Kurdes d'Iran Hengaw, basée en Norvège.
Et d'après des images postées sur les réseaux sociaux vérifiées par l'AFP, des protestataires ont mis le feu à la maison historique du fondateur de la République islamique, l'ayatollah Khomeiny, à Khomein (ouest). L'agence de presse iranienne Tasnim a démenti.
Drapeaux arrachés
La répression du régime a été particulièrement sévère dans les zones kurdes du nord-ouest du pays mais aussi dans celles du sud-est, notamment dans la province déshéritée du Sistan-Baloutchistan.
Au moins 342 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations en Iran, selon l'IHR: 219 ont péri lors des protestations liées à la mort de Mahsa Amini et 123 au Sistan-Baloutchistan dont plus de 90 le 30 septembre dans la capitale provinciale Zahedan, lors de protestations contre le viol d'une adolescente imputé à un officier.
De nouvelles manifestations ont eu lieu vendredi à Zahedan, où des participants ont arraché les drapeaux iraniens de bâtiments, selon l'IHR.
Dans le même temps au Qatar, où le coup d'envoi de la Coupe du monde de football sera lancé dimanche, le capitaine de l'équipe nationale iranienne Alireza Jahanbakhsh est resté prudent quant à un éventuel soutien de ses joueurs aux manifestations.
Interrogé sur la possibilité qu'ils ne chantent pas l'hymne national en solidarité aux protestataires, Jahanbakhsh a indiqué que la décision serait prise "collectivement".